Le 23 août, le mouvement Extinction Rebellion a inauguré à Londres son « impossible rébellion ». Prévues pour durer quinze jours dans la capitale britannique, ces actions entendent interpeller la classe politique sur l’urgence climatique.
Un énorme globe terrestre transporté dans un brancard par des manifestants habillés en soignants, des bâtiments de la City de Londres recouverts de peinture rouge sang, mais aussi des danses joyeuses au son d’« Omen » de Prodigy dans la rue : depuis le 23 août, le mouvement écologiste de désobéissance civile non violente Extinction Rebellion (XR) multiplie les actions dans la capitale du Royaume-Uni.
Prévue pour durer deux semaines, cette initiative nommée The Impossible Rebellion entend appeler les gouvernements à agir « maintenant » contre le dérèglement climatique, en particulier les énergies fossiles : comme l’expliquent les activistes sur leur site, « l’urgence » n’est plus à démontrer — en témoigne le dernier rapport accablant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Un message que l’on retrouvait également sur les nombreuses pancartes des manifestants ces derniers jours : « Ne laissez pas nos enfants en payer le prix », « L’inaction du gouvernement tue la planète Terre » ou encore « Des actes, pas des mots ».
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Covent Garden, Whitehall, Oxford Circus…
Ils étaient environ 2 000 à participer au premier jour de cette « impossible rébellion ». Les personnes mobilisées ont ainsi bloqué plusieurs rues du centre de Londres, installant sur le trottoir des chaises et même une table rose géante. Une façon d’enjoindre les politiques, mais aussi l’ensemble des citoyens, à se « mettre autour de la table » pour discuter des mesures pour enrayer la catastrophe en cours.
« XR n’est pas là pour dire aux gens quoi faire, mais pour dire que la crise est là et que nous devons en parler toutes et tous ensemble, a notamment déclaré au Guardian Gail Bradbrook, cofondatrice de XR. Les dirigeants des pays et des multinationales nous emmènent au bord du précipice, nous devons donc nous allier toutes et tous ensemble. »
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Deux jours plus tard, la table a été détruite par la police, avant d’être reconstruite et réinstallée dans la rue, à Oxford Circus. Entretemps, Extinction Rebellion UK écrivait sur Twitter : « Ils peuvent écraser notre table, mais pas notre esprit […] Nous ne laisserons pas cela nous stopper. » Depuis le lancement de cette quinzaine, les forces de l’ordre ont en outre procédé à de nombreuses interpellations : vendredi 27 août, un communiqué de la police londonienne, consulté par l’AFP, annonçait l’arrestation de 305 personnes depuis le début des actions.
Ces dernières ont été multiples : comme le souligne le Guardian, évoquant des « occupations pop-up », les activistes de XR ont bloqué au fil des jours des rues très fréquentées de Covent Garden, Whitehall ou encore Oxford Circus. Un changement de stratégie par rapport à leurs manifestations précédentes (l’organisation a été créée en 2018 au Royaume-Uni), lesquelles ciblaient plutôt des sites clés de la capitale. « Nous savions que ce serait difficile de tenir les blocages sur de gros sites : nous n’avons pas réussi à faire cela depuis un moment. Bouger, être agiles et adaptables était donc très important pour nous, a déclaré au quotidien anglais un membre de XR chargé des relations avec la presse. Cela a également pour avantage de nous permettre de parler à plus de monde. »
L’enjeu des énergies fossiles
Mercredi 25 août, des centaines d’activistes ont ainsi manifesté devant l’ambassade du Brésil, à Londres, de façon à afficher leur soutien aux populations indigènes en lutte contre la déforestation en Amazonie et contre la politique du président Jair Bolsonaro. « Nous voulons montrer que les questions de justice raciale, sociale et climatique sont toutes liées entre elles », a déclaré au Guardian Bhavini Patel, engagé auprès de XR. Le 26 août, des défenseurs des droits des animaux affiliés à XR avaient aspergé de peinture rouge sang les fontaines situées à l’extérieur de Buckingham Palace.
Vendredi 27 août, c’est le quartier de la City qui a particulièrement été ciblé par les militants, le Guardian évoquant des actions rassemblant plusieurs milliers de personnes. Accusant les institutions financières d’investir dans les énergies fossiles et d’être « bâties au prix du sang » (« built with blood money »), ils ont notamment aspergé de peinture rouge hémoglobine le bâtiment de la banque Standard Chartered ou encore le siège des autorités de la City. Pour rappel, les énergies fossiles sont responsables de 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En outre, en juillet 2021, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publiait un rapport des plus alarmants à ce propos, expliquant comment l’année 2021 devrait être l’une des pires sur cette question. De quoi rendre impossible le respect de l’objectif, entériné en 2015 dans l’Accord de Paris, de limiter à 1,5 °C le réchauffement climatique.
D’où la demande de XR formulée au gouvernement britannique : stopper « immédiatement » tout investissement dans les combustibles fossiles, les activistes renvoyant en outre vers la campagne internationale pour un traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Le calendrier n’est pas anodin : en novembre, le Royaume-Uni accueillera à Glasgow la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26).
Extinction Rebellion ne compte pas s’arrêter là : comme l’indique de façon déterminée son site, après les actions du week-end du 28-29 août — une marche en faveur des droits des animaux ou encore un grand carnaval pour la justice climatique — la « rébellion continuera ».
Un Jeûne mondial pour la Terre
Samedi 28 août a marqué en parallèle le début du Jeûne mondial pour la Terre, une action prévue pour durer minimum six semaines. Organisée par Extinction Rebellion, cette initiative intitulée Earth Fast, suivie dans plus de vingt pays — Royaume-Uni, Algérie, États-Unis, Mali, etc. — consiste en la participation à un jeûne, qu’il soit d’un jour ou de plusieurs semaines, de façon à dénoncer l’inaction de la classe politique sur l’urgence climatique.
« L’objectif de ce Jeûne pour la Terre est d’obliger les gouvernements à mettre en place des assemblées populaires pour la justice climatique et écologique », indique le communiqué français présentant l’action. Dans l’Hexagone, celle-ci est soutenue tant par XR France que par les Grévistes de la faim pour un avenir possible (GFAP). « Nous souhaitons montrer que nous mettons tout notre cœur et notre corps dans cette lutte, et que nous sommes prêtes et prêts à tout pour que nos gouvernements arrêtent de fermer les yeux sur l’urgence climatique, explique à Reporterre Anaïs, membre de XR France et des GFAP, qui prévoit de jeûner une dizaine de jours. Nous allons communiquer sur les réseaux sociaux en partageant des photos ou des témoignages, de façon à donner envie de nous rejoindre. Sachant qu’on peut vraiment ne jeûner qu’un jour par solidarité ! »
Le 30 août, 120 personnes avaient déjà rejoint cette action décentralisée en faveur de la « justice climatique et sociale » ; Earth Fast se voulant également « solidaire avec les pays du Sud, qui eux souffrent déjà des conséquences du dérèglement climatique ». En contact avec plusieurs collectifs et personnalités, les équipes de ce Jeûne mondial pour la Terre entendent profiter de l’attention médiatique portée au Congrès mondial pour la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à Marseille, à partir du 3 septembre, pour faire entendre leurs voix. En outre, un point de rendez-vous pour les participants pourrait être organisé le 25 septembre à l’occasion d’un événement organisé à Paris par Unis pour le climat et la biodiversité.
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