Le FSM a connu une belle première période de vie, qui s’est achevée par la fête du Forum Social Mondial 2009, sous la pluie de Belém do Pará, au Brésil. Cette édition du Forum a réuni, pour la deuxième fois, 150 000 personnes venus du monde entier.
Ce Forum a soulevé, pour la première fois avec plus de véhémence, des questions qui sont aujourd’hui pertinentes dans les débats et les actions pour un autre monde possible : la lutte pour la justice envers les peuples autochtones, la sagesse du «bien vivre» des peuples andins, le concept mobilisateur des biens communs, les menaces écologiques qui hantent aujourd’hui le monde, comme la destruction de l’Amazonie – où nous étions réunis – par l’action et l’omission criminelles du dys-gouvernement actuel du Brésil.
Les éditions précédentes ont été tout aussi mobilisantes, comme le Forum 2004 à Mumbai, en Inde, qui a rassemblé 120 000 personnes. Parmi celles-ci, 20 000 « dalit », les «intouchables», qui ont tenu, pendant ce FSM, leur premier Congrès en tant que couche sociale fortement discriminée par la société des castes de l’Inde.
Après Belém, le FSM a connu des hauts et des bas. Il y a eu des éditions passionnantes comme celle de Tunis en 2013, en plein « printemps arabe ». Et d’autres plus modestes, comme celle de 2016, à Montréal, quand nous avons osé amener le FSM au Nord de la planète, et confier son organisation à des jeunes – une belle expérience dont Carminda Mac Lorin, l’une des facilitatrices de ce Forum, peut parler mieux que moi. Une Gay Pride, qui a eu lieu les mêmes jours et dans la même ville, semble avoir attiré plus de Montréalais que le FSM. Mais cela a plutôt à voir avec le défi de la communication du FSM, dont je parlerai plus loin.
Le FSM 2018, qui a eu lieu à nouveau au Brésil, à Salvador de Bahia, a attiré plus de monde. Ils se sont installés, avec la joie qui caractérise le FSM, dans les jardins de l’Université fédérale de Bahia, qui a accueilli avec plaisir cette foule de visiteurs. Lors de ce Forum, l’un des thèmes beaucoup traité a été la discrimination dont sont victimes les Noirs et les religions d’origine africaine, très présentes dans cette ville. Cela a été un signe avant-coureur de la lutte contre le racisme, qui gagne du terrain dans le monde entier.
Le Forum de Salvador a été tragiquement secoué, dès les premiers jours, par le meurtre, à Rio de Janeiro, d’une jeune parlementaire d’un parti de gauche, noire et lesbienne. Presque aussitôt, une grande manifestation de protestation a été organisée dans les rues entourant l’université. C’était aussi la préfiguration de la violence qui gronde dans le Brésil d’aujourd’hui, incapable de punir les responsables de ce crime, du fait de leurs liens directs avec le pouvoir en place dans le pays.
Mais j’en viens maintenant aux perspectives actuelles du FSM.
Le Forum 2020 ou 2021, qui devait avoir lieu dans la ville de Mexico ayant été rendu impossible par la pandémie, il s’est tenu sous format virtuel en janvier de cette année. Ce fut un effort gigantesque, sur plusieurs mois, de plus de deux cents personnes de nombreux pays, travaillant bénévolement, de membres du Conseil international du FSM et de nombreuses organisations qui s’y sont associées, en rencontres quasi continues à distance. Pendant le Forum, ils ont même dû faire face à des invasions malveillantes de leurs salles virtuelles. A la fin, un processus de préparation de la prochaine édition a été lancé, édition qui se déroulera en présentiel ou en combinant présentiel et virtuel, en janvier 2022, au Mexique.
Le premier défi auquel est actuellement confronté le FSM est donc celui de la méthodologie d’organisation du Forum lui-même. Dans les rencontres en présentiel qui ont eu lieu au cours de ses 20 années de vie, des échanges personnels nombreux et variés étaient possibles, sur plusieurs jours, à des heures différentes, entre militants des luttes les plus diverses et de différents pays du monde. C’est cette reconnaissance mutuelle qui, peut-être, créait une atmosphère d’enthousiasme, surtout lorsqu’elle conduisait à la construction d’alliances pour des actions concrètes. Les Forums ont ainsi permis d’accumuler de l’énergie pour la lutte de chaque participant.
