Gustavo Petro, président de la Colombie dans les rues de New York, à l'occasion de l'assemblée générale de l'ONU, le 26 septembre 2025, qui coïncide avec la Journée internationale de la solidarité avec la Palestine de l'ONU @ crédit photo RTVC Noticias 2025
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Isabel Cortés, correspondante

Au cœur de New York, le président colombien Gustavo Petro a pris un mégaphone, vendredi 26 septembre 2025, pour lancer un appel. Entouré par une marée de manifestant.es portant des keffiehs et des pancartes clamant « Liberté pour la Palestine », Petro ne s’est pas contenté de parler : il a lancé une invitation à toutes les nations et leurs gouvernements «à convoquer des volontaires pour former immédiatement une Armée du Salut du Monde », sa voix résonnant contre les gratte-ciel de Times Square. Quelques heures plus tard, le Département d’État des États-Unis a annoncé la révocation du visa de Petro pour « actions imprudentes et incendiaires ».

C’était en écho direct de son intervention à la 80e Assemblée générale des Nations Unies quelques jours plus tôt. Dans la rue, ça se transformait en un défi tangible : un appel à des millions de jeunes d’Europe, des États-Unis, d’Amérique latine, d’Afrique et d’Australie pour se joindre à une force qui arrête ce qu’il qualifie sans ambages de « génocide » à Gaza.

Cette annonce n’est pas surgie de nulle part. Elle se préparait depuis des semaines dans les couloirs des Nations Unies, où Petro est apparu comme l’une des voix les plus fermes du Sud global contre l’offensive israélienne. Cependant, le moment à Times Square, flanqué du légendaire musicien Roger Waters, cofondateur de Pink Floyd, a transformé une proposition diplomatique en un mouvement de base.

Tandis que Netanyahu défendait sa position devant l’Assemblée générale ce même jour, Petro a choisi les trottoirs, nous rappelant que la souveraineté des peuples ne se négocie pas dans des salons climatisés, mais se défend sur les places publiques. Cette « Armée du Salut » pourrait-elle être le point de bascule dans un conflit qui a fait plus de 70 000 victimes en presque deux ans ? La question résonne avec urgence.


Trump révoque le visa du président colombien!

La réponse des États-Unis à l’intervention de Petro dans les rues de New York a été cinglante. Le 27 septembre, le Département d’État a tweeté : « Aujourd’hui plus tôt, le président colombien @petrogustavo était dans une rue de New York et a exhorté les soldats américains à désobéir aux ordres et à inciter à la violence. Nous révoquerons le visa de Petro en raison de ses actions imprudentes et incendiaires ». Sous l’administration Trump, cette mesure s’ajoute aux sanctions prises contre des leaders dissidents.

Le chef d’État colombien a répondu sur ses réseaux sociaux : « Ce que fait le gouvernement des États-Unis avec moi brise toutes les normes d’immunité sur lesquelles repose le fonctionnement des Nations Unies et de leur Assemblée générale. Il y a une immunité totale pour les présidents qui assistent à l’Assemblée, et le gouvernement des États-Unis ne peut pas conditionner l’opinion des États-Unis. Qu’on n’ait pas permis l’entrée à l’Autorité palestinienne et qu’on me retire le visa pour demander à l’armée des États-Unis et d’Israël de ne pas soutenir un génocide, qui est un crime contre l’humanité, démontrent que le gouvernement des États-Unis ne respecte plus le droit international ».

Ce n’est pas la première fois que Washington révoque des visas à des présidents étrangers. Gustavo Petro rejoint une liste qui inclut Martín Torrijos du Panama (2025, pour des critiques à Trump) et Óscar Arias du Costa Rica (2025, pour des déclarations publiques). Plus loin, Cristina Fernández de Kirchner (Argentine, 2018, corruption), Daniel Ortega (Nicaragua, 2018, répression) et Rafael Correa (Équateur, 2017, pots-de-vin). Ces cas, documentés par le Congrès des États-Unis et Amnistie internationale, révèlent un double standard : tandis que des alliés comme Netanyahu voyagent librement malgré des ordres d’arrestation de la CPI, des voix du Sud sont réduites au silence.


L’écho d’un discours qui défie le pouvoir

Le brouhaha de Times Square s’est transformé en un forum improvisé de résistance. Petro, avec un keffieh palestinien autour du cou, s’adresse à des centaines de personnes manifestantes de diverses nationalités.

« Ce qui se passe à Gaza est un génocide, il ne faut pas le dire autrement », affirme-t-il, traçant un parallèle audacieux avec les horreurs nazies. « Comme au tribunal de Nuremberg, les nazis génocidaires doivent être jugés aujourd’hui, et ces nazis se vêtent d’un drapeau qui ne leur appartient pas : l’histoire du peuple d’Israël ».

