crédit photo : Amélie David

Amélie David, correspondante à Beyrouth

La sage-femme spécialisée en soins obstétricaux et gynécologiques, Agnès Hien, a fondé une «école des mamans» dans la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou. Malgré les réticences des premières années, de plus en plus de femmes, et leurs maris, viennent s’y préparer à l’accouchement.

«Allez! On lève les jambes…» Sur une musique rythmée, un groupe de six femmes enceintes suivent avec attention les instructions d’Agnès Hien, sage-femme burkinabè. Après les cours théoriques sur la gestion des douleurs ou l’allaitement,

place à la séance de sport. «Tu es fatiguée, tu veux que bébé sorte…lance Agnès Hien à sa classe. On lève les bras et un, deux, trois…» L’école des mamans a ouvert ses portes en 2020 à Ouagadougou.

Agnès Hien a créé cette structure après être revenue d’une mission au Maroc, où elle a découvert les bienfaits de l’accompagnement des futures mamans. «Je suis sage-femme depuis 20ans et j’ai vu comment, ici au Burkina Faso, elles souffrent pendant l’accouchement ici au Burkina Faso. Depuis de nombreuses années, cela me trottait dans la tête d’améliorer leur préparation à l’accouchement», expose la sage-femme, qui a créé cette école particulière avec ses fonds personnels et l’aide de ses proches.

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Une réduction de la mortalité toujours insuffisante

D’après un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)de 2017, le niveau de mortalité maternelle au Burkina Faso est de 330décès pour 100000 naissances dans le pays. Dans une étude intitulée La lutte contre la mortalité maternelle au Burkina Faso est-elle adaptée pour réduire les trois retards ?parue dans la revue Santé publique, Issiaka Sombié explique qu’au Burkina Faso: «Le ratio de mortalité maternelle a connu une réduction passant de 727 à 371 pour 100000 naissances vivantes entre 1990 et 2015. Cette amélioration a cependant été jugée insuffisante, car n’ayant pas permis d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement.»

Agnès Hien a elle-même été confrontée à cette triste réalité. «Une femme est décédée en couche alors que ce décès était évitable, si seulement elle était arrivée plus tôt…», soupire-t-elle toujours la professionnelle. Dans ces cours, la professionnelle de santé sensibilise aussi ses patientes-élèves à la connaissance de leur propre corps, de leurs besoins et de leurs attentes. «Donner la vie, c’est important. Quand une personne arrive à accoucher sans problème, je suis heureuse», continue la sage-femme qui accompagne parfois ses patientes jusque dans la chambre d’hôpital.

C’est le cas de Laurette Nikiema, une élève à l’école des Mamans, qui a été assistée d’Agnès Hien pour mettre au monde son premier enfant. Pour sa deuxième grossesse, elle est revenue suivre des cours de préparation à l’accouchement. «Je viens ici pour apprendre à mieux gérer la douleur et prendre soin du bébé après…Et puis les séances de sport sont très bénéfiques…ça te fatigue dans le bon sens et, ensuite, tu es prête pour la compétition!», déclare la jeune maman dans un rire.

crédit photo : Amélie David

Comme elle, les autres élèves aimeraient que l’approche d’Agnès Hien se démocratise et que de plus en plus de Burkinabè rejoignent les bancs de son école. «Il faut vraiment oser venir. Bien souvent, les femmes ne voient que la douleur, mais un accouchement peut se passer autrement si on est bien préparé», ajoute Elsa Kaboré, enceinte de huit mois.

Avoir les partenaires présents et aller dans les campagnes

Les débuts de l’aventure de l’école des mamans ont été difficiles. Agnès Hien attribue ça à des idées arrêtées sur la maternité et l’accouchement. «Il ne faut pas que les gens pensent que c’est juste une histoire de Blancs…» Aujourd’hui environ 200 futures mamans suivent les cours de l’école. Parfois, elles sont accompagnées par leurs partenaires. «En général, les maris financent, explique Agnès. Mais n’accompagnent pas assez, il faut changer cela.»

Autre défi à relever pour la sage-femme: celui des moyens matériels financiers pour aller dans les zones les plus reculées du Burkina Faso. Cette année, elle s’est rendue auprès des populations rurales pour donner quelques séances où des Personnes déplacées internes (PDI) ont pu participer. «Mais il faut y aller plus souvent, car c’est là qu’il y a le plus de mortalité maternelle.»