Il y avait toujours un risque que les participants au Forum eux-mêmes, ou les facilitateurs du Forum, organisent des conférences de personnes célèbres ou non, au détriment d’ateliers dialogiques, plus adaptés aux échanges stimulés par le FSM. Mais, souvent, des auditoriums vastes et coûteux, qui répétaient un format de transmission du savoir déjà dépassée – de l’enseignant à l’élève, de ceux qui savent à ceux qui ne savent pas – étaient bien vides.
Maintenant, dans les réunions virtuelles, il est presque impossible de «débattre». On écoute, et tout au plus on pose des questions, auxquelles on ne répond pas toujours, quand il y a beaucoup de participants. L’avantage évident de pouvoir écouter l’enregistrement par la suite est presque annulé par la difficulté du dialogue. Cela s’est déjà produit pendant ce Forum, même lorsqu’il y avait l’alternative de «chat».
D’un autre côté, la pandémie a probablement conduit à d’autres changements majeurs. Serait-il encore acceptable de rassembler des gens qui devront faire de longs voyages aériens – avec leurs répercussions sur l’environnement? Ne serait-il pas préférable d’utiliser encore plus, pour de telles rencontres, les nouvelles technologies d’intercommunication qui se sont multipliées pendant la pandémie, permettant également aux personnes qui n’ont pas les ressources pour ces voyages de participer, et de diminuer aussi les frais d’hébergement et de restauration? Ce ne permettrait-il pas de diffuser plus facilement le message d’espoir du FSM – un autre monde est possible – au quatre coins de la Terre? Mais il faudra beaucoup inventer, méthodologiquement, y compris pour ne pas nous leurrer sur les résultats des petites et grandes réunions virtuelles qui se multiplieront dans le processus de construction du FSM de 2022.
Le FSM fait également face à d’autres défis, d’un autre type, comme celui de son Conseil international, qui a beaucoup grandi dès le début, peut-être parce que beaucoup pensaient que le pouvoir sur le FSM y était concentré. Cependant, comme il s’est avéré que ce n’était pas le cas, le nombre de ses membres a été progressivement réduit à bien moins de la moitié. Mais il n’a pas encore trouvé son identité et son rôle dans le processus du FSM. Et il court un risque: on parle déjà beaucoup d’en faire un bon instrument de «gouvernance» du FSM, c’est-à-dire d’abandonner la «non-directivité» qui a toujours caractérisé le FSM.
Tout cela est devenu encore plus compliqué avec la multiplication des forums thématiques, qui ont commencé à émerger – en continuité aux les forums sociaux nationaux, locaux et régionaux des premières années du FSM – et qui se caractérisent par leur autonomie, certains créant même d’autres instruments, comme les Assemblées mondiales. La plupart de ces forums thématiques ont tendance à s’appeler Forums sociaux mondiaux de tel ou tel thème. Comme si la marque FSM était déjà devenue un bien commun de l’humanité, comme cela devrait se produire pour les vaccins contre le Covid 19. Quel est le rôle du CI à cet égard?
Il est également nécessaire de surmonter des divergences plus spécifiques qui se sont creusées, comme celles autour de la forme de décision au sein du CI – par vote ou par consensus? Ce n’est pas un défi simple. Il n’y a pas si longtemps, dans un débat sur l’avenir du FSM, lors du FSM virtuel, il a été dit explicitement que la décision par consensus était une stupidité – alors que ce type de décision a été une découverte des organisateurs des premiers FSM pour presque nous forcer au dialogue et assurer ainsi l’unité de ce groupe très diversifié, dans l’accomplissement de la tâche qu’il avait pris en chargeii.
