RDC: le sort des femmes et des enfants exploité.es dans les mines

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Yousra Charifa Dandjouma, stagiaire d’Alternatives pour une ONG de la République démocratique du Congo

Notre soif de technologie, même censée aider à démarrer une transition énergétique de plus en plus décriée, se fait au détriment de nombreuses populations du Sud global, en premier lieu celles de la République démocratique du Congo (RDC), qui détient des ressources naturelles convoitées par la planète entière. Cet extractivisme au service de la croissance économique et d’une planète toujours plus connectée et technocentrée est synonyme d’une violente exploitation de travailleurs et travailleuses en RDC, incluant des enfants.

La RDC est l’un des pays les plus riches en ressources naturelles au monde, abritant des gisements importants de minéraux. Par exemple, la RDC produit «60 % du cobalt dans le monde (qui a été qualifié de “diamant de sang”), et elle extrait plus d’un million de tonnes de cuivre chaque année». Néanmoins, cette richesse n’a pas été synonyme de prospérité pour la population congolaise․es, et en particulier pour les femmes qui travaillent dans les mines artisanales. L’exploitation, les conditions de travail dangereuses et une vulnérabilité extrême les maintiennent souvent dans une situation difficile.

Dans un article publié en septembre 2023, Amnesty International «reconnaît l’importance cruciale des batteries rechargeables dans la transition énergétique pour mettre fin à la dépendance aux énergies fossiles. Et, dans la section Transition énergétique de son site internet, elle insiste sur le fait que «la justice climatique exige une transition juste. Décarboner l’économie mondiale ne doit pas engendrer de nouvelles violations des droits humains».

Dans le rapport de septembre 2023, on peut aussi lire que «La population de la RDC a subi une exploitation considérable et de graves atteintes aux droits humains pendant la période coloniale et postcoloniale et ses droits continuent d’être sacrifiés alors que les richesses qui l’entourent lui sont confisquées».

Conditions de travail pénible et inhumain

En mars 2018, la RDC a modifié la loi minière de 2002 afin de garantir une répartition équitable des revenus miniers, d’accroitre la contribution du secteur minier à l’économie nationale et de lutter contre la pauvreté dans les régions minières. Dans ces sites miniers de la République démocratique du Congo, les droits civils et sociaux sont absents. Cependant, comme le rapportait Sophie Langlois pour Radio-Canada en 2019, environ 40 à 50 % de la main-d’œuvre sont des femmes (parfois enceintes) et «40 000, ce sont des enfants, qui travaillent dans les mines artisanales de la RDC dans des conditions extrêmement difficiles».

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a récemment exprimé sa profonde préoccupation face à l’exploitation de plus de « 300 000 enfants dans les mines artisanales des provinces du Lualaba et du Haut-Katanga en République démocratique du Congo ». L’annonce a été faite lors de la 19e Semaine minière de la RDC qui s’est déroulée à Lubumbashi.

Ces travailleuses et travailleurs sont majoritairement employé.es dans le secteur «informel», sans contrat ni protection sociale et travaillent souvent durant de très longues heures, souvent sous un soleil de plomb ou dans des galeries souterraines étouffantes. Leurs tâches incluent le tri des minerais, le transport de lourdes charges, et parfois même l’extraction directe. Ces travaux pénibles, qui mettent leur santé en péril, sont pourtant rémunérés à un taux dérisoire, ne dépassant pas 1 à 2 dollars (É.-U.) par jour.

En plus des risques physiques, ces personnes doivent faire face à des dangers environnementaux. En effet, l’absence d’équipements de protection adéquats les expose à des niveaux élevés de poussières toxiques et de produits chimiques dangereux. Les accidents sont fréquents, et l’accès aux soins médicaux est limité, aggravant encore leur situation.

