Collectif – publié dans Médiapart, 8 juillet
Les images de la mort de Nahel, jeune franco-algérien de 17 ans, tué d’une balle dans le cœur par un policier, le 27 juin dernier, ont fait le tour du monde. Le 6 juillet, un autre homme, Mohamed B., est tué par le tir d’un lanceur de balles de défense (LBD) à Marseille. Ces deux noms viennent allonger la trop longue liste des victimes de violences policières en France ces dernières années : Alhoussein, Rayana, Adama, Good, Mozomba, Zineb, Aziz, Adam, Jean-Paul, Fadjigi, Amine, Nathalie, Zyed, et tant d’autres . Le constat est sans appel : en France, des Arabes et des Noirs meurent entre les mains des policiers.
La nouveauté, c’est qu’on peut désormais être récompensé pour cela. La cagnotte en ligne Gofundme créée par Jean Messiha, figure de l’extrême droite, au profit du policier qui a tiré sur Nahel, constitue en cela un terrible précédent : il s’agit ni plus ni moins de l’apologie d’un meurtre raciste. L’existence même de cette cagnotte, et la somme de 1,6 millions d’euros qu’elle a atteinte en un temps record, est une victoire symbolique pour l’extrême droite, qui matérialise son idéologie à travers une mobilisation financière inédite. Cela devrait interpeller et mobiliser tous les citoyens attachés à l’Etat de droit. Dans cette atmosphère délétère, nous sommes des millions en deuil, en colère, inquiets de l’absence de réaction politique de la part du gouvernement face à ce terrifiant signal anti-démocratique. Mobilisons-nous massivement en appelant les décideurs à interdire le transfert de fonds de cette cagnotte.
Plus largement, nous souhaitons attirer l’attention sur la gestion gouvernementale de cette crise.
Interdire de manifester, menacer de couper les réseaux sociaux, prononcer des peines de prison ferme pour un vol de canette. Blâmer les jeux vidéo, internet, les parents, en éludant le caractère politique, structurel, de la mort de Nahel et de la colère qu’elle a suscitée. Tout cela n’est pas digne des enjeux auxquels nous faisons face. Nous exigeons du gouvernement qu’il cesse de criminaliser la colère populaire et de réprimer les revendications légitimes de la société civile. La situation actuelle appelle une prise de responsabilité de la part du gouvernement et nécessite des réponses immédiates. Car le problème du racisme dans notre pays est bien plus large et cette crise n’en est qu’un symptôme.
La France doit sortir du déni et entendre les avertissements du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, d’Amnesty International et de Human Rights Watch ou encore Le Conseil de l’Europe.
Aussi, et en écho à ces constats :
- Nous exigeons du gouvernement qu’il reconnaisse le caractère structurel du racisme dans la police.
- Nous exigeons l’abrogation de l’article 435-1 qui donne un permis de tuer à la Police.
- Nous exigeons la création d’un organisme indépendant pour remplacer l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) (ces points ayant déjà été énoncés par Amal Bentounsi et dans l’appel des collectifs, associations, syndicats et organisations politiques “Notre pays est en deuil et en colère”).
- Nous exigeons que cesse immédiatement le recours systématique aux détentions provisoires et aux comparutions immédiates dont nous avons pu voir ces derniers jours qu’elles aboutissent presque systématiquement à des peines de prison ferme. Chaque personne arrêtée et interpellée doit avoir droit à un procès équitable et bénéficier du soutien de la société civile. La répression judiciaire auxquels ces derniers sont sujets est indigne d’un État de droit, et ne fait que rompre davantage le lien de confiance entre institutions et citoyen•nes.
- Enfin, nous exigeons l’autorisation de la manifestation prévue le 15 juillet.
- Manifester est un de nos droits fondamentaux et la colère populaire ne saurait être systématiquement étouffée.
En tant que citoyennes et citoyens, militantes et militants, actrices et acteurs de la société civile, il est urgent d’envoyer un message fort d’union et de détermination pour défendre les valeurs démocratiques et le respect des droits fondamentaux pour toutes et tous. Justice pour toutes les victimes de violences policières !
Tribune co-rédigée par l’équipe mobilisée contre la Cagnotte de la honte.