Mais les opposants à la décision par consensus disent qu’elle peut créer la possibilité de veto. Et ils racontent ce qui, selon eux, se serait passé lors d’une réunion du CI après le FSM 2018 à Montréal : une personne – en l’occurrence, moi – aurait opposé son veto à une prise de position contre le coup d’État en cours au Brésil. Pour le bien de l’Histoire, il est utile de se souvenir de ce qui s’est réellement passé. Je n’étais pas opposé à une prise de position contre le coup d’État au Brésil, mais au fait que cette position soit prise en tant que CI, comme cela était proposé. J’ai été littéralement surpris par une manœuvre, de celles qui sont courantes dans la pratique politique que nous voulons dépasser : avec une déclaration du CI contre un coup d’État – celui du Brésil -, c’était une tentative de coup de force qui était en train de se produire, pour détruire la charte de principes du FSM par son non-respect dans la pratique.
Mais je ne vais pas m’attarder sur cette discussion maintenant, même si elle est importante, car le plus grand défi auquel le FSM est confronté n’est aucun de ceux là. C’est la décision à prendre sur son propre caractère : rester un « espace ouvert » ou devenir un « mouvement structuré autour d’objectifs communs », en tant que force politique propre. Ou, en d’autres termes, le FSM, en tant que tel, devrait-il passer de l’arrière du front, là où il se trouve, pour aller sur le front de lutte, là où les mouvements sociaux et les partis doivent être? La motivation pour effectuer ce changement serait-elle due au fait que les médailles sont données à ceux qui sont sur le front du combat et non à ceux qui, à l’arrière du front, leur apportent le soutien indispensable?
Cette discussion colle au FSM depuis sa création en 2001. Mais ce n’est qu’en 2003 qu’elle est devenue plus claire y compris entre ceux qui ont organisé ses premières éditions. L’option qui a prévalu pendant ces 20 années de vie du FSM a été celle de « l’espace ouvert », mais certaines organisations qui l’ont fondé s’en sont même éloignées, peut-être parce qu’elles attendaient plus du FSM, en termes de résultats politiques.
Cette alternative a été explicitée pour la première fois de façon très claire dans un article de 2007 du sociologue philippin Walden Bello sur l’avenir du FSM: « Le FSM à la croisée des chemins » (http://www.fpif.org/fpiftxt/4196).
Il proposait, sans mâcher ses mots, que « l’espace ouvert » disparaisse pour faire place à la naissance d’autres formes d’action politique. À la fin de son article, il disait : (…) « après avoir rempli sa fonction historique d’agréger et de relier les différents contre-mouvements générés par le capitalisme mondial, n’est ce pas le moment pour le FSM de démonter ses tentes et de faire de la place pour de nouvelles formes d’organisation mondiale pour la résistance et la transformation ? »
Bello nous dit que sa réflexion a été stimulée par le FSM de Caracas en 2006 et, plus tard, par le Forum de janvier de l’année suivante à Nairobi, au Kenya, qui a été pour lui « décevant » car « il semblait reculer au lieu d’avancer ». Le texte de Bello a provoqué une certaine controverse, peut-être parce que c’était le premier à aborder la question de façon plus directe.
J’ai moi même écrit rapidement un commentaire, (http://www.iade.org.ar/noticias/las-encrucijadas-no-siempre-cierran- caminos). J’y disais que la proposition de Bello pourrait aider moins à nous mêmes qu’à nos adversaires, car elle venait de l’intérieur du FSM, et disait exactement la même chose que les médias internationaux, qui essayaient de décréter la mort du FSM pour que les propriétaires du monde n’aient plus à s’en inquiéter. Pour conclure, je disais qu’un changement effectif et profond du monde était encore un long chemin et que le Forum n’avait pas à disparaître, mais à continuer à clarifier les horizons à la croisée des chemins, en parallèle aux luttes qui y étaient proposées par les mouvements sociaux et assumées par les participants.
Je n’ai pas pu trouver et relire tous les autres textes écrits à partir du texte de Bello. Je n’ai relu que celui de Thomas Ponniah, qui traitait de la controverse en cours, et celui de Boaventura de Souza Santos, également présent dans ce webinaire.
Selon Ponniah, Bello reconnaissait que le FSM avait beaucoup contribué à la lutte pour la justice mondiale, mais que sa méthodologie de « l’espace ouvert » inhibait un agenda politique décisif. Il a également évoqué ma position selon laquelle « l’espace ouvert » permettait aux mouvements de s’exprimer en proposant de nouveaux projets sociaux sans avoir besoin de parler au nom de tous les participants au FSM.
