Haïti : pour une transition de rupture

 

Position des étudiant-e-s et chercheur-e-s haïtien-ne-s en dehors du pays sur la conjoncture actuelle d’Haïti, 9 février 2021

Depuis le début de la décennie 2010-2020, deux événements majeurs occupent le quotidien du peuple haïtien. Le premier est le séisme du 12 janvier 2010 qui a causé des dégâts irréversibles au pays. Le second, l’imposition du pouvoir néoduvaliériste PHTK par l’impérialisme occidental dirigé par les États-Unis en 2011. Selon les observations la gouvernance de ce régime révèle beaucoup plus mortifère que le séisme que ce soit en termes de stress quotidien, de dégradation de l’économie, de massacres dans les quartiers populaires, de corruption, de destruction des institutions gardiennes de la démocratie, etc. Nous tenons surtout à nous positionner sur la conjoncture actuellement dramatique dans laquelle se trouve le peuple haïtien.

Il est important de rappeler que le pouvoir PHTK a eu le support absolu des pays du Core Group durant le mandat présidentiel de leurs deux poulains néoduvaliéristes, Michel Joseph Martelly (sweet Micky) et Jovenel Moïse. Ce dernier, rejeté par toutes les forces vives du pays et toutes les couches populaires installe un banditisme d’État dans le pays. La fédération des gangs du pays notamment dans la capitale, sous la dénomination de G9 et allié, constitue une illustration. Mensonge, corruption, usurpation de titre, terreur sont autant de caractéristiques de l’administration de Jovenel Moise. De ce fait, les masses populaires se soulèvent depuis des années pour contester ce pouvoir illégitime, malgré la répression systématique de celui-ci contre les habitants des quartiers populaires.

Dans la mouvance de la terreur systématisée, au cours du mandat de Jovenel Moise on a enregistré toute une série de massacres dans les quartiers populaires. En novembre 2018, les habitants de La Saline, un des quartiers populaires de Port-au-Prince qui participent souvent dans les mobilisations populaires, sont victimes d’un massacre d’État : 71 personnes tuées, des maisons incendiées (35 %) et vandalisées (20 %), quatre femmes de la vingtaine violées… Il faut souligner que ce massacre a été documenté par des organisations haïtiennes de droits humains comme Réseau national de défense de droits humains (RNDDH) et la Fondasyon je kle (FJKL) ainsi que les Nations unies à travers la Mission des Nations unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH). Le représentant du président dans le département de l’Ouest, le délégué départemental Richard Duplan et des policiers sont indexés dans ce massacre. Aussi, selon le rapport du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), du 4 au 8 novembre 2019 on a enregistré au moins 24 personnes tuées par balles et 5 autres personnes ont été blessées par balles, 28 maisons, 7 voitures et 4 motocyclettes ont été incendiées dans le quartier de Bel-Air [RNDDH, 2019 :7]. Sans oublier, entre autres des massacres dans les quartiers de Carrefour-feuilles, de village de Dieu, ces actes odieux et barbares ont toujours impliqué des proches du pouvoir.

Par ailleurs, au cours du mois de janvier de cette nouvelle année, on a répertorié environ une cinquantaine d’enlèvements. Le régime au pouvoir réprime systématiquement toutes les mobilisations populaires exigeant justice pour ces victimes. Alors que les gangs font des parades librement dans l’espace public sous la protection de la police. Outre cette situation de criminalité d’État, les conditions matérielles d’existence de la population se détériorent de plus en plus pendant que les barons du régime s’enrichissent dans des conditions douteuses.

Le 7 février 2021, tous les secteurs de la société haïtienne ont constaté la fin constitutionnelle du mandat de Jovenel Moise, tout comme ce dernier l’a fait pour les députés, le tiers du Sénat en janvier et pour les collectivités territoriales en juin 2020 au regard de l’article 134-2 de la constitution de 1987 amendée. De ce fait, avant le 7 février, il n’y avait que 11 élus-es parce que le régime n’a pas organisé les élections selon les prescrits de la loi.

Nous, citoyen-ne-s haïtien-ne-s qui étudient en terre étrangère, avons également constaté la fin du mandat de Jovenel Moise et la velléité du pouvoir d’installer un régime dictatorial dans le pays. C’est dans cette optique dictatoriale que le pouvoir dirige seul le pays avec des décrets menaçant les droits fondamentaux de la personne depuis tantôt un an. Cette même velléité dictatoriale pousse Jovenel Moise à procéder à des vagues d’arrestation illégale et arbitraire des citoyen-ne-s de la société pendant que les gangs sèment la terreur en toute impunité. Le refus d’accepter la fin constitutionnelle de son mandat risque de sombrer le pays dans un inévitable Chaos.

