Maliactu, 20 avril 2018
Le 29 juillet 2018, les Maliennes et les Maliens sont appelés à voter pour élire un nouveau Président de la République. Déjà, des groupes politiques, groupes de soutien et ceux de la société civile s’activent, qui pour réélire le Président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta (mieux connu sous ses initiales, IBK), qui pour réussir l’alternance démocratique. Cependant, des indices graves montrent que des personnes se préparent au tout pour le tout, au risque de faire courir de grands risques à notre pays en le mettant en péril. Pendant le même temps, de potentiels candidats, dont certains sont au-devant de la scène politique malienne depuis mars 1991, conscients des menaces qui pèsent sur le scrutin présidentiel de juillet prochain, se préparent à aller à l’assaut de Koulouba. Comme si tout est normal au Mali. Le scrutin de juillet 2018 est-il opportun au regard de la situation de crise que traverse le Mali ? Si scrutin il y a, le gagnant ne risque-t-il pas d’être aussi perdant que le perdant ? Notre pays pourra-t-il se relever des conséquences catastrophiques d’un scrutin périlleux à tous points de vue ?
Osons en convenir : le scrutin présidentiel, dans les circonstances actuelles, ne peut être convenablement organisé sur l’ensemble du territoire national en toute transparence, dans l’équité, la sécurité et de façon juste et apaisée. Des voix plus autorisées comme celles de Mamadou Ismaïla Konaté, ancien Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Tiébilé Dramé, ancien ministre et Président du Parti Africain pour la Renaissance Nationale, PARENA, Choguel Kokala Maïga, ancien ministre et Président du Mouvement patriotique pour le Renouveau, MPR, L’Honorable Oumar Mariko, Député à l’Assemblée Nationale et Président de Solidarité africaine pour la Démocratie et l’Indépendance, SADI, et Seydou Badian Noumboïna, ancien ministre de la première République l’ont dit et répété.
La première menace sur le scrutin présidentiel de juillet prochain est la situation sécuritaire catastrophique et au Nord et au Centre du Mali. A trois mois et demi du premier tour de l’élection présidentiel, l’État est quasiment absent de plusieurs localités de la Région de Mopti. Des Communes entières ont été abandonnées aux terroristes qui y appliquent leurs lois au désespoir de populations désemparées qui se soumettent à la loi du plus fort. Malgré les déclarations optimistes du Premier ministre, lors de son périple dans la région, on ne voit pas comment l’État pourrait reprendre pied sur des territoires totalement hors de contrôle. Quels commis de l’État risquerait sa vie en allant s’installer dans des coins où les forces de sécurité sont absentes ? Comment le matériel de vote pourra-t-il être acheminé et sécurisé et le vote encadré on ne sait par qui ? Les populations traumatisées et qui ont totalement perdu confiance en l’État malien risqueraient-elles leurs vies en allant voter sans être sûres que leurs conditions d’existences en seraient changées ?
Certes le voyage de Soumeylou Boubèye Maïga a montré, sur la foi des images télé, combien étaient grandes les attentes des populations de la Région de Mopti. Certes les nouvelles font état de la progression des Forces de sécurité maliennes et leur montée en puissance. Mais rien n’indique que ce renouveau sera traduit suffisamment en actes pour sécuriser tout le Delta central du Niger infesté de groupes terroristes qui feront tout pour mettre en échec le scrutin présidentiel. Concrètement et en toute objectivité, il est très difficile de croire que l’élection présidentielle se déroulera de façon satisfaisante à Mopti pour être validée.
La seconde menace vient du Nord du pays où l’autorité malienne est absente depuis 2012. Malgré la tournée du premier responsable de la Coordination des Mouvements de l’Azawad dont il a été dit qu’elle visait à sensibiliser les populations sur la nécessité de participer aux élections, le regroupement des anciens rebelles a posé des conditions difficiles à remplir par le Gouvernement en si peu de temps. En effet, la CMA soutient qu’il n’y aurait pas d’élection sans la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger. Il est vrai que la mise en place du MOC dans les régions qui ne l’ont pas est prévue pour la fin avril 2018. Mais il y a beaucoup d’autres points dont la satisfaction avant le scrutin présidentiel est plus qu’incertaine. Même si le Gouvernement arrivait à exécuter les points inscrits sur la dernière Feuille de route produite par la Comité de suivi, il existerait une grande zone d’incertitudes pour un scrutin présidentiel crédible et la menace permanente des terroristes qui viennent de montrer avec l’attaque de Tombouctou du samedi dernier qu’ils sont loin d’être défaits.
La troisième menace, non moins grave, vient de Bamako. Si le Gouvernement travaille pour une élection présidentielle apaisée et crédible qui reconduirait le mandat du Président IBK dès le premier tour, l’Opposition politique est, elle, convaincue que sans tricherie, le locataire de Koulouba ne peut être réélu. Plus graves sont les intentions d’activistes extrémistes qui sont prêts à mettre le Mali à feu et sang en cas de réélection d’IBK, même suite à un scrutin crédible. En effet, beaucoup de nos concitoyens sont convaincus, à tort ou à raison, que le Président de la République est la source de tous les maux qui ravagent le Mali et que seul son départ pourrait faire renaître l’espoir. Or IBK est plus que jamais déterminé à se succéder. Déjà le Congrès du Rassemblement pour le Mali, RPM, qui devra officialiser sa candidature est fixé aux 28 et 29 avril 2018, à Bamako.
Ainsi toutes les conditions sont réunies pour que l’après scrutin 2018 conduise à des troubles dont il est difficile à l’heure actuel d’imaginer les conséquences. Si l’on se réfère à l’immense foule qui est descendue dans les rues de la capitale et de certaines villes de l’intérieur pour dire non à la révision constitutionnelle, on peut imaginer que des jours sombres attendent les Maliens si au soir du 29 juillet prochain IBK était déclaré vainqueur. C’est pourquoi il ne faut pas attendre cette date en pratiquant la politique de l’autruche. Tous ceux qui aiment véritablement notre Maliba doivent impérativement se lever et sonner le tocsin en vue du rassemblement salvateur.
En effet, la situation actuelle du Mali requiert l’implication de tous les enfants du pays. Il appartient à toutes les forces socio-politiques du Mali d’oser prendre leurs responsabilités et convaincre nos partenaires internationaux de l’impossibilité d’organiser un scrutin présidentiel apaisé. Ce qu’il faut pour Maliba, notre Maliba, c’est une gestion concertée du pays en lieu et place de l’élection présidentielle. Seul un Gouvernement d’union nationale est à même de relever les grands défis qui se posent actuellement à notre pays. Il nous faut un Gouvernement inclusif composé de la Majorité présidentielle, de l’Opposition politique, des groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la société civile, un gouvernement où le Premier ministre serait en mission avec les pleins pouvoirs. Ce Gouvernement pourra alors organiser une véritable Conférence nationale où tous les représentants de toute la société malienne viendront jeter les bases d’une renaissance nationale.