Boaventura de Souza Santos, pour sa part a publié un texte reposant sur des bases solides, après une analyse longue et détaillée des chemins et des crises de la gauche dans le monde. Pour lui, le FSM, a été « un nouveau phénomène social et politique”, “inclusif (…),” tant par son ampleur que par ses thèmes ». Il souscrit à de nombreuses critiques faites par Bello au FSM, notamment en ce qui concerne l’illusion qu’il peut être un forum neutre avec des discussions isolées de l’action – une critique qui, selon lui, existe « depuis que le Forum a été créé », et voit dans cela « juste une opportunité supplémentaire d’auto-réforme. Même en supposant que le FSM ait été envahi par d’autres conceptions et pratiques de résistances et alternatives, il est important qu’il continue d’apporter son soutien aux luttes qui en ont encore besoin, et aussi à réduire l’impact et la frustration provoqués par la défaite éventuelle des luttes les plus avancées ».
Après avoir dit que nous savons que toutes les organisations (…) doivent disparaître un jour, parce qu’elles ont rempli leur rôle, je me demande si le FSM en était déjà arrivé à ce point. Tous les effets positifs du FSMont-ils été ressentis aux quatre coins de la planète? Toutes les organisations de la société civile de tous les pays du monde ont-elles déjà eu l’opportunité de réaliser les interconnexions fournies par les Forums? Y a-t-il eu des forums locaux dans toutes les villes ou régions du monde pour que cette expérience puisse être vécue par ceux qui ne peuvent se rendre à des réunions mondiales ou continentales, voire nationales? Des espaces ont-ils été créés partout pour que la société civile devienne plus forte et plus articulée afin de prendre sa place en tant que nouvel acteur politique? L’expérimentation de nouvelles pratiques politiques dépassant les « anciens modes d’organisation hiérarchiques et centralisés caractéristiques de l’ancienne gauche a-t-elle été menée par toutes les organisations qui luttent contre le capitalisme mondialisé? Ces nouvelles pratiques politiques ont-elles effectivement pénétré les organisations qui ont participé aux forums, les changeant en interne? Tous les mouvements sont-ils désormais pleinement convaincus qu’ils ont besoin les uns des autres dans la lutte contre le capitalisme mondial et sont-ils capables de construire leur union au lieu de continuer à se diviser et à s’affronter les uns les autres ?
Ces débats sont intéressants parce que c’est aussi un peu ce qui se passe, à la croisée des chemins où se trouve actuellement le FSM: le Forum virtuel qui s’est tenu récemment, selon les informations fournies par les organisateurs, a eu9500 inscrits de 144 pays, dont 1300 associations, et ses débats se sont déroulés en800 activités auto-organisées, qui ont débouché surprès de 150 initiatives et mobilisations, répondant à l’insistance de 7 des 14 articles de la Charte de principes du FSM, pour que les analyses et réflexions faites dans le Forum mènent toujours à l’action.
Selon Pierre Beaudet, les FSM ont une « galaxie d’exigences, d’expériences et de luttes d’organisations, de mouvements, d’ONG et d’institutions », où « une grande et permanente tempête d’idées » s’exprime dans un « chaos -organisé et festif », il a demandé: « en vaut-il encore la peine? » En d’autres termes, le « grand souk » ou « la place du marché du mouvement mondial pour la justice » aurait-t-il déjà atteint sa limite d’efficacité? Beaudet a aussi situé le FSM dans la phase où nous étions dans le monde, celle d’une nouvelle vague de mobilisations comme le Printemps Arabe, les Indignados, les Occupy, qui, en plus d’exprimer leur indignation, « recréaient, chacun à leur manière, les méthodologies expérimentales et les débats du Forum : démocratie participative, nouvelles façons de travailler de façon moins hiérarchique, insistance pour inclure des secteurs jusque-là négligés par les mouvements populaires ». Et il a noté que si les craintes que le Forum ne devienne une sorte de « QG » des mouvements étaient légitimes, ceux-ci devraient tenir à deux mains certaines questions principales, sans que cela ne signifie avoir un Comité central qui déciderait de tout.
