Dessin animé terre et humains divisée en deux parties différent - Illustration libre de droits
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Rana Bouazer JdA-PA – Plusieurs ateliers ont porté sur les luttes émergentes dans les pays du Sud global. Celui animé par Chantal Ismé, militante ayitienne et québécoise, a réuni des panélistes du Brésil, de Palestine, des Philippines et d’Haïti.

À la lumière des présentations, on constate que toutes et tous s’opposent au récit du développement promu par les pays du Nord et remettent en question l’hégémonie des narratifs qui en découlent. Surtout, cette vision du développement vise à faire accepter par les populations du Sud les projets du Nord beaucoup liés à l’extractivisme, au pillage des ressources et surtout au mythe d’une croissance économique bénéfique à tous, perpétuant  pourtant un modèle économique écocide et inégalitaire.

LGT, une conférence internationale

C’est sous le thème de « Repolitiser, Imaginer, Réaliser », que s’est déroulée l’édition 2023 de la conférence internationale La Grande Transition – LGT. Cette rencontre, qui s’est tenue à l’Université Concordia, s’est érigée en véritable plateforme alternative, où des universitaires, des militantes et des militants de plusieurs pays se sont réunis autour de discussions engagées, afin d’élaborer un projet de transition qui transcende les contraintes du capitalisme.

C’est dans cet esprit qu’a eu lieu l’atelier « Réflexion sur les luttes émergentes dans le Sud global » du 18 mai 2023.  Cette conférence avait également pour objectif de susciter des discussions afin de renforcer la solidarité entre les pays du sud et étendre les savoirs quant aux différentes stratégies d’opposition. Cette conférence souhaitait de plus engager une réflexion quant aux luttes pour les droits humains, la vision du développement défendue par le Nord et le système démocratique en général. 

Les cinq panélistes, Tara Alami, Emerson Xavier da Silva, Sabine Lamour, Andy Tran et Lesly René ont joint leurs savoirs autour d’une table ronde facilitée par Chantal Ismé.

Les luttes du Sud global

À tour de rôle, les intervenant∙e∙s ont exposé leurs réflexions en les ancrant dans le contexte particulier de leur pays d’origine et de la lutte qu’elles ou ils y ont menée. Emerson Xavier da Silva a pris la parole en premier, en s’appuyant sur une perspective altermondialiste pour remettre en question le développement lié à la croissance infinie du marché et à l’extractivisme. Il a critiqué le capitalisme et a remis en cause les narratifs autour du développement en mettant en évidence les conséquences néfastes de l’exploitation des ressources naturelles et humaines, telles que les dégradations environnementales ou encore l’exacerbation des inégalités sociales.

À l’instar de son prédécesseur, l’intervention de Sabine Lamour s’inscrit dans une vision alternative basée sur la solidarité, mais qui tient compte également d’un prisme du genre. Cette militante ayitienne a abordé le mouvement féministe de son pays et les dérives du pouvoir en place à la suite du séisme de 2010. Elle s’est attachée à l’explication du déroulement de la perte du mode d’organisation politique traditionnelle, au profit de nouveaux acteurs internationaux, tels que les ONG ou les forces militaires étrangères qui, à l’aide des autorités nationales, ont imposé le conjoncturel comme mode de gouvernement quant à l’amélioration de la condition des femmes. Entre autres, Sabine Lamour a insisté sur l’utilisation du concept d’épidémie de viol, qui dénonce l’hégémonie des constructions narratives stéréotypées astreignant les hommes ayitiens au rang de prédateurs et les femmes à celui de proies. Paradoxalement, ceci a mené à une dépolitisation du viol et à une lutte idéologique imposée par les acteurs externes, prônant la mobilisation populaire comme stratégie de lutte primaire.

La militante féministe palestinienne Tara Alami a quant à elle retracé l’histoire de son peuple, marquée par la colonisation anglaise et la mise en place de stratégies de division sociale et économique au sein de la population palestinienne. L’intervention de Tara Alami a permis de remonter le fil du temps en mobilisant les apports de l’histoire, afin de dévoiler les mécanismes discriminatoires instaurés par les autorités coloniales britanniques qui avaient utilisé la bourgeoisie locale pour dévaloriser le travail des Palestinien∙ne∙s.

Tara Alami a ainsi permis de poser un regard post-capitaliste, en dehors de tout eurocentrisme, afin de déconstruire notamment les idéologies discriminatoires enseignées dans les écoles, ce qui a contribué à cette séparation. Cependant, on assiste aujourd’hui à une résurgence et à un renouvellement de la jeunesse palestinienne, prête à prendre les armes et plus engagée que jamais dans la lutte contre l’occupation. On observe donc un renouveau d’engagement et une réinvention de leur lutte contre l’occupation, symptôme d’un sentiment d’injustice profondément ancré chez eux.

Cette conférence était aussi l’occasion pour Andy Tran, un militant philippin, de prendre la parole pour souligner l’importance cruciale du mouvement des paysans aux Philippines. Ces derniers revendiquent ardemment leurs terres, spoliées et exploitées pendant la période de domination espagnole, à laquelle a succédé l’occupation étatsunienne. La situation actuelle aux Philippines peut être décrite selon lui comme étant à la fois semi-coloniale et semi-féodale, avec des vestiges des anciens régimes encore présents. Face à ce contexte, des groupes ont émergé tels que le National Democratic Front of the Philippines (NDFP) ou Front démocratique national des Philippines en français. Leur mission est entre autres la lutte contre le régime en place et la revendication de la justice sociale et la libération du peuple philippin.

En fin de compte, que ce soit en contestant le capitalisme ou en revendiquant les droits des femmes et la souveraineté des peuples, les personnes intervenantes ont réussi à placer au cœur du débat les différentes formes de luttes émergentes dans le Sud global.

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