Repenser la défense des droits humains : l’approche en trois volets, un modèle inspirant pour la justice sociale.

Dans un monde où les inégalités et l’exploitation se creusent, la protection des droits humains devient plus que jamais une priorité. Or, les méthodes traditionnelles de défense des droits de la personne présentent plusieurs limites — faible portée des décisions judiciaires, manque d’accessibilité, lenteur des procédures — qui contribuent à leur efficacité souvent réduite. Ces faiblesses soulignent l’importance d’adopter des approches complémentaires afin d’œuvrer plus efficacement pour la justice sociale.

Le 14 mars dernier, Stephen Rosenbaum, professeur de droit à l’Université de Berkeley en Californie, intervenait lors d’une conférence organisée par la Clinique internationale de défense des droits humains de l’UQÀM. Le juriste y présentait une approche innovante en trois volets pour combattre les injustices sociales et défendre efficacement les droits humains. Celle-ci est basée sur la plaidoirie devant les tribunaux nationaux, régionaux et internationaux, mais également sur le travail avec les personnes législatrices ainsi que la sensibilisation et la mobilisation dans les communautés.

Rosenbaum illustre les succès de cette méthode en mettant en lumière l’organisation California Rural Legal Assistance (CRLA), un organisme à but non lucratif qui offre des services juridiques et de défense des intérêts politiques aux communautés à faible revenu de Californie.

Depuis sa création en 1966, la CRLA a aidé des dizaines de milliers de Californien.nes ruraux à faible revenu en fournissant gratuitement des services juridiques ainsi que des programmes d’éducation et de sensibilisation communautaire. Au fil du temps, la CRLA a contribué à l’avancée des droits de la main-d’œuvre agricole, des personnes handicapées, des personnes immigrantes, de la population LGBTQ+, des personnes âgées et des personnes ayant une maîtrise limitée de l’anglais.

La CRLA se distingue des associations de parajuristes classiques en plaçant les intervenant.es communautaires au cœur de son action. En effet, ces community workers agissent comme agents de changement profond et servent de « ponts » entre la clientèle issue des communautés défavorisées et leurs avocat.es. À ce sujet, Rosenbaum met en avant la nécessité de dépasser la simple rhétorique de l’inclusion afin de garantir que ce sont réellement les membres de la communauté concernée qui prennent les rênes de leur propre cause.

L’inclusion effective des communautés touchées repose sur l’engagement communautaire, l’autonomisation de la clientèle et la mise en place de comités consultatifs. Ces éléments rendent véritablement efficace l’approche en trois volets, comme le prouvent les résultats obtenus au fil du temps par la CRLA.

De plus, interrogé sur les risques de fragmentation juridictionnelle et d’éparpillement, voire d’incohérence entre les diverses initiatives mises en œuvre dans le cadre de cette approche, Rosenbaum persiste et signe : le respect des droits humains ne peut pas attendre, il est essentiel d’agir sur tous les fronts. Cela illustre avec justesse la vision « sans-compromis » de l’approche en trois volets. Dans cette optique, cette approche qui mise sur l’impact collectif devrait être considérée comme un modèle pour les organisations de défense des droits de la personne à travers le monde.

Par ailleurs, l’approche en trois volets s’insère dans un cadre plus vaste de remise en question de certains procédés inhérents à l’ordre juridique actuel. À cet égard, le samedi 18 mars prochain s’ouvre la 12e édition du colloque annuel de l’Association des juristes progressistes (AJP) sur le thème de la néolibéralisation de la justice. Ce colloque, qui se tiendra à la Casa d’Italia à Montréal, abordera les diverses façons dont le droit et le système de justice sont modulés en réaction à la néolibéralisation de la société. Ainsi, il s’agit d’une opportunité idéale pour développer sur les critiques concernant les transformations juridiques provoquées par la néolibéralisation, tout en explorant de nouvelles alternatives dans une perspective progressiste.