Renel Exentus, Ricardo Gustave et le Regroupement des Haïtiens de Montréal contre l’Occupation d’Haïti
(REHMONCO)
Dix ans déjà depuis que ce séisme dévastateur et meurtrier a frappé Haïti! Dix ans depuis que cette tragédie a coûté la vie à plus de 250 000 compatriotes!
Dans ce panorama funeste et macabre, d’aucuns disaient, avec sans doute un élan patriotique véritable, que ce tremblement de terre, aussi catastrophique fut-il, était une occasion de reconstruire le pays sur de nouvelles bases, de créer une nouvelle patrie.
Comme si le monde néocolonial de l’avant-séisme, malade, putride et moribond, était enseveli, liquidé d’un coup, et on s’attendait tout naturellement à l’émergence d’un monde nouveau, la naissance d’une nouvelle nation, un pays fondé sur la justice, l’égalité et la fraternité; une société qui serait le fruit des Haïtiens, des Haïtiennes sortant de leur torpeur historique pour se reconnaitre enfin en tant que sujets historiques. Des déclarations solennelles teintées de sentiments émouvants face à une situation désastreuse.
Mais, il faut bien le reconnaitre aujourd’hui, des déclarations, somme toute, naïves, car ce désastre n’est pas uniquement le résultat d’un phénomène naturel, mais bien, surtout, le produit d’un système social archaïque, sous-développé, dont tous les éléments constituant sa structure concourent à reproduire la misère, l’appauvrissement, l’exclusion, la marginalisation et l’oppression.
C’est ce système qui est responsable de ce carnage causé par le séisme, car il entretient, pour ainsi dire, les conditions d’existence mortifères dans lesquelles patauge la population; il nourrit, dans la quotidienneté même, le désespoir et la violence.
C’est ce système social que certains ont cru dépasser, disparaitre grâce à ce choc sismique. Malgré la souffrance horrible, c’est, en quelque sorte, la nature qui intervient pour nous secourir, pour nous purger de tous les maux incrustés dans la chair du pays, depuis plus de deux cents ans. Un discours d’espoir qui va à l’encontre de l’obscurantisme des évangélistes chrétiens qui voient dans le désastre la main d’un Dieu punisseur.
Pourtant, au lieu d’être une occasion de renouveau, le séisme accoucha plutôt le régime néo-macoute PHTK : l’impérialisme profita de cette situation tragique pour imposer ce régime délétère.
Avec ce nouveau gouvernement, la domination du pays rentre dans une nouvelle phase : la présence militaire de la MINUSTAH est doublée maintenant d’un pouvoir politique prêt à se soumettre entièrement à la volonté des puissances étrangères, en particulier à celle des États-Unis.
La domination devient systémique, elle pénètre toutes les sphères de l’État, anéantit leur autonomie et impose une politique économique néolibérale ouvrant le pays au pillage de ses ressources et à l’exploitation impitoyable de sa main-d’œuvre.
C’est ainsi que débuta la décennie PHTK. L’une des décennies les plus obscurantistes de notre histoire. Dix ans de corruption, de prédation, de détournement de fonds, d’assassinats et de massacres.
Avec le soutien de la « communauté internationale », c’est-à-dire les États-Unis, la France et le Canada, ce régime transforma en un véritable cauchemar tous les espoirs du peuple haïtien de voir une amélioration de sa condition d’existence.
En bons disciples du duvaliérisme, les hommes du PHTK conçoivent le pouvoir de manière à centrer sur leur personne tous les privilèges qu’ils peuvent en tirer.
Ouvertement, à la manière de Martelly, ils font l’apologie du viol et de la violence sexuelle.
Ouvertement, ils dilapident l’argent de l’État, effectuent des projets bidons pour détourner des milliards de dollars du fonds Petro-Caribe.
Ouvertement, ils utilisent des groupes de gangsters, des assassins et des mercenaires étrangers pour massacrer le peuple.
Ouvertement, sans aucune velléité de dignité, ni de retenue, ils exécutent les ordres de l’impérialisme.
Cette décennie de l’horreur où la violence devient la réalité quotidienne, où l’immoralité devient la norme, où même la lutte pour l’existence devient un combat permanent; cette décennie de l’horreur, on veut nous faire croire que, désormais, ce serait cela l’avenir du pays, qu’il n’y a pas d’autres issus possibles.
Depuis la chute de la dictature, il est difficile d’imaginer une période de notre histoire récente qui soit plus marquée par le sang et la décadence que cette décennie PHTK, sauf peut-être celle des trois ans du coup d’État sanguinaire de Raoul Cedras.
Mais malgré tout, – et c’est cela qui fait la grandeur du peuple haïtien – les couches sociales les plus exploitées, les plus appauvries de la population résistent. Et cette résistance devient pour elles, notamment au cours de cette décennie PHTK, une façon d’exister, une manière de choisir la vie, de dire non à l’anéantissement, de croire que l’avenir est possible en Haïti.
C’est pour cela que les luttes populaires, malgré leurs limites, sont l’épicentre, le poto mitan autour duquel gravitent tous les combats pour un changement véritable dans notre pays.
Les jours du régime PHTK sont peut-être comptés. La crise a déjà gangrené toutes les structures de l’État. Il ne reste à Jovenel Moise que la répression sauvage et le soutien de l’impérialisme pour se maintenir au pouvoir. Les tractations politiques après le lundi 13 janvier (date à laquelle le parlement devient caduc) dévoileront sans doute les compromissions de l’opposition traditionnelle.
Mais si ce début de cette nouvelle décennie marque la fin du régime mafieux PHTK, cela ne veut pas dire pour autant qu’il y aurait un changement du statu quo. Ce serait le premier pas dans la lutte pour le renversement de cet État bourgeois néocolonial et antinational.
Pour les années 2020, faisons, avec le peuple, les vœux d’un nouveau système social. Des vœux prenant appui sur la mobilisation, les luttes continues, la conscientisation de la nécessité d’un nouveau pays. Faisons aussi les vœux d’une plus grande solidarité entre les peuples en lutte, en particulier ceux de l’Amérique latine et des Antilles.