En 2014, la banque mondiale et la Harvard Humanitarian Initiave ont mené une étude pour permettre aux femmes de s’exprimer sur les opportunités et les difficultés liées au travail dans les mines artisanales. Cette étude révèle que «17 % des femmes et 20 % des hommes pensent que les femmes ont le droit de travailler dans les mines» et «une femme sur sept» déclare avoir été contrainte de «donner des faveurs sexuelles», tandis que «30 % des femmes affirment avoir été victimes de harcèlement» dans les mines. De plus «1 femme sur 14» mentionne avoir abordé le sujet du harcèlement et des discriminations avec d’autres. Enfin, 30 % des répondantes dans l’étude estiment que les «associations féminines» pourraient aider à résoudre ces problèmes.

Exploitation économique et abus

Les femmes sont également victimes d’exploitation économique. Elles sont souvent payées bien en dessous du salaire minimum légal, quand elles ne sont pas payées du tout. Dans de nombreux cas, elles sont rémunérées en fonction de la quantité de minerai qu’elles parviennent à extraire ou à trier, une tâche rendue encore plus ardue par la concurrence féroce et la pression des intermédiaires et des négociants.

En outre, les abus sexuels et les violences de genre sont monnaie courante. Les femmes sont fréquemment soumises à des harcèlements et à des violences sexuelles de la part de leurs collègues masculins et même des superviseurs. Les structures de pouvoir au sein des sites miniers étant souvent dominées par les hommes, les femmes ont peu de recours pour se protéger ou dénoncer ces abus.

Selon l’Institut d’études de sécurité, environ 40 000 enfants s’épuisent dans les mines congolaises. Ils sont privés d’éducation et exposés à des dangers pour extraire du coltan, un minerai précieux utilisé dans nos appareils électroniques, surtout dans nos téléphones intelligents et nos tablettes. Issus de villages reculés du Kivu, ces enfants n’ont d’autres choix que de contribuer à la survie de leur famille dès leur plus jeune âge.

Loin des regards, l’exploitation minière clandestine fait des enfants des proies faciles, les soumettant à des conditions de travail déplorables. Privés de leur enfance, ces jeunes sont exposés à de nombreux dangers, tels que les effondrements, les intoxications et les maladies professionnelles. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les enfants employés dans les mines artisanales sont souvent issus des communautés les plus pauvres et les plus marginalisées.

Initiatives et solutions

Malgré ces défis, plusieurs initiatives visent à améliorer la situation des femmes dans les mines de la RDC. Des organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales travaillent afin de sensibiliser les communautés et promouvoir les droits des femmes. Elles offrent des formations sur les droits du travail, l’autonomisation économique, et la santé reproductive.

La Banque mondiale et le gouvernement de la RDC soutiennent des initiatives visant à réduire le fossé entre les sexes dans le secteur minier. Le projet Promines, par exemple, vise à renforcer la gestion du secteur minier, à améliorer les conditions d’investissement et à augmenter les retombées socioéconomiques des mines «artisanales».

En novembre 2020, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), en collaboration avec la Global Battery Alliance (GBA), s’est fixé pour objectif de «mobiliser 21 millions de dollars américains auprès des partenaires publics et privés sur les trois prochaines années. Ces fonds financeront une série d’initiatives visant à s’attaquer aux causes profondes du travail des enfants dans les communautés minières en République Démocratique du Congo (RDC)». Le gouvernement congolais, sous la pression internationale, commence également à prendre des mesures pour réguler le secteur minier artisanal. Des efforts sont faits pour formaliser les activités minières et «intégrer les femmes dans des coopératives» qui peuvent leur offrir une meilleure protection et des conditions de travail plus équitables.

Le sort des femmes et des enfants travaillant dans les mines en RDC reste un sujet de préoccupation majeure. Bien que des efforts soient faits pour améliorer leur situation, il reste encore beaucoup à faire pour garantir des conditions de travail sûres, équitables et respectueuses de leurs droits. La communauté internationale, les gouvernements, et les entreprises doivent collaborer pour mettre fin à l’exploitation et aux abus, afin que les richesses naturelles de la RDC bénéficient enfin à tous ses habitants, y compris les femmes qui travaillent dur pour les extraire.