Haïti : alerte à l’opinion internationale

Alterpresse, 4 février 2021

Nous, signataires de la présente, Socioprofessionnels-lles Progressistes Haïtiens-nes, avons pris connaissance avec stupéfaction, consternation et inquiétude, de la signature, entre le Bureau Intégré des Nations Unies (BINUH) et le Gouvernement haïtien actuel, d’un document de projet d’appui au « processus électoral en Haïti ».

En effet, d’après un communiqué datant du 27 janvier 2021, émanant du Centre de presse du Système des Nations-Unies, un appui (technique, opérationnel et logistique) mettant à contribution le BINUH et quatre agences des Nations-Unies (PNUD, l’UNOPS, l’ONU Femmes et l’UNESCO) et faisant suite à une demande du Gouvernement de la République d’Haïti, se réalisera sous le leadership du Conseil Electoral Provisoire (CEP). Nous avons particulièrement pris soin de relever, dans cette communication, qu’il est fait mention d’une évaluation qui aurait été effectuée par les Nations-Unies sur la situation actuelle du pays.

La présente note vise à :

1) Alerter l’opinion publique des pays dits amis d’Haïti, la société civile internationale – sur la politique que mènent les Nations Unies, depuis plus de dix ans en Haïti. La politique onusienne en Haïti est en train de conduire la population à la dislocation sociale et à la détresse morale et physique ;

2) Dénoncer le mépris caractérisé du BINUH envers les aspirations légitimes du peuple haïtien à la démocratie, à la justice, et au bien-être ;

3) Inviter le BINUH à se ressaisir pour ne pas être complice d’une nouvelle catastrophe comme ce fut le cas avec l’introduction du choléra dans le pays en 2010.

Sauf à être dans une entreprise de démembrement préconçu, d’un déni cynique et systématique de la réalité, ou à être en déconnexion totale avec le quotidien de souffrances du peuple haïtien, les responsables du BINUH font semblant d’ignorer le climat de terreur que vivent les populations des quartiers populaires, la passivité ou la complicité des forces de l’ordre face à la montée de l’insécurité dans le pays.

Alors que les tensions politiques se font de plus en plus exacerbées dans le pays à l’approche du 7 février 2021, date de la fin du mandat constitutionnel de M. Jovenel Moïse, quel Haïtien n’aimerait pas voir la grille d’évaluation ainsi que les indicateurs sélectionnés par le BINUH pour attester d’une conjoncture favorable à une quelconque reforme constitutionnelle ainsi qu’à des élections ?

Certes, M. Moise voudrait changer tout seul la Constitution d’Haïti afin de rester au pouvoir et ramener Haïti aux temps maudits de la dictature où, un seul homme (Après Dieu) avait pouvoir de vie ou de mort sur toute une population, mais ce n’est heureusement pas chose faite. Le Pays tout entier résiste et le BINUH le sait !

Aussi, nous, Socioprofessionnels-lles Progressistes Haïtiens-nes, considérons ce communiqué de support émanant du Système des Nations Unies en Haïti comme une démarche de pure provocation, un outrage à l’intelligence des citoyens-citoyennes haïtiens-nes vivant tant en Haïti qu’à l’étranger. Il mériterait d’être passé sous silence, s’il ne risquait de contribuer à faire couler le sang des Haitiens-nes.

Par ailleurs, devant le constat que toutes les positions prises et les actions posées dans la crise haïtienne par les organes du Système des Nations Unies en Haïti contribuent au renforcement des pratiques dictatoriales, de l’arbitraire, de l’exacerbation des conflits, ce qui aboutit à l’installation du pays dans un chaos durable depuis 2004, Nous, Socioprofessionnels-lles Progressistes Haïtiens-nes, estimons de notre responsabilité de prévenir l’opinion publique internationale que le support inconditionnel de la communauté internationale à un tyran est susceptible de déboucher sur un carnage en Haïti. Le monde entier est averti ! Déjà en 2019, nous mettions en garde le Core Group contre une volonté de la communauté internationale de rééditer le génocide du Rwanda en Haïti !

