Alexandre Dubé-Belzile, extrait d’un texte publié le 28 juin 2019. Le texte au complet est disponible sur le site suivant : https://revuelespritlibre.org/la-revolution-peut-elle-se-reprendre-au-honduras
À l’heure du 10e anniversaire du coup d’État du 28 juin 2009 au Honduras, il n’y a que peu d’occasions de se réjouir. Le 19 juin dernier sévissait une épidémie de dengue, une maladie potentiellement mortelle transmise par les piqûres de moustique, que les autorités avaient du mal à contrôler. L’État intimait la population d’éliminer toute étendue d’eau stagnante propice à la croissance de larves du moustique Aedes cineurus. Plus ou moins au même moment, l’armée était déployée dans le pays pour mettre fin aux espaces de prolifération dans lesquels se reproduisait une autre maladie, aux yeux du pouvoir évidemment, c’est-à-dire la maladie révolutionnaire.
Selon un journal local, 77,5 % des cas de dengue en Amérique latine se retrouvent au Honduras. L’état d’urgence a été décrété par le gouvernement dans 12 des 15 départements du pays, la maladie ayant causé, à la date de l’article, 34 décès répertoriés. La dengue pourrait-elle être une simple distraction de pouvoir par rapport aux véritables enjeux politiques? La volonté de l’État de se désinvestir de la santé et de l’éducation serait-elle à mettre en cause dans la propagation de la maladie et l’incapacité à y faire face? Rien ne va quand les services de santé d’un gouvernement achètent des médicaments essentiels qui s’avèrent être des pilules de farine. Dans tous les cas, cet état d’urgence coïncide avec la crise politique du pays, au sein de laquelle la répression pourrait bien avoir causé plus de morts, au-dessus d’une trentaine il y a un peu plus d’une semaine, selon certains groupes de défense des droits de la personne.
Manuel « Mel » Zelaya, leader qui s’inscrivait dans la mouvance bolivarienne, a été banni du pouvoir en 2009, près de trois ans après son élection, parce que, selon le discours officiel, il avait proposé une urne référendaire pour convoquer une assemblée constitutionnelle, ce qui était, aux dires des putschistes, inconstitutionnel. On le soupçonnait, disait-on, de vouloir modifier l’article de la constitution qui n’accordait qu’un seul mandat de quatre ans à chaque président élu. Les pouvoirs conservateurs se sont alors sentis investis de la mission de protéger la constitution et la République du Honduras contre ces forces qu’ils qualifient d’antisociales et de criminelles. Le gouvernement canadien, de son côté, comme les États-Unis, condamnait officiellement (et hypocritement) le coup, mais négociait directement avec les putschistes, en allant même jusqu’à entretenir d’étroites relations avec l’armée du pays et signer un accord de libre-échange. L’Agence canadienne de développement international (ACDI) ayant financé un programme de formation sur les ajustements structurels en partenariat avec l’Université nationale autonome du Honduras (UNAH) de 2004 à 2010, autant dire que le coup d’État était préparé, ou du moins pas exclu.