Je conclus sur mon pessimisme quant au futur du monde. Je prends conscience de façon de plus en plus profonde, que nous pouvons être en train de nous approcher de plus en plus rapidement, y compris de l’extinction de notre espèce elle-même, malgré la lutte de l’Humanité, qui dure depuis des siècles, pour « un autre monde possible ».
De fait le capitalisme, qui se consolide depuis des siècles, est, à ce jour, en train de vaincre. Il est déjà devenu le système d’organisation des activités humaines sur toute la planète. La gauche a tenté des expériences de socialisme, certaines d’entre elles dans de grandes dimensions, mais elle n’a pas réussi à créer « l’homme nouveau » et le terrain a été pratiquement totalement reconquis par les vainqueurs de la Guerre Froide. Pendant ce temps le capitalisme a créé une gigantesque machine mondiale de production d’argent et de consommation d’argent, insatiable et impersonnelle – bien que nous sachions qui est ce 1% qui en profite le plus et qui met à son service des milliards de personnes. Machine qui, pour poursuivre sans interruption son travail, surexploitera les ressources de la planète jusqu’à les épuiser, et a déjà dérégulé beaucoup de ce qui y assure des conditions de vie pour les êtres humains.
Il est nécessaire d’arrêter cette machine, de réorienter la production et la consommation, de changer les modes et objectifs de vie, tâche herculéenne qui devient de plus en plus difficile face à la force infernale de la machine.
Mais le système capitaliste ne réussirait pas à dominer le monde, économiquement, politiquement et même militairement, s’il ne s’appuyait pas sur sa logique et sa culture, où tout n’est que prétexte pour gagner et consommer de l’argent de manière égoïste et compétitive – « il faut toujours tirer profit », a déclaré l’un des champions du monde de football brésilien dans une publicité. Cette logique et cette culture ont pénétré profondément dans les esprits et les cœurs de l’écrasante majorité des êtres humains, y compris probablement entre ceux qui ont vécu les expériences socialistes. L’écrasante majorité de la population ne croit pas ou n’imagine même pas qu ‘«un autre monde est possible», avec une autre logique, une autre culture.
C’est pourquoi je m’accroche à la continuité et à la multiplication de tout ce qui ressemble à des « espaces ouverts », à travers le monde, dans lesquels de plus en plus de personnes puissent expérimenter concrètement et joyeusement d’autres valeurs, dans des relations concrètes de coopération et de solidarité.
Nous devons vivre une authentique révolution culturelle, forcément longue. Et c’est en ce sens qu’on ne peut pas dire que le FSM, en tant qu‘«espace ouvert» d’auto-ré-éducation culturelle, n’est qu’une méthodologie, tout comme on ne peut pas dire qu’ «il s’est dépolitisé». C’est un nouvel instrument «politique» qui a été inventé, parmi d’autres qui existaient déjà, ou, en d’autres termes, il est en lui-même une stratégie «politique» d’affrontement des défis du monde.
Mais on ne peut se leurrer. Nous ne pouvons pas faiblir. C’est une course contre la montre dont l’échéance serait la disparition non pas de « l’espace ouvert », mais de la possibilité de vie sur terre. Je ne sais pas si nous aurons le temps – pas moi, je ferai mes adieux à la vie dans pas longtemps, mais tous les êtres humains qui se réveilleront face à la menace qui nous guette, et même s’il y a un nombre croissant de jeunes qui s’engage dans la lutte écologique.
Je ne sais pas si, dans notre lutte dans les Forums, nous arriverons à éviter que cet instrument d’action politique que nous avons inventé ne soit absorbé – et détruit – par les logiques de pouvoir, de contre-pouvoir et de domination. Et à réussir à assurer la place de la société civile en tant qu’acteur politique dans la guerre culturelle, essentiel parce que capable d’atteindre, par son étendue et son hétérogénéité, les coins les plus reculés de nos sociétés, avec beaucoup plus de puissance transformatrice qu’aurait un sujet politique global unique qui prétendrait la représenter ou la substituer, en compétition avec beaucoup d’autres.
[1]Extrait d’une intervention lors du débat virtuel organisé le 17 février 2021 ayant pour thème “Où en sont l’altermondialisme et le FSM?, organisé par les Fondations Gabriel Péri, Copernic, l’Ecologie Politique, Espaces Marx, Institut Tribune Socialiste e PAM
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