L’euphorie du 25 juillet
Au soir du 25 juillet 2021, les Tunisiens, sortis en nombre exprimer leur approbation et leur joie d’être délivrés du règne d’Ennahdha au moyen de l’activation de l’article 80 de la Constitution de 2014, croyaient être sur le point d’entamer une nouvelle expérience politique qui rompt avec l’autoritarisme d’avant 2011 et la démocratie corrompue des islamistes.
Un climat de vide et un sentiment d’insécurité
Mais très vite, ils vont s’apercevoir que Kaïs Saïed n’avait pas de feuille de route pour diriger cette étape cruciale et qu’il va cultiver l’opacité pour tenter de la gérer, seul. Le culte du silence et du flou depuis le 25 juillet, qui a bloqué le processus démocratique institué par la Constitution de 2014, est devenu la règle instaurant un climat de vide et un sentiment d’insécurité autant politique que sécuritaire. Parce que c’est maintenant que la voie de la Tunisie de l’après 25 juillet devra être tracée.
Que va devenir la Tunisie, politiquement parlant ?
Quel avenir est-il réservé aux Tunisiens, sachant qu’ils ne cèderont plus leur unique acquis des événements de 2011, à savoir la liberté de choisir leur sort et celui de leurs enfants ?
Les énigmes de la politique du président Saïed
On aura tous compris que le président Saïed veut faire cavalier seul et beaucoup ne doutent pas de sa loyauté envers la patrie, mais il y a des signes et des actes qui permettent de douter de leur cohérence et de s’interroger sur des énigmes qui demeurent incomprises par nombre de Tunisiens, comme le silence autour de l’Union des ulémas musulmans, plus communément connus sous l’appellation de l’Union d’El Qaradhaoui, qui poursuit ses activités normalement.
Or, la fermeture de ses deux locaux, l’un à Tunis et l’autre à Sfax, est revendiquée par plusieurs organisations de la société civile, outre le Parti destourien libre qui estiment qu’une telle « institution » appartenant à l’organisation des Frères musulmans ne devrait ni exister ni s’activer dans un pays dont la Constitution défend le principe de la civilité de l’Etat, tandis que cette structure dispense un enseignement contraire à ce principe fondamental, ce qu’ils assimilent à de l’endoctrinement. Ces organisations de la société civile attendent toujours que le président Kaïs Saïed prenne une décision radicale à l’encontre de cette antenne tunisienne des Frères musulmans, ce qui éclairerait l’opinion sur ses intentions à propos de l’Islam radical en Tunisie.
Certes, le président Kaïs Saïed est absorbé par la guerre qu’il mène contre les réseaux des monopoles, de la spéculation, de la contrebande et de la corruption, ce qui n’est pas peu, mais il y a des décisions politiques stratégiques qu’il faut prendre rapidement sans délai pour consacrer la souveraineté de l’Etat et la solennité des décisions historiques. Les Tunisiens s’interrogent par exemple sur le fait qu’un magistrat de la trempe de Béchir Akremi, l’ancien et puissant procureur général, soit placé en résidence surveillée liée aux affaires des assassinats politiques de 2013, tandis que Noureddine Bhiri, l’ancien et puissant ministre de la Justice à cette époque, ne soit toujours pas inquiété. Le but étant de donner de la crédibilité et de la clairvoyance à l’opération « Mains propres » que mène avec fougue le président de la République.
D’autres questions sont également sur le grill de l’opinion publique et pas des moindres, dont celle relative aux affaires de lobbying à l’étranger attribuées au parti de Rached Ghannouchi, dont la dernière est liée « au coup d’Etat » de Kaïs Saïed, comme l’ont qualifié les dirigeants d’Ennahdha dont Ghannouchi. Certes, les nahdhaouis font profil bas depuis que leurs tentatives de se faire secourir (politiquement) par l’administration Biden et par l’Emir du Qatar se sont avérées vaines, mais cela ne signifie pas qu’ils ne reviendront pas sur la scène politique avec de nouveaux visages et peut-être même avec un nouveau parti sous un autre nom.
Toujours pas de feuille de route
Beaucoup de personnalités nationales se sont réveillées de leur choc du 25 juillet, ont pris du recul par rapport à leur première lecture sur la constitutionnalité ou non des décisions du 25 juillet et ont proposé des idées et des initiatives sur la base de ces décisions.
Mais le président n’en fait visiblement pas cas et semble avoir préféré prendre du temps pour lui, avant d’annoncer sa propre feuille de route. Et ce n’est pas le temps qui va lui manquer puisqu’en décidant le prolongement de l’état d’exception, il ne s’est pas contraint à un deadline.
La circulation des rumeurs les plus folles
Mais là où le bât blesse, c’est la foire d’empoigne qui règne dans les réseaux sociaux et les médias où les rumeurs les plus folles circulent sans que personne puisse les vérifier. Il y en a même une qui a débouché sur la tenue à Tunis d’une réunion tuniso-libyenne de haut niveau afin de dégoupiller la bombe médiatique qui a été lâchée en Tunisie alertant les Tunisiens d’une intrusion imminente de cent terroristes dans le territoire tunisien.
C’est là une guerre médiatique typique qu’il ne faut pas minimiser et dont il faut dévoiler les secrets, comme ceux de savoir qui veut détruire les relations tuniso-libyennes et qui cherche à terroriser les Tunisiens.
La Tunisie n’est pas un îlot isolé à l’abri des tensions géostratégiques qui ciblent la région du Maghreb et de leurs divers impacts. Ce pourquoi toute fausse information ou mauvaise interprétation peut engendrer des tensions diplomatiques pour la Tunisie. C’est la raison pour laquelle la présidence de la République est appelée à communiquer avec les citoyens, à les informer et à les rassurer, et ce, pour un objectif stratégique, celui de préserver la cohésion et l’union des Tunisiens dans les moments cruciaux de leur histoire.