Comment achever la décolonisation du monde ?

Jade St-Georges et Olivier Therrien, membres de la délégation jeune à l’UÉMSS

Comment achever la décolonisation du monde? C’est la question à laquelle les panélistes de l’atelier à l’UEMSS étaient invité-es à discuter. Toutefois, leurs réponses sont à la fois simples et complexes.


Cet article présente le contenu de l’atelier Décoloniser! Constats et initiatives pour achever la décolonisation du monde, organisé par le Réseau d’information et de documentation pour la solidarité internationale et le développement durable (Ritimo), CSIA-Nitassinan et le Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte, dans le cadre de l’Université des mouvements sociaux et des solidarités à Bobigny. Les autochtones suivants ont pris la parole : Mario Alberto Castillo Quintero, Nataani Means, Kanahus Manuel, Fred Hampton Jr. On retrouve la vidéo d’entrevues faites de panélistes par TV Bruits.


Note de reconnaissance

Nous nous sommes questionné·e·s sur la façon de rendre justice aux discours extrêmement forts et puissants exprimés lors de cet atelier. Un élément central qui revient est l’importance et la responsabilité de l’éducation. Souvent, elle retombe sur les personnes qui expérimentent ces oppressions, alors que la responsabilité revient aux personnes blanches que nous sommes et vivant sur l’Île de la Tortue de manière non invitée et héritières de la colonisation.

Par leurs interventions, les panélistes autochtones en ont assumé la charge en nous partageant leurs luttes, leurs contextes, leurs motivations, leurs stratégies et des ressources extrêmement intéressantes. Nous voulons donc vous partager ici ces outils que nous avons reçu pour prendre en charge collectivement notre éducation, nous responsabiliser notamment en tant que personnes bénéficiant d’une série de privilèges découlant du colonialisme. Nous espérons que cela contribuera à prendre conscience des liens entre les différentes oppressions, à poser des actions concrètes et à sensibiliser votre entourage afin de les soutenir de façon respectueuse dans leurs luttes.


Comment achever la décolonisation du monde? C’est la question à laquelle les panélistes de l’atelier à l’UEMSS étaient invité-es à discuter. Toutefois, leurs réponses sont à la fois simples et complexes. Simples, puisqu’elles impliquent des actions concrètes clairement énoncées par chacune des interventions : reconnaissance, éducation, résistance, solidarité, écoute, etc. Complexes, car elles impliquent des changements structurants que très peu de personnes et institutions sont prêtes à faire. Par ailleurs, il s’agit également d’achever la décolonisation sans reproduire les schèmes coloniaux qui se sont répétés historiquement.

Rallier la résistance et la lutte

Mario Alberto Castillo Quintero a ouvert l’échange en appelant les différents peuples du monde — notamment ceux en position de privilège — à aller plus loin que la solidarité et de se joindre à la résistance et à la lutte. Représentant du réseau «Pueblos y Energía» et de l’Assemblée des Peuples indigènes de l’Istmo pour la défense de la Terre et du territoire, il a témoigné du risque des combats militants dans plusieurs régions du monde et pour plusieurs populations.

Il a mis l’emphase sur les militant·e·s autochtones luttant dans le territoire que l’on nomme aujourd’hui le Mexique et qui résistent face aux différentes industries et instances qui menacent leur culture, leur territoire et leur vie.

Dépasser les théories, les discours et les solidarités de surface

Cela rejoint le message de Fred Hampton Jr, président du Comité des prisonniers d’opinion et des Black Panther Party Cubs. Celui-ci invite à l’action concrète pour dépasser les théories, les discours, les solidarités de surface. Il a nommé l’exemple des militants noirs états-uniens dont celui de Mutulu Shakur décédé en juin 2023 quelques mois après sa sortie de prison, et de Mumia Abu Jamal détenu depuis 42 ans.

Fred Hampton Jr a décidé de suivre les traces de son père — Fred Hampton — assassiné par la Police en 1969. En mémoire à son père et à ses confrères et consœurs, Fred Hampton Jr a créé les «Black Panthers Cubs» qui portent l’héritage des Black Panthers et de ses membres. D’ailleurs, il est lui-même survivant d’incarcérations pour son militantisme.

Il lutte également pour sauver la maison de Fred Hampton — un important lieu de commémoration, de solidarité et d’entraide pour les communautés noires états-uniennes — via la campagne Savethehamptonhouse.org. Vous pouvez en apprendre davantage sur Fred Hampton — important militant afroétat-unien et leader du ​​Black Panther Party — et sur son assassinant en visionnant le film Judas and the black Messiah.

Ne pas perdre espoir pour les générations futures

Son camarade provenant des communautés Oglala Lakota, UmoNhoN et Diné — Nataani Means a lui aussi expliqué les luttes que lui et son peuple tiennent et l’importance qu’elles ont pour sa culture, sa communauté et l’ensemble de la planète. Lutter contre le colonialisme, c’est lutter contre une maladie qui tue lentement. Il soutient qu’il est dur de ne pas perdre espoir, mais que c’est en même temps impossible de se laisser perdre espoir et de ne pas tout faire pour assurer ce qu’il y a de mieux pour les générations à venir.

Il a partagé les pages des réseaux NDN Collective, Seeding Sovereignty et #Landback qui permettent notamment à leurs allié·e·s de suivre leurs luttes et de les appuyer activement. Il a mis l’emphase sur l’importance des alliances en soutenant que son peuple ne constitue qu’un pour cent de la population états-unienne et qu’il lutte contre une des puissances les plus nanties de la planète.

Penser globalement et agir localement

La dernière panéliste — Kanahus Manuel, militante et warrior Secwepemc Ktunaxa — a présenté des luttes locales et l’importance de s’investir dans ces luttes tout en pensant globalement. On peut notamment suivre la lutte des Tiny House Warrior pour en connaître davantage et appuyer la lutte des défendeurs et défendeuses du territoire Secwepemc.

Pour Kanahus Manuel, une des stratégies à prioriser est d’atteindre les puissances coloniales et destructrices à travers leur portefeuille puisque c’est ce qui leur donne leur pouvoir. Pour y arriver, elle souligne l’importance des solidarités. C’est pourquoi cette militante et Fred Hampton Jr travaillent ensemble à notamment faire renaître la «Rainbow Coalition» initiée par Fred Hampton pour regrouper les communautés victimes du racisme et du colonialisme pour faire front commun.

Ce retour n’est qu’un bref aperçu des riches apports de ces quatre personnes inspirantes. Nous espérons qu’il permettra néanmoins de relayer leurs luttes et leur résistance. Puisque la visibilité est une stratégie de survie et un moyen d’accroître leur sécurité, nous vous invitons fortement à suivre sur vos réseaux ces différents groupes militants à travers leurs actions.

Pour visionner sur FB un autre échange de ces mêmes panélistes lors de l’UÉMSS (en anglais)

Pour visionner sur FB l’échange (en anglais)