La crise en Catalogne, un point de vue québécois

Depuis l’aggravation de la situation politique en Catalogne, plusieurs personnes sont allées sur le terrain à l’invitation du parti de gauche catalan Candidature d’unité populaire (CUP). Un comité de solidarité avec la Catalogne a parallèlement été créé au Québec. Voici la lecture que Manon Massé et moi faisons de la situation et des défis en Catalogne actuellement.

Bref rappel

En 2015, une élection générale en Catalogne a élu une majorité de député-e-s indépendantistes. Le principal parti nationaliste (le PDeCAT) s’est coalisé avec le centre gauche (ERC), mais au bout de la ligne, il a fallu une alliance avec la CUP pour constituer un gouvernement majoritaire. Cette alliance a organisé au début d’octobre le référendum qui a déclenché la crise actuelle. En réalité, avant même que le gouvernement espagnol n’entre en scène pour bloquer le référendum, la campagne n’avait pas eu l’ampleur espérée. Les partis pro-indépendance n’ont notamment pas été en mesure de convaincre une partie importante de la population, y compris des secteurs populaires restés méfiants ou sceptiques à l’idée de l’indépendance. Par exemple, plusieurs partisans de Podemos ainsi que des militants syndicaux, notamment ceux et celles de l’Union générale des travailleurs (traditionnellement proche du Parti socialiste espagnol) estiment que la cause de l’indépendance est l’affaire des classes moyennes. À ce jour, la souveraineté n’est pas devenue clairement un enjeu social. Pourtant, gagner cette majorité pour l’indépendance n’est pas impossible. Le système étatique espagnol et sa constitution rigide et autoritaire, élaborés à la fin de l’ère franquiste, ont des odeurs de fin d’époque. L’État espagnol, avec sa dimension monarchique, n’est plus en mesure de répondre à la demande démocratique des peuples, pas seulement le peuple catalan.

Les défis

Après le référendum où la majorité de la population a répondu OUI, mais où moins de 50 % des gens ont voté, il n’y a pas eu de proclamation de l’indépendance. Il n’y a pas eu non plus de manifestation pour célébrer l’événement. Dans les jours suivants, le premier ministre Carl Puigdemont (également leader du PDeCAT) a proposé la tenue d’une élection anticipée le 20 décembre. Cela a été considéré comme une position de recul qui a engendré une forte opposition, non seulement de la part de la CUP, mais dans son propre parti dont deux députés ont démissionné. Il a par la suite abandonné cette idée. En réalité, selon les camarades de la CUP, Puigdemont n’a aucun plan. Sa fuite vers Bruxelles pourrait être tactique pour gagner du temps. De plus, le gouvernement espagnol continue de frapper fort. Plusieurs responsables du gouvernement catalan ont été écroués, accusés de sédition. Madrid a pris le contrôle total de l’administration catalane. Tous les fonctionnaires, de même que les policiers, sont maintenant sur la liste de paye du gouvernement central. Madrid a dorénavant le pouvoir de décréter toutes les lois qui dépendaient du gouvernement catalan. Madrid vient aussi de déclencher une élection pour le 21 décembre, ce qui est une habile stratégie. Si les partis catalans acceptent de participer, ils donneront une légitimité à l’État central. Même s’ils gagnaient, les souverainistes se trouveraient à recommencer pratiquement à zéro un processus pour la souveraineté. Par contre, s’ils refusent, ils laissent les partis de droite prendre le pouvoir. Tout un dilemme ! La gauche cherche donc à trouver d’autres voies qui permettront d’élargir la mobilisation en approfondissant la compréhension du projet social que représente l’indépendance. L’appel à une assemblée constituante, comprenant de larges secteurs de la population appelés à définir ce que devrait devenir la société catalane, pourrait élargir cet appui.

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