Le combat des familles des personnes migrantes disparues

Choisir de migrer est périlleux, et pour beaucoup, c’est la seule option pour échapper à la pauvreté, à la violence et à la persécution. Malheureusement, toutes les personnes migrantes n’atteignent pas leur destination. Des milliers disparaissent chaque année, laissant leurs proches dans le désespoir et l’incertitude. Les familles de ces personnes migrantes disparues sont confrontées aux réalités complexes et souvent difficiles de la migration.

Devant la bureaucratie, les barrières linguistiques et les différences culturelles, leurs histoires ne sont souvent pas entendues et leurs luttes restent invisibles. Faire la lumière sur cet enjeu, c’est découvrir l’invisible!

Le poids tragique de l’immigration

Chaque année, des milliers de personnes migrantes risquent leur vie pour traverser la Méditerranée et atteindre l’Europe, laissant derrière eux leur patrie et leur famille. Malheureusement, beaucoup ne réussissent jamais à atteindre leur destination. Selon le rapport du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) 1, l’année 2021 a connu un grand nombre de décès ou de cas de disparition, 3 231 personnes, soit plus de 40 % de plus que l’année précédente et plus du double par rapport à 2020, alors qu’on en dénombrait 1 520. Les femmes et les enfants représentaient plus de 33 % de ce nombre.

Depuis 2014, ce sont plus de 55 000 personnes qui sont mortes ou disparues, selon les données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). 2. En 2015, un million de personnes tentaient de joindre l’Europe. Depuis, le nombre a beaucoup diminué pour se situer en 2021 à 123 300, notamment à la suite de mesures prises par les pays européens pour réduire les migrations. Toutefois, le nombre de décès et de disparitions a augmenté de 80 %.

Une blessure profonde pour les familles et les communautés

Si l’impact de la migration sur les familles et les communautés est considérable, celui des personnes migrantes disparues l’est encore plus. Les familles sont laissées dans l’incertitude pendant des années, ne sachant pas si leurs proches sont vivants ou morts. En conséquence, elles sont incapables de faire leur deuil ou d’aller de l’avant. Les communautés sont également touchées, car elles perdent des membres, ce qui perturbe leur tissu social. La charge émotionnelle est immense et le fardeau financier peut être écrasant, en particulier pour les familles qui ont déjà des difficultés.

L’impact des disparitions ne se limite pas aux familles et à la communauté, ça affecte également la société dans son ensemble. Le manque d’information et de responsabilité crée un environnement où les violations des droits humains peuvent se produire en toute impunité. Il perpétue également une culture de peur et de méfiance à l’égard des migrants-es, qui sont considérés-es comme jetables. Cela marginalise et stigmatise encore plus les communautés et sape les efforts déployés pour promouvoir la cohésion sociale et l’intégration. La disparition des personnes migrantes n’est pas seulement une question humanitaire, c’est aussi une question de développement. La perte de membres actifs au plan économique et de talents entrave la capacité économique de la communauté et perturbe ses réseaux sociaux et ceux avec de la diaspora, compromettant le potentiel de coopération et d’innovations transfrontalières.

Le défi pour les familles et les proches

Les défis auxquels sont confrontées les familles des personnes migrantes disparues sont nombreux et complexes. D’abord, elles doivent trouver des informations sur leurs proches. Cela peut être particulièrement difficile si la migration est en situation irrégulière ou sans papiers. Ainsi, il se peut qu’il n’y ait aucune trace officielle du lieu où se trouve la personne migrante. Les familles doivent naviguer dans un labyrinthe de bureaucratie, de barrières linguistiques et de différences culturelles, alors qu’elles tentent d’obtenir des informations auprès des autorités locales, des ambassades et des consulats.

Les familles et les proches des personnes migrantes sont également confrontés à des charges financières et émotionnelles considérables. Les coûts de leurs démarches peuvent être prohibitifs, en particulier pour celles et ceux qui sont déjà en difficulté. La charge émotionnelle est liée au fait de ne pas connaître le sort de leurs proches. Elle peut être écrasante et peut conduire à l’anxiété, à la dépression et à d’autres problèmes de santé mentale. La stigmatisation sociale et la discrimination accablent aussi les familles et les proches, car les personnes migrantes sont souvent considérées comme indignes ou inutiles.

Les difficultés rencontrées sont aggravées par l’absence de cadre juridique et institutionnel. Dans de nombreux cas, les familles sont livrées à elles-mêmes, avec peu ou pas de soutien de la part de leur gouvernement ou des organisations de la société civile. Elles sont donc vulnérables à l’exploitation, aux abus et à la négligence, et leur capacité à défendre leurs droits et leurs intérêts s’en trouve amoindrie.

Un enjeu de solidarité transfrontalière

La défense et le soutien des familles de personnes migrantes disparues visent à renforcer la solidarité et l’empathie au-delà des frontières et des cultures. Elles prennent la forme du plaidoyer en faveur de la mise en place de cadres juridiques et institutionnels qui reconnaissent le droit des familles à connaître le sort de leurs proches, en vue de leur fournir le soutien et les ressources nécessaires. Il s’agit aussi de l’action des organisations de la société civile qui apportent un soutien émotionnel et pratique et qui défendent les droits et leurs intérêts.

Il est aussi nécessaire que des efforts de sensibilisation et de mobilisation soient faits auprès de la population et de l’opinion publique, à travers des campagnes médiatiques qui mettent en lumière les enjeux migratoires et qui humanisent les histoires de celles et ceux qui recherchent leurs proches. Enfin, on retrouve aussi des initiatives communautaires qui impliquent les communautés des personnes migrantes et promeuvent la cohésion sociale et l’intégration.

Reconnaître l’humanité et la dignité de tous les individus, indépendamment de leur statut juridique ou de leur histoire migratoire, participe à développer un monde où personne n’est invisible et où chacun a le droit d’être entendu et vu.

Pour relever le défi aux enjeux migratoires, nous devons nous attaquer aux causes profondes de la migration, notamment la pauvreté, la violence et la persécution. Unissons-nous dans la solidarité et l’empathie, et œuvrons pour que personne ne soit invisible ou oublié.

  1. Nations Unies, 10 juin 2022, Méditerranée : de nouvelles données montrent un nombre croissant de morts et de tragédies en mer, en ligne sur ONU info. https://2u.pw/RuheNI[]
  2. Selon les données du projet Migrants Disparus de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en ligne : https://missingmigrants.iom.int/fr[]