« Ils ne les feront pas taire », cette phrase forte accolée au titre du collectif Femmes à abattre annonce d’entrée de jeu la couleur concernant les objectifs de cette Première enquête internationale sur les féminicides politiques. Fruit de la collaboration d’Anne-Laure Pineau, Leïla Miñano et Hélène Molinari, Femmes à abattre a répertorié près de 300 féminicides politiques depuis 2010. Tous les meurtres de femmes recensés ont la même caractéristique : tuer des femmes à cause de leur genre et leur activisme politique ou militant, parce qu’elles défendaient des causes.

Cette première enquête listant les assassinats politiques de femmes a été chapeautée par Youpress, un collectif de journalistes indépendant·e·s actif depuis 15 ans à l’international. Youpress a généré cette base de données en  « collectant des bases existantes construites par des ONG spécialisées dans les droits politiques, en fouillant les articles de presse à travers le monde, en les croisant avec des interviews d’expertes, de survivantes et de proches, les journalistes de Youpress ont commencé à rassembler des dizaines de noms de femmes assassinées pour leurs causes et pour leur genre1 ».

On se souviendra par exemple de l’assassinat au Brésil de la sociologue et militante Marielle Franco2, tuée en plein centre de Rio de Janeiro avec son chauffeur le 14 mars 2018 parce qu’elle défendait les droits humains et LGBT, ou encore celui en juin 2016 de Berta Cáceres, une militante autochtone et écologiste de la communauté Lenca au Honduras3.

De nombreuses femmes militantes ont subi le même sort dans des pays ou l’État de droit est inexistant, voire très faible. Pourtant, comme le mentionne Delphine Bauer (également membre du collectif Youpress) dans une entrevue pour la chaîne France244, on aurait tort de croire que les pays dits démocratiques et où les femmes sont représentées ne connaissent pas de féminicides politiques. Pour elle, l’assassinat en juin 2016 de la députée travailliste Jo Cox en Angleterre5 est la preuve que cela concerne aussi les grandes démocraties occidentales.

De plus, pour Mona Lena Krook, professeure de sciences politiques à l’université Rutgers (New Jersey), en plus de la perte d’une vie humaine et du drame pour les familles et les communautés, il s’agit d’une perte pour les luttes qu’elles incarnent, une sorte de double assassinat, individuel et politique.6

Pour aller plus loin

Le média français Blast a mis en ligne une longue entrevue des trois journalistes indépendantes et membres de Youpress. Elle est disponible ici.

Notes et références
  1. https://femmesaabattre.com/#l’enqu%C3%AAte []
  2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marielle_Franco []
  3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Berta_C%C3%A1ceres; voir aussi Lakhani, N., 2023, Qui a tué Berta Cáceres ?, Éditons de la rue Dorion, préface de Marie-Dominik Langlois, pstfaces de Nancy Tapias Torrado, de Marie-Eve Marleau et d’Amelia Orellana, traduit de l’anglais par Monica Emond et Claude Rioux, 408 pages. En ligne https://ruedorion.ca/qui-a-tue-berta-caceres. []
  4. https://youtu.be/FF-oGYq1nkk?t=384 []
  5. https://www.ledevoir.com/monde/europe/473615/la-deputee-britannique-jo-cox-tuee-par-balles []
  6. https://revueladeferlante.fr/les-feminicides-politiques-entretiennent-l-idee-que-la-vie-publique-appartient-aux-hommes/ []