Mai 1968 : un mouvement mondial

NDLR. Pour Immanuel Wallerstein, le « moment 1968 » a marqué à la fois la fin et le début d’une nouvelle époque. Le capitalisme mondial, l’impérialisme alors dominé par les États-Unis entraient dans une longue période de déclin qui continue jusqu’aujourd’hui. Sur un autre registre, Mai 1968 a été également le point tournant du socialisme du vingtième siècle, à la fois par les grandes luttes anticoloniales et anti-impérialistes dont le Vietnam a été le point culminant, à la fois par la décadence prolongée du socialisme « réellement existant », selon l’expression de dissidents est-européens comme Rudolph Bahro. Aujourd’hui, tout cela peut paraître de l’histoire ancienne, mais l’est-ce vraiment ? De plusieurs manières, l’essor récente des mouvements populaires (printemps arabe, carrés rouges, Indignados, mouvements autochtones, etc.) a repris la bannière de Mai 1968 : démocratie et autogestion, convergences des luttes, confrontations avec le pouvoir, et même, dans certaines circonstances, la mise en place de processus insurrectionnels. Certes, on n’est plus dans le même monde et les choses se présentent très différemment du côté des luttes d’émancipation. Pour autant, 50 ans plus tard, les luttes de 1968 doivent être revisitées et c’est ce que nous espérons faire avec ce dossier d’où cette chronologie qui illustre le caractère international du « moment 1968 ».

 

2 janvier 1968, Italie : l’université de Padoue est occupée. Début du bienno rosso, deux années de luttes étudiantes et ouvrières intenses, aussi appelées le « Mai rampant italien ».

31 janvier, Vietnam : lors de la fête du Têt, 80 000 combattants du Viêt Công lancent l’offensive contre une centaine de villes du Sud-Vietnam.

Février, Algérie : l’université d’Alger est fermée pendant un mois pour éviter l’extension de la contestation réclamant la liberté d’expression.

8 mars, Pologne : à Varsovie, l’interdiction d’un spectacle jugé antisoviétique provoque une révolte étudiante.

20 mars, Jordanie : le Fatah tient tête à l’armée israélienne à Karameh. Moins d’un an après la déroute arabe durant la guerre des Six Jours, les fedayins palestiniens démontrent leur capacité de résistance indépendamment des États arabes. Le Fatah en tire un immense prestige et multiplie ses effectifs par 15 en un an.

22 mars, France : la présidence de la fac de Nanterre est occupée, le « Mouvement du 22 mars » est créé.

4 avril, États-Unis : suite à l’assassinat de Martin Luther King, des émeutes éclatent dans 125 villes, faisant 45 morts (lire AL n°171).

11 avril, Allemagne de l’Ouest : la tentative d’assassinat contre le leader étudiant Rudi Dutschke provoque une vague d’émeutes (2 morts à Munich).

1er mai, Espagne : point culminant des grèves qui marquent les année 1968- 1969. La contestation montante accélère la décomposition du franquisme.

10 mai, France : à Paris, « nuit des barricades » au Quartier latin.

24 mai, Nigeria : chute de Port Harcourt, dernier accès à la mer de la république indépendantiste du Biafra (soutenue par la France), qui en 1967 avait fait sécession du Nigeria (soutenu par l’URSS, les États-Unis et la Grande-Bretagne). Le blocus et la famine au Biafra vont faire un million et demi de morts.

29 mai, Sénégal : grève générale réprimée par l’armée : 1 mort et 20 blessés.

juin, Tchécoslovaquie : apparition de conseils ouvriers qui prennent en main les entreprises.

3 juin 1968, Yougoslavie : les étudiantes et les étudiants de l’université de Belgrade lancent le slogan « la révolution n’est pas terminée, nous en avons assez de la bourgeoisie rouge ». La répression fait une centaine de blessés.

12 juin, Uruguay : émeutes étudiantes à Montevideo. L’état de siège est décrété et les libertés publiques suspendues. Le mouvement des Tupamaros s’engage dans la guérilla urbaine.

21 juin, Brésil : une manifestation à Rio de Janeiro est réprimée par la dictature (6 morts, 1 000 arrestations). Le lendemain le Parlement est occupé à Brasilia.

24 juin, Canada : 290 Québécoises et Québécois sont arrêtées à Montréal suite à des manifestations indépendantistes. C’est le « lundi de la matraque ».

21 août, Tchécoslovaquie : l’entrée des chars soviétiques met fin au Printemps de Prague (lire AL n°170).

26-29 août, États-Unis : manifestations antiguerre du Vietnam à l’occasion de la convention du Parti démocrate à Chicago. Violents affrontements.

Septembre, États-Unis : à Atlantic City, manifestation des Radical Women contre le concours de Miss America. Point de départ du Women’s Lib (« mouvement de libération des femmes »).

2-3 octobre, Mexique : l’armée ouvre le feu sur la foule rassemblée sur la place des Trois-Cultures à Mexico. Bilan : plus de 200 morts et 2 000 arrestations.

5 octobre, Royaume-Uni : la première marche pour les droits civiques en Irlande du Nord est violemment réprimée à Derry. Début de la révolte populaire contre l’occupation britannique.

17 octobre, Mexique : sur le podium olympique, les coureurs Tommie Smith et John Carlos lèvent leurs poings gantés de noir – symbole des Black Panthers – pendant l’hymne états-unien.

22 octobre, Japon : le mouvement de jeunesse Zengakuren, organise l’« assaut de Tokyo ». Durant trois jours, le Parlement, l’ambassade états-unienne et divers points stratégiques sont assiégés.

27 avril 1969, Bolivie : la mort accidentelle du dictateur Barrientos déstabilise le régime. Début d’un mouvement d’auto-organisation populaire qui prendra un caractère révolutionnaire en 1970.

29 mai, Argentine : grève insurrectionnelle dans la ville industrielle de Cordoba ; 10 000 grévistes chassent la police et occupent la ville. Le Cordobazo est le point de départ d’un intense cycle de lutte de classe dans tout le pays.

28 juin, États-Unis : à New York, les émeutes de Stonewall, suite à une descente de police dans un bar homosexuel, marquent le point de départ du mouvement gay.

11 septembre, Italie : grève de la métallurgie donnant le coup d’envoi de « l’automne chaud », pendant lequel les grèves se succèdent, débordant les centrales syndicales, jusqu’en novembre.

Empire portugais : depuis le début des années 1960, les guérillas harcèlent l’occupant au Mozambique, en Angola, en Guinée-Bissau et au Cap-Vert, dans le dernier empire colonial en Afrique. En 1968 et 1969, les combats n’ont cessé de croître en intensité. L’ultime empire colonial en Afrique disparaîtra en 1974.

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