Diego Lotito Révolution permanente, 13 mars
La décision de fermer les magasins et les entreprises en Italie, mais de laisser les usines et les activités de production ouvertes, a de fortes répercussions dans les usines italiennes. De Brescia à Mantoue, et dans les provinces d’Asti, de Vercelli et de Cuneo dans le nord de l’Italie – la zone la plus industrialisée – des grèves spontanées sont fortement suivies. Les syndicats sont en alerte pour garantir le niveau de sécurité sanitaire des salariés.
La puissante Fiom (Fédération des métallurgistes) a réagi durement à la nouvelle Ordonnance d’Urgence contre le coronavirus. Dans une déclaration, celle-ci a soulevé la nécessité de protéger à la fois le travail et la santé des travailleurs. La secrétaire générale de la Fiom, Francesca Re David, a défini comme « inacceptable l’absence dans le nouveau DPCM (Décret du Président du Conseil des Ministres) de mesures et d’initiatives visant à protéger les travailleurs qui assurent la viabilité économique du pays dans une situation d’urgence grave » et demande « au gouvernement de convoquer d’urgence une réunion pour traiter la situation d’urgence des métallurgistes ».
La Fiom demande de « se mobiliser immédiatement pour des initiatives visant à vérifier que les entreprises garantissent les conditions de santé et de sécurité des travailleurs également par des arrêts pour une réduction programmée de la production ».
Les protestations et les grèves pour la sécurité se multiplient
Dans tout le pays, on observe des explosions de colère et de mécontentement de la part des travailleurs qui protestent contre l’absence d’attention des employeurs et qui se mettent spontanément en grève.
À l’usine AST de Terni, une grève de huit heures a été déclenchée, à partir de 6 heures ce vendredi matin. Les syndicats ont confirmé le début de la protestation sur l’urgence de la sécurité dans l’entreprise Fincantieri à Marghera. « Il est impossible de respecter les règles – par exemple, avec trois menuisiers sous-traitants à Ansa -, on ne peut pas faire ce travail à un mètre de distance les uns des autres, il vaudrait mieux tout arrêter. Ce virus est un désastre et nous ne nous sentons pas protégés ».
« Nous ne sommes pas de la chair à canon »
La région de Brescia a également été frappée par une vague de grèves spontanées dans certaines usines qui n’ont pas arrêté leur production. « Nous ne sommes pas de la chair à canon », ont déclaré les travailleurs de certaines entreprises de la province qui demandent la suspension de l’activité pendant 15 jours. « Nous discutons avec les entreprises de la manière de faire face à cette situation. Nous enregistrons des grèves dans quatre ou cinq secteurs », a déclaré le secrétaire de la CGIL (Confédération Générale du Travail) de Brescia, Francesco Bertoli.
Un autre cas est celui des ouvriers de Corneliani à Mantoue, l’usine de la marque historique de mode masculine, qui ont décidé de faire grève « pour protéger leur santé ». Ce sont 450 travailleurs qui ont spontanément croisé les bras ce matin « pour demander qu’il n’y ait pas de citoyens A et B : la santé est une et elle appartient à tous ».
L’USB (Union Syndicale de Base) a proclamé une grève de 32 heures dans les secteurs industriels non essentiels, appelant à des « mesures drastiques pour sauvegarder la santé et les salaires des travailleurs ».
Une plainte est également arrivée de Tarnato, où la Fim-CISL (Fédération de la métallurgie de la Confédération italienne des syndicats de travailleurs) dénonce le comportement de l’entreprise Leonardo à Grottaglie, dénonçant l’absence de protection des travailleurs.
« Contre les patrons et le coronavirus, notre santé avant leurs profits »
Les délégués du syndicat USB dénoncent que la plupart des travailleurs n’ont pas de masques de protection, et que les gants sont également insuffisants. « Nous n’avons qu’une seule paire par jour », disent les travailleurs. Et aucune trace de gel hydroalcoolique depuis un certain temps. Les travailleurs de l’entreprise logistique Bartolini à Caorso, dans la province de Piacenza, dénoncent des conditions de travail qui sont loin d’assurer la sécurité sanitaire de l’ensemble du personnel. C’est pourquoi ils sont en grève et exigent de pouvoir travailler dans d’autres conditions avec une « sécurité » pour leur santé.
C’est pourquoi les travailleurs se sont mobilisés derrière le slogan « contre les patrons et le coronavirus », et « la santé avant leurs profits ». « L’entrepôt n’est pas désinfecté, les outils ne sont pas désinfectés », affirme le délégué à la sécurité d’Usb Logistics dans une vidéo diffusée sur sa page Facebook.
Les délégués dénoncent que les travailleurs de la logistique ont livré des marchandises et des colis dans toute l’Italie durant des semaines, même à des personnes en quarantaine, qui en théorie ne devraient même pas ouvrir leurs portes, s’exposant ainsi au risque d’infection par le coronavirus, dans l’indifférence totale des autorités politiques, administratives et sanitaires.
Protestations également chez IKEA et dans le port de Gênes
Il y a quelques jours, ce sont les travailleurs de IKEA Anagnina à Rome qui ont initié la protestation. Ils ont cessé de travailler, affirmant qu’ils ne pouvaient pas le faire en toute sécurité, car les distances requises entre les personnes n’étaient pas garanties. La société a déclaré qu’elle se conformait aux recommandations des autorités européennes.
Les travailleurs du terminal PSA Gênes Pra’ ont également fait grève le 11 mars, affirmant que des mesures telles que la désinfection des outils de travail, comme les grues et autres machines, n’avaient pas été prises.
Aux capitalistes de payer leur crise !
Face à une crise d’ampleur en Italie due au coronavirus, qui touche toute la population mise en quarantaine de façon quasi permanente, des millions de travailleurs en Italie sont exposés à des conditions de travail insalubres, sans garanties sanitaires élémentaires, tout cela parce qu’on fait passer avant tout les profits des patrons avant la santé des travailleurs.
Les protestations sur les lieux de travail, les grèves et l’auto-organisation, sont une réponse nécessaire pour faire face à l’arrogance des capitalistes et pour commencer à discuter des mesures nécessaires pour affronter cette crise, en allouant des budgets plus importants au système de santé public, en expropriant les laboratoires, les cliniques privées et les entreprises pharmaceutiques pour mettre toutes les ressources nécessaires à la disposition de la population et en établissant des congés sans réduire les salaires pour tous les travailleurs à risque de contagion, en garantissant l’interdiction des licenciements pendant toute cette période, entre autres mesures d’urgence. Parce que, comme le disent les travailleurs eux-mêmes, notre vie passe avant leurs profits.