A ce stade, même s’il est évident que le BINUH, dans sa dérive de mission, s’est depuis longtemps écarté de sa vocation, il n’est pas de mauvais ton de rappeler le mandat pour lequel il s’est engagé en Haïti, à savoir :

« Conseiller le gouvernement d’Haïti pour promouvoir et renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance, y compris l’état de droit, préserver et favoriser un environnement pacifique et stable, y compris en appuyant un dialogue national inclusif entre Haïtiens, et protéger et promouvoir les droits humains ».

Aujourd’hui, en Haïti, nous sommes bien loin de tout ça ! Le BINUH élabore des directives politiques qui ne servent que les intérêts du pouvoir en place et qui ignorent systématiquement les lois et la Constitution du pays. Le projet de réforme constitutionnelle ainsi que la programmation d’élections sans liste électorale est un parfait exemple des méfaits du BINUH sur l’environnement politique en Haïti.

Comment peut-on parler d’état de droit et d’environnement pacifique quand les Nations-Unies par la voix du Secrétaire Général reconnaissent que le renforcement des gangs en les fédérant est un succès politique du BINUH, tout en passant sous silence le sort des citoyens-nes victimes de ces gangs fédérés par le BINUH ? Comment parler de dialogue national inclusif entre Haïtiens quand le BINUH et le Core Group font tout ce qu’ils peuvent pour contraindre le peuple haïtien à accepter le fait accompli de la dictature qui se met en place avec l’aide des Nations-Unies ?

Pour rappel, M. Jovenel Moise, poulain de M. Michel Martelly (2011-2016), s’est arrangé comme son mentor pour ne jamais organiser d’élections durant tout son quinquennat (2016-2021). En stratège tyrannique et malveillant, il a manœuvré depuis 2018 pour être seul maître à bord. Le cycle électoral de renouvellement des institutions garant de l’Etat de droit qui aurait du voir le jour deux années après son entrée en fonction n’a jamais eu lieu.

Dans un tel cadre, est-il compréhensible que le Système des Nations Unies vienne non seulement parler d’élections – alors que le mandat de l’actuel pouvoir prend fin constitutionnellement le 7 février 2021 (dans quatre jours) – mais pousse la provocation jusqu’à approuver le décaissement de fonds pour une structure bancale, contestée et sans légitimité cherchant à usurper le rôle de Conseil Electoral ?

Avec l’accord du 25 janvier 2021, le BINUH crache sur toutes les institutions souveraines du pays, en particulier la Cour de Cassation qui a refusé de recevoir l’investiture de ceux qui se sont prêtés au jeu de souiller la démocratie haïtienne et la Cour Supérieure des Comptes qui a déclaré illégales, inconstitutionnelles et frauduleuses toutes les demandes formulées par ces usurpateurs-trices.

Aussi, faisons-nous appel à la solidarité internationale des sociétés civiles et des démocrates du monde entier pour empêcher que la population haïtienne ne soit une nouvelle fois victime d’une catastrophe prévisible et évitable.

Nous, Socioprofessionnels-lles Progressistes Haïtiens-nes, réitérons notre engagement ferme et invariable à participer sans relâche à toutes les mobilisations de la population haïtienne pour exiger a) le respect des institutions du pays, b) le respect des échéances constitutionnelles c) la mise en place d’une transition progressiste de rupture menant vers la satisfaction des revendications d’accès au minimum vital décent, à la justice sociale et au droit à l’auto-détermination ainsi que d) la réalisation des procès pour crimes de sang, crimes financiers etc… Pour nous autres, la satisfaction intégrale de ces revendications constitue le préalable à toute élection où des dirigeant-e-s légitimes, crédibles, honnêtes, dignes et intègres, viendront prioriser les desiderata et les besoins légitimes de la population haïtienne !