Nous demandons aux citoyen-ne-s de la République de ne pas laisser sombrer le pays dans la délinquance et la dictature PHTKiste dont ces messieurs et dames sont encore nostalgiques. Nous avons constaté le désir fou de Jovenel Moise de s’accrocher au pouvoir contre vents et marées en dépit de la fin de son mandat selon la constitution. Nous, les citoyen-ne-s haïtien-ne-s universitaires, exigeons le respect de la constitution. Aussi, nous demandons aux forces vives et aux acteurs progressistes de la nation haïtienne de prendre dans un plus bref délai les mesures nécessaires pour mettre en place une transition de rupture dans le pays. Car, cela ne fait aucun doute que le mandat de Jovenel Moise a pris fin depuis le 7 février 2021 au regard de la constitution 1987 amendée. Nous dénonçons avec fermeté la répression systématique contre les masses populaires, les dirigeants politiques de l’opposition et l’enlèvement sous les ordres de Jovenel Moise et Joseph Jouthe du juge Yvickel Dabresil, la Dr Marie Antoinette Gauthier, l’inspectrice de police Marie Louise Gauthier, l’agronome Louis Buteau ainsi qu’environ une vingtaine d’autres personnes. Nous demandons la libération immédiate et sans condition de ces personnes.

Vive la lutte populaire ! À bas la dictature en Haïti !

Vive une transition de rupture dans la perspective de la Révolution haïtienne (1791-1804).

 

Signatures

Walner Osna (doctorant en sociologie, Université d’Ottawa); Magalie Civil (doctorante en sociologie, Université d’Ottawa); Dieubert Cherlestin (maîtrise en Sociologie, Université d’Ottawa); Manuella Jean (maîtrise en sociologie, Université d’Ottawa); Jean Nephetaly Michel (maîtrise en Sociologie, Université d’Ottawa); Hérold Constant (maîtrise en Sociologie, Université d’Ottawa); Ronald Ricardo Gressine (maîtrise en Sociologie, Université d’Ottawa); Justin Edwin (L3 en Droit, Université de Guyane); Jimy Jean (L3 en Droit, Université de Guyane); Jean James Junior Jean Rolph (M1 en interculturalité, Université de Guyane); Josué Fortuné  (baccalauréat en criminologie, Université d’Ottawa); Handy Leroy (doctorant en service social, Université d’Ottawa); Bern Louissaint (maîtrise en sociologie, EHESS/Paris); Wilsot Louis (doctorant en sociologie, Université de Paris); Pierre Ronsard Brunache (Maîtrise en neurologie, Université Versailles/Paris Sarclay); Nitza Cavalier (L2 Lettres, Université de Guyane); Bodeler Julien (doctorant en sociologie, EHESS Paris); Stephane Saintil (maîtrise en socio-anthropologie, Université de Grenoble-Alpes); Harry Moïse (doctorant en sociologie, École Pratique des Hautes Études); Angeline Dorzil (doctorante en langues et civilisation, Université Sorbonne Paris Nord); Fabiola Senor (maîtrise en sociologie, Université de Paris); Dana Richené (doctorante en sociologie/démographie, Université de Paris); Dorvil Rossiny (Licence en histoire, Université de Guyane); Christohe Lefèvre (M2 en sciences humainse sociales, Université de Guyane); Thamara Labossière (doctorante en service social, Université d’Ottawa); Ornis Ashley Dor (Master en études et évaluation/secteur sanitaire social, Université de Paris); Kenson Joassaint (doctorant en anthropologie sociale, EHESS); Wisner Baguidy (doctorant en anthropologie sociale et ethnologie, EHESS); Robuste Kestin (Master en sciences de l’éducation, Université de Paris); Darice Odalbert (M2 E-logistique Supply Chain Durable, Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines); Lorvens Aurélien (baccalauréat en English littérature, University of New York); David Jean (doctorant en Droit, Université Caen Normandie); Milcar Jeff Dorcé (doctorant en Droit, Université de Bordeaux); Bengie Alcimé (doctorant en sociologie, Université de Paris); Moïse Eugène (doctoant en sociologie, Université Lumière Lyon 2); Kensy Bien-Aime (Master 2 Coopération et développement international,  Université Sorbonne Nouvelle); Francklyne Dorzil  (M1 recherche comparative Anthropologie, Histoire et Sociologie, EHESS);  Angelo Destin (doctorant en histoire de l’art, Paris 1 Pantheon-Sorbonne); Orso Antonio DORÉLUS  (maîtrise  en Esthétique, Paris 8); Edson Pierre (Master 2  Management et conseil en stratégie, Institut de formation professionnelle de paris)