Rimouski en transition : renverser la pyramide du pouvoir !

Vue de la salle du 17 octobre dernier aux Bains publics, cabaret culturel, à Rimouski -crédit photo - Anthony Francois Photographe https://www.anthonyfrancois.com/contact

Lilli Berton Fouchet, correspondante et stagiaire

Comment transformer le capitalisme pour développer un monde plus viable et comment le réaliser localement ? C’est dans une salle bien remplie qu’une cinquantaine de personnes ont réfléchi mardi 17 octobre à Rimouski autour de « La fin du capitalisme ».

Philippe Dufort et Claude Vaillancourt, lors de la conférence « La fin du capitalisme, le 17 octobre dernier à Rimouski -crédit photo – Anthony François Photographe https://www.anthonyfrancois.com/contact

Comprendre le monde est une suite de conférences organisées par deux citoyennes et un enseignant engagé.es. Elle vise à partager avec la population de Rimouski la réflexion pour mieux comprendre les problèmes géopolitiques qui animent notre monde. C’est en réponse à l’émotion suscitée par la guerre en Ukraine et à une volonté « d’agir localement » que ces rencontres sont nées.

Les conférenciers de la soirée : Philippe Dufort et Claude Vaillancourt.

Un problème global ?

Philippe Dufort nous dresse d’abord un portrait de l’état des choses et explique comment on en arrive à un monde qui crée un écart si important de richesses et d’inégalités entre les classes.

Le 21e siècle s’illustre comme le siècle de l’accumulation et du surplus. La surconsommation a fini par épuiser les ressources disponibles et entraîner une crise écologique. La croissance économique que nous avons poursuivie a amené la crise écologique planétaire d’aujourd’hui et s’est transformée en catastrophe planétaire !

Selon le panéliste, le capitalisme a la capacité de se régénérer et il est difficile de transformer ce système bien établi. On enseigne depuis longtemps à l’humanité que le monde se base sur l’offre et la demande. Ainsi, notre époque est qualifiée par certains scientifiques d’Anthropocène — une époque géologique où les êtres humains deviennent la principale force des changements sur Terre1. Pour Philippe Dufort, on pourrait renommer l’époque actuelle le Capitalocène — tant le capital est considéré comme l’aspect central de la vie et que son accroissement devenu un critère de réussite. Les individus sont soumis aux lois mercantiles, on assiste « à une croissance suicidaire et 2023 bat tous les records ».

Claude Vaillancourt nous fait remarquer qu’il n’y a pas de réglementation pour les grandes entreprises, les industries numériques championnes du lobbying et adeptes de la pensée néolibérale qui marque les idéologies dominantes. De la sorte, ce sont les grandes corporations qui dominent le monde et ce sont les GAFAM qui nous contrôlent. (On comprend mieux la montée de l’extrême droite depuis quelques années par l’affirmation de ces idéologies).

Vers une déconstruction du capitalisme

Pour Claude Vaillancourt, la société se divise en deux parties fragmentées qui séparent ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l’ont pas. Il y a un déséquilibre global fait d’iniquités de richesses, d’accès, d’éducation, des conséquences sur la santé des individus. La catastrophe du réchauffement climatique, c’est une augmentation des températures et de la pollution de l’air, de la fonte des glaces, une dégradation des conditions environnementales et de la biodiversité. C’est une « externalité négative

» du capitalisme sur laquelle on a seulement fermé les yeux.

C’est pour une redistribution du pouvoir décisionnel que les solutions alternatives se tournent vers des innovations plus collectives et parfois à plus petite échelle. La discussion questionne sur comment replacer les frontières pour arrêter la vague d’inégalités et comment populariser l’économie à petite échelle pour une démocratisation du pouvoir.

Philippe Dufort quant à lui fait ressortir le concept d’interstice, un espace d’exercice du pouvoir collectif qui correspond à une coopérative d’entraide ou à des lieux sociaux pour répondre aux besoins et apporter des transformations dans la vie quotidienne de manière localisée. En effet, il remarque qu’il y a toujours des rapports de forces sur un territoire. La question se pose de comment les diminuer ?

L’enjeu est de remonter les obstacles grâce à ces interstices qu’on utiliserait comme des outils pour renverser cette tendance et améliorer le système établi en faveur des communautés. Il s’agit de repenser le monde vers une transition socioécologique. Mais comment ?

La nouvelle éducation populaire

Le « post-néolibéralisme » c’est le terme qu’utilise Claude Vaillancourt pour situer l’étape d’après. Il s’agit du changement de main du pouvoir, plus juste, basé sur la (ré) innovation des territoires en « organisant notre milieu autour de nous », en optimisant les endroits déjà exploités, etc. C’est aussi se questionner sur les compromis à entreprendre, apprendre à faire avec les ressources dont on a disposition, en intégrant les enjeux environnementaux en ce qui concerne les réserves et les éventuelles conséquences individuelles et sociales, au sein des réflexions. Il est important de faire sauter les rapports de forces et éviter les externalités négatives qui ont des effets sur l’environnement et les individus.

Il est essentiel de prendre en compte les problèmes de dissonances cognitives qui amènent les individus à ne plus rien comprendre. Aujourd’hui, même les médias sont soumis aux règles du capitalisme mondialisé et on est assommé par l’information en permanence. La sensibilisation prend davantage d’importance et de sens pour que les gens prennent conscience qu’ils ont la possibilité d’agir. Il s’agit d’un exercice renouvelé d’éducation populaire.

En fait, le statu quo est bouleversé, car le système en place n’est plus viable et durable pour l’avenir. La population le constate, prend conscience et se remet en question pour mieux considérer les risques et contribuer à changer les mentalités. Avec ces conférences qui favorisent le débat communautaire et public, la population rimouskoise acquiert les outils nécessaires pour contribuer aux transformations dans la ville.

Finalement, le dénouement de cette conférence « La fin du capitalisme », c’est dire Stop au libre cours du marché et à un regard trop centré du marché, qui ne font qu’empirer la condition environnementale. Et oui à une reprise en main en commençant à penser les enjeux locaux immédiats. D’ailleurs, la discussion s’est poursuivie de manière plus informelle sous forme de 5 à 7, le mardi suivant. Les participant.es sont déjà en train d’adhérer à dire Stop au libre cours du marché en formant eux-mêmes un interstice.

Activité en partenariat avec COGECO, Nous TV Rimouski et soutenu par le groupe CIBLES — pour la défense des droits humains et une économie sociale et citoyenne.
Mardi 17 octobre, aux Bains publics, Cabaret culturel, coop de solidarité à Rimouski
Panélistes :

  • Philippe Dufort, professeur à l’Université Saint-Paul et fondateur de l’École d’innovation sociale Élisabeth-Bruyère, il se spécialise sur l’étude du capitalisme avancée et à outiller des praticien.nes aux défis de la transition socioécologique.
  • Claude Vaillancourt, militant altermondialiste et écrivain, est président d’ATTAC-Québec. Il s’est intéressé plus spécifiquement au libre-échange et a écrit des livres sur ce sujet. L’auteur montre comment se met en place une nouvelle phase du capitalisme et réfléchit sur ce que cela implique dans le combat pour la justice sociale.

 

  1. À noter que le terme est encore débattu au sein de la communauté scientifique, la commission internationale de stratigraphie (ICS) et l’Union internationale des sciences géologiques (UISG) n’ont toujours pas statué pour officialisé pour valider cette nouvelle époque géologique []