Le Canada et l’Iran : une histoire coloniale



Yves Engler, 15 janvier 2020

En 1953, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont renversé le premier premier ministre élu en Iran, Mohammad Mossadegh. Ottawa a joué un petit rôle dans cette destruction de la démocratie iranienne.

Mossadegh voulait que l’Iran bénéficie de ses énormes réserves de pétrole. En mai 1951, le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lester Pearson, a déclaré à la Chambre des communes que «le problème ne peut être réglé» que si les Iraniens gardent à l’esprit les «intérêts légitimes d’autres personnes qui ont œuvré pour le bien-être de l’Iran dans l’administration de l’industrie pétrolière de cette région». Plus tard , Pearson s’est plaint de la réaction« émotionnelle »des Iraniens aux Anglais. Il a ajouté: « Dans leur souci de prendre le contrôle total de leurs affaires par l’élimination de l’influence étrangère, ils s’exposent à la menace de la pénétration et de l’absorption dans la sphère soviétique ».

En réponse à la nationalisation, les Britanniques ont organisé un embargo sur le pétrole iranien, qu’Ottawa a suivi. L’embargo a affaibli le gouvernement de Mossadegh, ce qui a permis à la CIA de renverser le Premier ministre nationaliste.

Treize mois avant le coup d’État, l’ambassadeur du Canada à Washington a câblé à Ottawa: «La situation en Iran pourrait difficilement être pire qu’elle ne le fait actuellement. Mossadegh a été ramené au pouvoir avec une influence et un prestige accrus et se révélera certainement plus déraisonnable et insoluble que par le passé, de sorte qu’un règlement du différend pétrolier sera plus difficile que jamais à arranger. »

 Quatre mois après le coup d’État, l’ambassadeur du Canada à Washington a téléphoné à Ottawa pour «encourager les rapports de leur ambassade [des États-Unis] à Téhéran sur la force croissante de l’actuel gouvernement [du coup d’État]».

Établissant des relations diplomatiques avec l’Iran en 1955, le Canada a suivi l’exemple du Royaume-Uni et des États-Unis en faisant affaire avec la dictature brutale de Mohammad-Reza Shah Pahlavi, qui a régné pendant 26 ans.

Tout au long du règne du Shah, des politiciens canadiens se sont rendus en Iran régulièrement. Le premier ministre de l’Ontario, William Davis, par exemple, est allé rencontrer le Shah en septembre 1978.

Pendant les années 1970, le gouvernement canadien a vendu pour environ 60 millions de dollars (250 millions de dollars aujourd’hui) d’armes à l’Iran. À l’époque Amnesty International rapportait qu ‘«aucun pays au monde n’a de pire bilan en matière de droits humains que l’Iran». En fait, au début des années 1970, 250 000 $ (1 million $ aujourd’hui) d’aide canadienne ont été versés au Centre international de criminologie comparée (ICCC) de l’Université de Montréal, dont les conseillers en Iran (ainsi qu’en Côte d’Ivoire et au Brésil), selon ICCC le directeur Dennis Szabo, «ont formé les forces de police à l’utilisation des méthodes les plus modernes pour réprimer les manifestations de protestation et les causes de la criminalité».

En 1978, les exportations canadiennes vers l’Iran ont atteint près de 600 millions de dollars (2,4 milliards de dollars aujourd’hui). Selon le Globe and Mail (octobre 1978), un projet forestier massif financé par Exportation et développement Canada (EDC), canalisé par la firme Acres International Ltd. de Toronto. Ircan de Montréal a remporté un contrat de 37 millions de dollars pour la fourniture de centres de formation mobiles et 800 heures d’enseignement professionnel. Un consortium de quatre entreprises a tenté de remporter une offre pour une centrale thermique de 1,2 milliard de dollars. Keith Sjogren de la Banque de commerce à Téhéran, était au centre de ses diverses transactions.

Au moment où le Shah a été renversé à la fin de 1979, il y avait 850 Canadiens en Iran, la plupart à l’emploi d’entreprises multinationales p. Au moment de la révolution, EDC avait plus de 100 millions de dollars ( 400 millions de dollars aujourd’hui) pour protéger les investissements canadiens sur place et les banques canadiennes détenaient des milliards de dollars de prêts au Shah. Peu de temps après le départ du Shah, le Canada a fermé son ambassade à Téhéran, qui est restée fermée pendant huit ans.

Au cours de la période de 1950 à 1985, la politique canadienne à l’égard de l’Iran était motivée par les intérêts de l’empire britannique, puis américain ,et par les possibilités de profit pour les entreprises canadiennes.  La question des droits de la personne ou de la démocratie ne faisaient pas partie ce la politique canadienne en Iran.