Il y a 84 ans, le 27 avril 1937, Antonio Gramsci, un des plus grands penseurs de l’émancipation, nous quittait, quelques jours seulement après sa sortie des prisons fascistes de Mussolini.
Né le 22 janvier 1891, il est le quatrième d’une famille de sept enfants. En 1900, son père, Francesco Gramsci, est condamné à cinq ans de prison pour péculat, concussion et faux en écriture publique. Cette situation plonge la famille dans la misère et contraint Antonio de travailler alors qu’il vient de terminer l’école primaire.
En janvier 1904, sorti de prison et réhabilité, son père obtient un poste à l’Office du cadastre. Antonio peut alors s’inscrire au collège. De santé fragile, il doit interrompre ses études sporadiquement, mais parvient à décrocher une bourse en 1911 à l’université de Turin où il entame des études de philologie.
À l’époque, l’industrie automobile connait une grande croissance à Turin. La nombreuse classe ouvrière qui y travaille est formée de travailleurs venant des régions des plus pauvres de l’Italie. Le mouvement syndicaliste se développe rapidement ainsi que les conflits sociaux.
En 1914, Gramsci devient membre du Parti socialiste italien. Il écrit dans des revues comme Il Grido del Popolo, s’intéressant à tous les aspects de la vie sociale et politique de Turin.
À partir de 1915, il milite et prend part à la formation politique des jeunes ouvriers. En 1919, il est l’un des principaux leaders du mouvement «conseilliste» préconisant la création de conseils d’ouvriers dans les usines. Il cofonde le journal L’Ordine Nuovo dans lequel il montre l’intérêt de développer chez les ouvriers une formation politique et culturelle socialiste.
Le 21 janvier, Gamsci devient Secrétaire général du parti communiste italien, fondé la même année. Ses nombreux écrits et la qualité de ses analyses font de lui le principal intellectuel du Parti.
Élu député en 1924, il est incarcéré par le régime fasciste de Mussolini le 8 novembre 1926 et condamné pour conspiration. Lors de son procès, le procureur prononce cette phrase significative : «Nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner pendant vingt ans.»
Pour nous, la pensée de Gramsci est précieuse et brûlante d’actualité. Et ses contributions dans l’histoire intellectuelle du mouvement révolutionnaire sont considérables. Citons quelques-unes :
Par son apport sur l’hégémonie culturelle, il nous fait prendre conscience de l’importance de la lutte idéologique comme instance incontournable des luttes sociales.
Par son concept de «subalterne», il nous alerte contre les tentatives d’essentialisation (de la nation, de la classe, des groupes dominés, etc.) et de hiérarchisation des luttes et des dominations.
Par sa théorisation de la notion «d’intellectuel», il nous aide à mettre au premier plan la formation politique de nos militants d’où jailliront nos «intellectuels organiques» pour reprendre ses termes.
Par la distinction qu’il opère entre la société politique et la société civile, il met en lumière les différentes formes des mécanismes de domination. La société politique étant régie par la force comprend toutes les institutions inhérentes à son fonctionnement (la police, l’armée, le système légal), tandis que la société civile étant du domaine du privé domine par le consentement (l’École, l’Église, la Presse, etc.). Bien que ces deux sphères s’entrecoupent, Gramsci considère essentiel de les différencier de sorte de ne pas tomber dans une vision de l’État qui englobera toute la société.
Repose en paix frère et camarade : nous apprenons encore de toi.
Texte : Alain Saint-Victor et FUIQP