Broederlijk Delen, CNCD-11.11.11, Oxfam-Belgique, Solsoc et Viva Salud, 27 mars 2020
L’arrivée du covid-19 au Gaza pourrait être catastrophique et entraînerait un désastre sanitaire et humanitaire sans précédent. Il est plus que temps de tirer la sonnette d’alarme !
Le monde entier va bientôt être confiné, mais s’il y a un endroit au monde qui nécessite plus de contacts avec le monde extérieur, c’est bien à Gaza, car cela fait bien trop longtemps qu’elle est coupée de tout.
Avec plus de 5.000 habitants au km², Gaza constitue l’une des zones les plus densément peuplées au monde et ainsi un enfer virologique.
La situation humanitaire à Gaza ne permet pas d’affronter le Covid-19, surtout lorsque l’on voit que les pays plus développés n’arrivent toujours pas à contenir ce virus. Le système de santé de Gaza est défaillant depuis des années et les citoyens y dépendent d’Israël pour les cas médicaux critiques. L’aquifère de Gaza étant pollué à 97%, ils n’ont pas accès à l’eau potable. Impossible de se confiner à la maison car la moitié de la population parvient à peine à vivre de petits boulots qui lui permettent de nourrir l’autre moitié. Huit Gazaouis sur dix dépendent déjà de l’aide humanitaire. Avec plus de 5.000 habitants au km², Gaza constitue l’une des zones les plus densément peuplées au monde et ainsi un enfer virologique.
Gaza compte deux premiers cas officiels, des Palestiniens revenant du Pakistan placés en quarantaine à leur arrivée. Là encore, tous les efforts sont déployés pour éviter la contagion. A chaque fois que nous entendons parler de nouveaux patients atteints du Covid-19 en Israël et en Cisjordanie, notre inquiétude grandit. Nous suivons de près la manière dont Israël gère la pandémie. Les citoyens à Gaza essaient de renforcer leur préparation, avec de modestes moyens, pour combattre le virus. A Gaza, volontaires, organisations sociales et entreprises sont en alerte, prêts à se serrer les coudes.
« Nos ressources sont tellement limitées et notre système de santé tellement fragile. Nous nous attendons au pire. Mais nous nous préparons comme nous pouvons dans nos centres de santé et notre hôpital » – Haneen J. Wishaw, responsable des programmes de l’Union of Health Work Committees
« Le système de santé de la bande de Gaza est très faible et fragile à cause du blocus illégal imposé par Israël. Lever le blocus permettrait d’éviter la propagation massive du Covid-19 dans la bande de Gaza » explique Amjad Shawa, directeur du réseau des ONG palestiniennes PNGO et partenaire du CNCD-11.11.11 et Oxfam. Les agressions récurrentes de l’armée israélienne laissent les structures de santé de Gaza surchargées par les blessés. À cela s’ajoutent les nombreux blessés par balle des rassemblements liés à la Grande Marche du Retour qui ont lieu tous les vendredis depuis 2 ans. Le blocus empêche l’approvisionnement nécessaire et plus de 40 % des médicaments essentiels sont introuvables selon l’ONU. Depuis des années, les structures de soins font également face à une pénurie en électricité, les obligeant à dépenser des sommes astronomiques en fuel pour faire fonctionner les générateurs d’électricité. « Nos ressources sont tellement limitées et notre système de santé tellement fragile. Nous nous attendons au pire. Mais nous nous préparons comme nous pouvons dans nos centres de santé et notre hôpital pour répondre à la fois à la crise du Covid-19 et pour prendre en charge les patients quotidiens qui ont besoin de soin et ne savent pas se les payer » raconte Haneen J. Wishaw, responsable des programmes de l’Union of Health Work Committees, structure médicale partenaire de l’ONG belge Viva Salud.
Pour l’instant, les rassemblements publics sont interdits dans l’enclave et des chambres d’isolement sont construites au checkpoint de Rafah, seul point d’entrée encore ouvert. Des milliers de volontaires s’organisent pour désinfecter les rues et les établissements de soins et d’autres font du porte-à-porte pour expliquer aux communautés les gestes à appliquer pour éviter la propagation du virus. Les entreprises de télécommunications ont augmenté la capacité Internet. « Nous expérimentons le théâtre en ligne et l’animation vidéo. La maison de notre réalisateur est devenue un studio de cinéma. Nous essayons de faire participer les enfants et les jeunes autant que possible« . déclare Jackie Lubeck de Theatre Day Productions, un partenaire de Broederlijk Delen. « Nous sommes inventifs et nous travaillons, mais nous sommes aussi très inquiets. La communauté internationale doit être consciente de notre situation difficile ».
13 ans de blocus et d’agressions armées laissent des traces sur la santé mentale de la population. Enfermés, bombardés avec un futur de plus en plus sombre, le poids de la réalité devient de plus en plus dur à porter. Pour faire face à cela, les Gazaouis ont eu recours à des systèmes d’entraide communautaire et de vivre-ensemble. Les familles se sont regroupées: grands-parents, oncles, parents, enfants, petits-enfants, tous cohabitent dans une même maison. Au total, 8 camps de réfugiés s’étendent du nord au sud de l’enclave. Les maisons y sont entassées les unes sur les autres et les rues extrêmement étroites voire insalubres.
Bien que cela ne soit pas du tout la même chose, les conséquences du confinement auxquelles nous sommes actuellement confrontés nous permettent d’appréhender sous un autre jour la réalité vécue en permanence par les deux millions de femmes, d’enfants et d’hommes qui vivent en confinement quasi total depuis 13 ans à Gaza.
Aujourd’hui, nous expérimentons pour la première fois en Europe un confinement quasi total. Les politiques d’austérité imposées à nos systèmes de soins de santé depuis des années ont diminué leurs capacités pour répondre à une crise d’une telle ampleur. Nous manquons de matériel, de personnel médical et de réponses collectives cohérentes. L’économie risque de s’effondrer et les classes sociales les plus vulnérables en sont les premières victimes. Bien que cela ne soit pas du tout la même chose, les conséquences du confinement auxquelles nous sommes actuellement confrontés nous permettent d’appréhender sous un autre jour la réalité vécue en permanence par les deux millions de femmes, d’enfants et d’hommes qui vivent en confinement quasi total depuis 13 ans à Gaza.
Si d’énormes efforts sont déployés en Europe pour essayer de limiter les effets du coronavirus, rien n’est fait pour changer la réalité des Palestiniens de Gaza, sous blocus depuis 13 ans. Nous ne sommes pas égaux face au coronavirus, à plus forte raison dans un endroit comme Gaza que l’ONU avait prédit comme invivable en 2020.
Plus que jamais, la Belgique devrait exiger la levée du blocus illégalement imposé par Israël sur Gaza. Il faut laisser entrer les fournitures médicales nécessaires : respirateurs, lits de soins intensifs, kits de dépistage et tout le matériel restreignant les risques de contaminations. Nous appelons également à l’entrée de vivres mais aussi de personnel médical étranger pour aider à dépasser la crise. Une fourniture complète d’électricité est également importante afin que les structures de soins puissent faire fonctionner correctement leurs services. La communauté internationale doit en outre veiller à ce que l’aide humanitaire soit renforcée dans le territoire durant la crise.
Cette lettre, paru sur Le Soir, est signée par : Broederlijk Delen, CNCD-11.11.11, Oxfam en Belgique, Solsoc et Viva Salud, organisations de la société civile belge actives à Gaza.