Brésil : un appel citoyen contre l’alliance des tueurs

FILE PHOTO: Presidential candidate Jair Bolsonaro leaves an agribusiness fair in Esteio, Rio Grande do Sul state, Brazil August 29, 2018. REUTERS/Diego Vara/File photo - RC1E33C0D170

Chico Whitaker, 29 novembre 2019   

En acceptant que des cartouches d’armes de gros calibre et des douilles de  balles symbolisent le nouveau parti qu’il a créé, et en choisissant comme numéro d’identification de ce parti le nombre 38, à savoir le calibre du revolver bien connu des criminels de droit commun, le fou qui a émergé parmi les députés les plus irresponsables et opportunistes, et qui a été élu président de la République, a atteint l’apogée de ses provocations et menaces contre le peuple brésilien et ses institutions démocratiques.

Je suis sûr d’exprimer dans ce texte l’angoisse de la grande majorité des Brésiliens face à la destruction systématique et généralisée des avancées civilisatrices du pays, conquises dans un long et douloureux processus depuis que le Brésil est devenu une nation indépendante. Nous sommes en train de voir la concrétisation de l’intention déclarée par le président dans son discours du 17 mars à l’ambassade du Brésil à Washington lors de son premier voyage à l’étranger après son élection: « Nous devons beaucoup déconstruire, beaucoup défaire … »

J’exprime également la perplexité générale devant la paralysie de nos institutions – et j’appelle à ce qu’elle soit surmontée avant qu’il ne soit trop tard – pour mettre un terme à cette destruction (dans de nombreux cas déjà sans retour en arrière possible, comme par exemple pour la vie de nombreuses personnes), ou cela nous coûtera cher.

Après le lancement du nouveau parti du président, la grande question que tout le monde se pose est la suivante : où est, dans notre Constitution, le remède pour ces situations à la limite de la survie pour la nation, comme celle dans laquelle nous sommes aujourd’hui ? Comment prévenir l’émergence, dans tout le Brésil, de milices de tueurs professionnels protégées par des «exclusions d’illégalités»1 et articulées par ce «parti de la violence et des tueurs»?

Si la Cour suprême, en tant que plus haute juridiction et gardienne de la Constitution, ne peut agir que lorsqu’elle est saisie, il est nécessaire que lui arrivent, le plus rapidement possible, des actions judiciaires, appuyées par la mobilisation de tous, demandant à interdire l’existence même de ce parti, totalement contraire aux principes fondateurs de nos préceptes constitutionnels.

Un voisin du président de la République, dans la copropriété de luxe où se situe sa résidence privée, et accusé du meurtre de la conseillère municipale Marielle Franco et de son chauffeur, gardait dans la maison d’un de ses complices 117 fusils modernes et neufs, prêts à être assemblés et utilisés, ainsi que des munitions. .

Devrons-nous attendre que les militants du nouveau parti reçoivent ces armes et d’autres encore, cachées dans de nombreux arsenaux après l’élection d’un président favorable au règlement violent des conflits, et qui a allégé le contrôle de la contrebande des armes dans le port d’Itaguaí, à Rio de Janeiro?

Les exclusions d’illégalité permettent de passer outre le droit dans un certains nombres de situations consignées dans le code pénal, comme la légitime défense, ou l’état de nécessité. Le président Bolsonaro voudrait élargir le périmètre de ces exclusions d’illégalité. Le projet soumis au Congrès, en début d’année, par le ministre Sergio Moro (Justice) proposait entre autres l’exemption de sanctions aux policiers qui « tuent dans un conflit armé ou à risque imminent de conflit armé ». Le projet de loi (dénommé «anti-crime ») prévoyait également la possibilité de réduction ou non application de la peine si l’excès commis par l’agent public se produit en raison «de peur excusable, surprise ou violente émotion». Des amendements déposés par l’opposition (et votés en ce début décembre), ont permis de revenir en arrière sur les points les plus problématiques de ce projet de loi, et en particulier ce dernier point, mais la bataille n’est pas terminée, et ne se joue pas qu’au Congrès. Cet article le dit bien.

Il ne suffit plus d’un appel comme celui des « Indignés! », lancé en France face à ce qui s’y passait en 2012, par un citoyen de plus de 90 ans, militant de la lutte pour la démocratie depuis l’élaboration par l’ONU de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Nous sommes confrontés à une urgence plus dramatique. Nous devons cesser tout ce que nous faisons et nous élever, tous, au-dessus des partis et des divergences idéologiques, pour rechercher et concrétiser une voie constitutionnelle qui relève de ses fonctions, le plus rapidement possible, l’actuel président de la République.

Plusieurs personnes lancent des alertes comme la mienne. Plusieurs personnes lancent aussi des initiatives de résistance, mais celles-ci sont ponctuelles. On ne voit pas émerger d’actions collectives, ou plus fortes, venant des institutions en danger. Chaque secteur lutte pour ne pas perdre des droits. Espérons que la réalité que nous vivons ne devienne pas ordinaire.