Mario Gil Guzman
Première femme présidente dans l’histoire du Mexique, la candidate de la gauche au pouvoir, Claudia Sheinbaum, succêde à Andres Manuel Lopez Obrador, l’actuel président, selon les résultats par l’Institut national électoral (INE) à l’issue du scrutin d’hier. Ex-mairesse de Mexico, elle a obtenu environ 60% des voix, loin devant sa rivale de l’opposition, l’ex-sénatrice de centre-droit Xochitl Galvez. Celle-ci est créditée d’un peu moins de 30 % des voix pour cette élection à un tour à laquelle 100 millions de personnes étaient appelées aux urnes. Nous présentons un article de Mario GilGuzman rédigé avant les élections et revient sur le bilan d’AMLO et sur les perspectives proporées par les deux principales candidates.
Il s’agit d’un scrutin historique puisque, pour la première fois, il est sortira une présidente. En effet, les deux principales candidatures sont deux femmes. Il y a Claudia Sheinbaum, ex-mairesse de Mexico, successeure du président actuel, Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO), et candidate du Mouvement pour la rénovation du Mexique (MORENA). Et Xochitl Galvez, ingénieure, candidate du Parti de l’action nationale de l’ancien président Vincente Fox, auquel se sont ralliés le Parti de la révolution institutionnelle (PRI) et le Parti de la révolution démocratique (PRD).
Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) a été élu en 2018 avec 53 % des voix, démontrant ainsi un fort soutien populaire, un résultat rarement obtenu. Sa popularité lui a également permis de faire élire 202 député.es de MORENA et 60 sénateur. trices au parlement. Actuellement, 22 des 33 États sont gouvernés par MORENA.
Au cours de son mandat, AMLO a poursuivi ce qu’il appelle une «Quatrième transformation» (4T) du pays. Les trois autres sont des périodes historiques clés : le mouvement pour l’Indépendance (1810 à 1821), la Réforme aboutissant à la séparation de l’Église et de l’État (1858 à 1861); la Révolution qui a promulgué la constitution actuelle du Mexique (1910 et 1917).
Slogan de campagne électorale, la 4T était remplie de promesses de transformations profondes dans la vie de la population, avec des investissements sociaux et la promotion d’une économie forte et productive. Il s’est toutefois occupé essentiellement d’améliorer la vie quotidienne des gens tout en veillant à l’équilibre politique à partir de principes.
Le bilan d’AMLO centré sur la vie quotidienne
Après six ans au pouvoir, AMLO détient entre 58 % et 65 % d’approbation selon les sondages. Face à toutes les adversités, il a réalisé des alliances tactiques avec un certain pragmatisme, sans renier ses convictions, malgré les critiques et les déceptions qu’il a pu générer dans ses allié.es.
Il a augmenté le salaire minimum de 22 %, en proposant que l’augmentation ne soit pas inférieure au taux d’inflation. Il a mené une réforme des lois du travail qui a permis une plus grande liberté syndicale.
Il a réaffirmé le droit à une retraite et a augmenté la prestation chaque année. Il a amélioré les protections en santé et en soins médicaux pour l’ensemble des Mexicain.nes. Il a octroyé des bourses aux étudiant.es issu.es de familles pauvres.
Il a fait une lutte pour adopter l’élection au suffrage direct des autorités judiciaires. Il a mené une politique de lutte contre la corruption, éliminé des privilèges fiscaux et supprimé des dépenses publiques onéreuses.
Il a reconnu les peuples indigènes comme sujets de droit public. Il a interdit l’extraction d’hydrocarbures par fracturation sur le territoire national.(gaz de shiste).
Il a exercé une politique étrangère souveraine, tournée vers le Sud : en faveur de Pedro Castillo au Pérou, le soutien d’Evo Morales en Bolivie, sa relation avec Cuba, la défense de la non-ingérence au Venezuela, l’appui à Petro en Colombie. Il a maintenu des relations inévitables avec son voisin du Nord.
Le gouvernement des 4 T a connu une augmentation significative du nombre de femmes dans sa composition. Le gouvernement d’AMLO présente une parité absolue, avec dix femmes et dix hommes, contre trois femmes et dix-huit hommes dans le gouvernement précédent. Par ailleurs, Morena est la formation politique qui compte le plus de femmes députées à la Chambre (avec 21 % d’entre elles).
Il a mené une politique de communication directe, définissant un «agenda» quotidien (par le biais des «Mañaneras», des points de presse matinaux). Il a également dû confronter les pouvoirs en place : les médias, les multinationales présentes dans les secteurs stratégiques, la vieille classe politique néolibérale, la monarchie espagnole, le département d’État américain (d’abord avec Trump puis avec Biden, avec des politiques différentes en matière d’immigration et de lutte contre le trafic de drogue), qui ont tentait d’imposer des politiques internes au Mexique, auxquelles AMLO a résisté sans générer de conflits!
Le sort du scrutin en juin prochain
Les sondages sur les résultats des élections de juin prochain donnent la présidence à Claudia Sheinbaum de MORENA, avec une avance de 25 % de plus que Xochitl Galvez du Front large pour le Mexique, regroupant les oppositions du centre droit (PRD) et de la droite (PAN et PRI).
La candidate de MORENA a été élue par des sondages du parti et de quatre autres entreprises de sondage qui ont réalisé 12 000 enquêtes pour déterminer la personne candidate qui poursuivra le legs d’AMLO et le mouvement de gauche. La désignation des candidatures des autres formations politiques se fait selon les intérêts des instances dirigeantes qui décident qui va les représenter.
L’opposition se présente sous une coalition Frente Amplio por Mexico (Front large pour le Mexique), composée du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), du Parti révolutionnaire démocratique (PRD) et du Parti d’action nationale (PAN). Cette alliance réunit tous les vieux partis et a choisi de contourner son propre processus de sélection pour finalement désigner la sénatrice du PAN Xóchitl Gálvez comme sa candidate, par le biais d’un accord entre les partis. Au cours de ce processus, les partis ont forcé le retrait des autres candidatures, malgré de fortes oppositions à être évincés par la direction de leur parti.
Claudia Sheinbaum, diplômée en physique de l’UNAM, a déclaré à plusieurs reprises qu’elle défendrait la continuité des 4 T, mais avec son propre cachet : féministe et scientifique écologique. Elle soutient qu’elle voudra garantir les droits pour construire une société de bien-être et une politique de soins.
Bertha Xóchitl Gálvez Ruiz est ingénieure informatique aussi de l’UNAM et est une femme d’affaires. D’origine modeste, elle a fondé High Tech Services, une entreprise qui conçoit des bâtiments intelligents. Elle a aussi créé la Fondation Porvenir, qui soutient les enfants souffrant de malnutrition dans les régions indigènes du Mexique. Gálvez a voté avec le PAN (de Droit) dans toutes les occasions importantes sans se distinguer par sa propre empreinte ou son opinion dans aucune délibération notable.
Les enjeux des élections concernent la protection des avancées sociales qu’AMLO a mise en place, notamment dans la lutte contre la pauvreté, alors que plus de cinq millions de personnes en sont sorties au cours des sixdernières années. Cet enjeu constitue un défi pour la nouvelle présidente qui sera élue en juin. Claudia Sheinbaum veut aussi y inclure l’environnement, l’économie féministe axée sur les soins et la justice sociale. Il s’agit d’un moment déterminant pour la consolidation de la gauche qui indiquera aux autres pays des Amériques que l’espoir à gauche est bien vivant et en évolution.