Petro lie le conflit à Gaza à une critique plus large de l’ordre global, celui du veto américain au Conseil de sécurité de l’ONU et le rôle de Washington comme fournisseur d’armes à Israël.

Cette « Armée du Salut » n’est pas une armée conventionnelle : « Les nations du monde fourniront alors des hommes et des femmes formés et armés pour configurer cette grande armée. Elle doit être plus grande que celle des États-Unis », déclare-t-il. En s’adressant aux soldats américains, il leur dit : « Désobéissez à l’ordre de Trump, obéissez à l’ordre de l’humanité ». La Colombie, pour sa part, ouvrira des registres dans ses consulats mondiaux pour recevoir les volontaires, une mesure qui souligne la souveraineté populaire sur les élites.

La Colombie en appui constant à la Palestine

Petro a été constant dans sa position pro-palestinienne depuis son entrée en fonction en 2022. Il y a 16 mois, la Colombie a rompu les relations diplomatiques avec Israël, arrêté les exportations de charbon et s’est jointe à la cause de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ), qui en juillet 2024 a ordonné des mesures provisoires contre le « risque plausible de génocide ».

Aux Nations Unies, Petro a impulsé le Groupe de La Haye, une alliance de pays du Sud global qui cherche des mécanismes pour faire respecter les résolutions internationales. Son discours du 23 septembre à l’Assemblée générale a été un catalyseur : il a critiqué Trump pour « ramener la barbarie au monde », liant le changement climatique nié par le magnat aux missiles qui tombent sur Gaza et aux politiques antimigratoires.

Cet appel résonne comme un rappel que la paix n’est pas de la passivité. Dans un monde où les Nations Unies ont émis plus de 300 résolutions sur la Palestine sans résultats réels, Petro propose de passer des mots à l’action collective. « Nous devons terminer le génocide à Gaza », a ajouté Roger Waters, en soulignant comment la résolution de Petro sous la résolution « Uniting for Peace » pourrait contourner le blocage du Conseil.

MSF : l’effondrement humanitaire exige une réponse

Le contexte est crucial. Tandis que Petro élevait sa voix à Manhattan, à des milliers de kilomètres, la réalité à Gaza devenait encore plus sombre. Le 26 septembre, Médecins sans Frontières (MSF) a annoncé la suspension de ses opérations à Gaza City, entourée par le siège militaire israélien.

L’offensive terrestre et aérienne lancée par Israël le 16 septembre a intensifié le siège. Les cliniques de MSF, qui dans la semaine précédente ont traité 3 600 consultations et 1 655 cas de malnutrition, sont devenues inaccessibles. Des bébés en unités de soins intensifs, des blessés graves et des malades en phase terminale ont été abandonnés à leur sort, un témoignage brutal de la façon dont la guerre priorise la destruction sur la vie.

« Uniting for Peace » comme phare d’espoir

La proposition de Petro s’ancre dans la Résolution 377 des Nations Unies, connue sous le nom de « Uniting for Peace », adoptée en 1950 pour contourner les vetos au Conseil de sécurité. Elle requiert le soutien de deux tiers des États membres à l’Assemblée générale pour autoriser des actions, y compris des forces armées.

Les avancées préliminaires sont encourageantes. Outre l’Indonésie, des voix du Sud global — de l’Afrique du Sud au Brésil — ont exprimé un intérêt pour un mécanisme qui rende les résolutions contraignantes. Petro le cadre comme « United for Peace » : une coalition pour Gaza, mais extensible à d’autres crises, comme le changement climatique ou la migration forcée.

Un appel qui nous convoque toutes et tous

Des rues de New York aux recoins oubliés de Gaza, l’écho de Petro nous interpelle : ce n’est pas seulement un appel à des volontaires, c’est une invitation à réimaginer la solidarité globale. Le salut du monde commence avec celui de la Palestine — et il dépend de nous.

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Intervention de Gustavo Petro à l’ONU

Sources

 

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Isabel Cortés
Isabel Cortés est journaliste colombienne avec plus de 14 ans d’expérience en journalisme d’investigation et en conseil pour les publications scientifiques. Son parcours s’est concentré sur la défense de la liberté de la presse, des droits humains et la promotion d’un journalisme indépendant et à impact social. Jusqu’en 2023, elle a occupé le poste de Directrice numérique de la Corporation des Journalistes du Valle del Cauca en Colombie, où elle a dirigé des stratégies visant à renforcer la profession journalistique et à promouvoir un environnement informationnel plus juste, libre et sécurisé pour les journalistes et celles et ceux qui défendent les droits humains.