Guatemala : une minière canadienne menace les gens

Les organisations soussignées dénoncent la tentative d’assassinat contre M. Julio David González Arango, membre de la Résistance pacifique de Santa Rosa, Jalapa et Jutiapa au projet minier Escobal. La mine Escobal appartient à la société canadienne Pan American Silver. Le matin du 16 janvier 2021, des inconnus ont tiré sur M. González à son domicile dans la municipalité de Mataquescuintla, Jalapa, où il tient également une petite boutique de céréales. Il a été immédiatement transporté à l’hôpital avec de graves blessures.
Le lendemain, deux autres membres de la résistance pacifique de Mataquescuintla, M. Juan Eduardo Donis et Pablo Adolfo Valenzuela Lima, ont reçu des messages texto menaçant leur vie. Les menaces faisaient une référence explicite à l’attaque contre M. González et indiquaient que M. Donis et M. Valenzuela seraient les prochaines victimes.
L’attaque contre M. González et les graves menaces contre M. Valenzuela et M. Donis sont l’aboutissement d’un contexte de plus en plus tendu et dangereux pour les membres de la résistance pacifique et le Parlement Xinka du Guatemala. Bien que M. González ait fait l’objet de menaces et de fortes diffamations de la part d’individus qui soutiennent le projet minier Escobal depuis le début de sa résistance, les attaques se sont tellement intensifiées qu’au début de décembre, M. González a déposé une plainte auprès du Procureur en charge des crimes contre des militant.e.s et les défenseur.e.s des droits humains. À la suite de cette plainte, les menaces directes contre M. Valenzuela, M. Donis, M. Edwin Alexander Reynoso Bran et l’avocat du Parlement de Xinka, M. Quelvin Otoniel Jiménez Villalta, se sont intensifiées.
Il est important de noter que M. Reynoso a déjà subi deux tentatives d’assassinat en 2014 et 2015. Lors de la première attaque, Topacio Reynoso Pacheco, 16 ans, fille de M. Reynoso et défenseure des droits humains, a été assassinée. M. Reynoso est l’un des 59 représentant.e.s élu.e.s pour participer à la consultation ordonnée par la Cour constitutionnelle avec le peuple Xinka concernant la mine Escobal. L’avocat Quelvin Jiménez a également subi des menaces depuis la décision de la Cour constitutionnelle qui a ordonné ladite consultation. En raison de ces menaces,il fait l’objet de mesures de protection ordonnées en juillet 2019 par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH).
Depuis septembre 2020, le Parlement Xinka dénonce l’émergence d’un groupe parallèle, autoproclamé «Résistance réorganisée de Casillas», qui travaille contre la Résistance pacifique de Santa Rosa, Jalapa et Jutiapa. Ce groupe, dirigé par un ancien garde de sécurité de la mine Escobal, tente de saper le leadership de Xinka, de générer une division communautaire et de créer un environnement d’insécurité. Les membres de la résistance soupçonnent que le groupe travaille en coordination avec Pan American Silver, étant donné que des représentants de la société minière et du ministère de l’Énergie et des Mines ont participé à des réunions avec ce groupe.
De plus, au cours des derniers mois, le Parlement Xinka a dénoncé le fait que la société Pan American Silver continue à entrer inutilement des camions dans la mine et à poursuivre ses projets communautaires, favorisant les tensions et les divisions, alors que toute activité minière doit être suspendue. De même, les «programmes de sensibilisation communautaire » réalisés par l’entreprise génèrent des processus de coercition, étant une contrainte et une violation du caractère «libre» de la consultation.
La mine Escobal est suspendue depuis juin 2017, d’abord en raison de deux campements pacifiques permanents destinés à bloquer le trafic minier dans les municipalités de Mataquescuintla et Casillas. Une décision de la Cour suprême rendue en juillet 2017 a suspendu légalement les opérations minières. L’ordonnance a été ratifiée par la Cour constitutionnelle le 3 septembre 2018. La Cour a ordonné au ministère de l’Énergie et des Mines de procéder à une consultation du peuple Xinka dont les droits sont affectés par le projet minier dans le cadre de leurs droits inscrits dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail. Dans sa décision, la Cour constitutionnelle « a affirmé catégoriquement qu’une situation marquée par la confrontation, la violence et la méfiance ne contribuait pas à rendre la consultation réellement productive ».
Nous lançons un appel aux destinataires de cette lettre à assurer la protection et la sécurité du peuple Xinka, à veiller à ce que le processus de consultation et son caractère libre prévalent, comme c’est le cas du libre consentement, qui n’est pas limité ou contraint par leur participation.
En réponse à l’attentat contre la vie de M. González, aux menaces contre les dirigeant.e.s et à l’augmentation de la tension dans la région:
• Nous exprimons notre solidarité avec les demandes du Parlement Xinka du Guatemala pour une enquête complète et impartiale de la Police civile nationale et du Ministère public sur la tentative d’assassinat contre M. Gonzalez.
• Nous exigeons une enquête complète et impartiale de la police nationale civile et du bureau du procureur sur les menaces du 17 janvier contre M. Donis, M. Valenzuela et les graves menaces contre M. Reynoso et M. Jiménez.
• Nous exhortons le procureur des droits humains à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir les droits humains de Julio David González Arango, sa famille et la résistance pacifique de Santa Rosa, Jalapa et Jutiapa. Comme l’ont demandé M. Gonzalez et sa famille, il est urgent de mettre en œuvre des mesures de sécurité pour garantir sa sécurité.
• Nous exhortons les autorités correspondantes à garantir le respect des procédures régulières avant, pendant et après la pré-consultation et la consultation du peuple Xinka, conformément à la résolution de la Cour constitutionnelle dans le dossier 4785-2017, afin d’assurer son caractère libre et de bonne foi.
• Nous exigeons que Pan American Silver respecte l’ordonnance de la Cour constitutionnelle en interrompant son travail de relations communautaires, un élément indéniable des opérations minières qui entraîne une augmentation des tensions dans la région et contribue à l’insécurité de ses habitant.e.s.
• Nous appelons la communauté nationale et internationale à accorder une attention particulière aux risques encourus par les communautés du peuple Xinka et les membres de la résistance à Santa Rosa, Jalapa et Jutiapa, qui manifestent pacifiquement pour défendre la vie.

Cet appel est signé par plus de cent organisations dans la plupart des pays et régions des Amériques