Canada : politique extérieure et racisme

 

Bianca Mugyenyi, extraits d’un texte paru dans Passage, 1er septembre 2020

Le racisme au Canada est de plus en mis remis en question. Pourtant, son rôle dans la politique étrangère est rarement discuté. L’impact de nos politiques se fait sentir dans les grandes populations noires du monde entier, comme Port-au-Prince, en Haïti, par exemple, une ville plus proche de Montréal que Vancouver.

En juillet, une ouvrière du vêtement enceinte de six mois, Sandra René, a subi une mort tragique en Haïti. Bien que peu de Canadiens pensent au départ relier le destin de René à la lutte contre la noirceur chez eux, il y a un lien à faire.

René a travaillé chez Palm Apparel et Sewing International à Port-au-Prince pendant plus de 10 ans. Lorsqu’elle est tombée malade, elle a demandé de l’aide médicale. En arrivant, on lui a dit qu’elle n’était pas couverte et s’est détournée. L’employeur de René avait déduit 3 pour cent de son maigre salaire en prestations de santé, mais avait négligé de remettre les retenues à l’agence médicale. Le traitement coûterait 70 000 gourdes (840 $), ce qu’elle n’avait pas. L’employeur de René a refusé de payer cela ou de lui prêter de l’argent et elle a été forcée de retourner chez elle. Elle est décédée quatre jours plus tard.

Palm Apparel est un sous – traitant du géant canadien du t-shirt Gildan et travaille avec eux depuis plus de 18 ans. Comme la plupart des ateliers clandestins d’Haïti, Palm Apparel est dirigé par un homme à la peau claire qui préside une main-d’œuvre presque entièrement noire. Alain Villard, le président de l’entreprise, a un historique de tentatives opposées pour améliorer les conditions de travail et augmenter le salaire minimum. En 2017, par exemple, cinq dirigeants syndicaux ont été licenciés à la suite d’une grève sectorielle appelant à une augmentation du minimum quotidien de 4,50 USD.

Malgré ce bilan douteux, le gouvernement canadien continue de promouvoir le secteur du vêtement haïtien comme moyen de «développement». En 2007, par exemple, alors président de l’Agence canadienne de développement international, Robert Greenhill aurait loué l’industrie haïtienne du vêtement, citant les effets positifs qui découleraient de la réactivation des zones franches d’exportation du pays.

L’argument avancé était qu’Haïti devrait se concentrer sur son «avantage comparatif» sur le marché de l’habillement, ce qui implique d’offrir la main-d’œuvre la moins chère de l’hémisphère en plus d’avoir une proximité favorable et un accès privilégié au marché américain. En pratique, cela signifie que des femmes noires cousent des t-shirts pour 5 $ par jour dans des entreprises dirigées par des hommes blancs.

Les hommes qui dirigent le secteur du vêtement en Haïti sont parmi les principaux alliés politiques du Canada dans le pays. Un autre sous-traitant de Gildan de longue date, par exemple, est détenu par André Apaid, qui a dirigé le Groupe des 184 – un groupe d’élite haïtienne – l’opposition au président élu Jean-Bertrand Aristide en 2004. Le Canada – ainsi que les États-Unis et la France – financé et travaillé avec le Groupe des 184 pour renverser Aristide, en partie parce qu’il a augmenté le salaire minimum quotidien de 36 à 70 Gourdes (environ 1,25 $ à 2,50 $).