Élections aux États Unis: les réseaux sociaux et la radicalisation politique

Kamala Harris, Joe Biden, Michael Bloomberg, et Président Donald Trump - crédit photo Reserve Photo By: Master Sgt. Gregory Williams - domaine public 2024

Rana Bouazer, correspondante

La polarisation politique occupe une place de plus en plus centrale dans le paysage médiatique américain, exacerbée par les élections présidentielles. Les médias, loin d’être de simples observateurs, sont devenus des acteurs influents dans ce climat de division. Leur traitement des sujets, souvent orienté vers des visions partisanes, a contribué à radicaliser les discours publics et à approfondir les fractures politiques.

Des propos choquants, tels que « attraper les femmes par la cha*** » ou « je pourrais… tirer sur quelqu’un·e, et je ne perdrais aucun·e électeur·rice », se multiplient lors des rassemblements. Pour l’élection présidentielle américaine de 2024, un pic d’animosité a eu lieu le dimanche 22 octobre 2023.

Lors du rassemblement de campagne en soutien à Donald Trump au Madison Square Garden, Tony Hinchcliffe a même déclaré : « Porto Rico, cette île flottante d’ordures ». À présent, la polarisation politique ne se limite plus aux discours des candidat·es ; elle se propage sur les réseaux sociaux, où chaque phrase choquante, qu’elle soit provocante ou offensante, est amplifiée.

La genèse de la polarisation et la révolution numérique

Dans les années 1960 et 1970, les médias offraient un accès limité et homogène à l’information, favorisant une consommation quasi équitable et partagée au sein des foyers. Avec l’arrivée de la télévision par câble et de centaines de chaînes, les spectateurs.trices moins politisé·es ont pu se tourner vers le divertissement, délaissant l’actualité.

Ce changement a favorisé l’adoption par les élites politiques de positions plus partisanes pour mobiliser les bases électorales les plus désintéressées. Dans ce nouveau régime médiatique, la polarisation est devenue une stratégie pour capter et fidéliser un public homogène. De plus, avec l’essor des réseaux sociaux, les médias se sont infiltrés dans le quotidien de toutes et tous, touchant même celles et ceux qui ne s’intéressaient pas à la politique. Ce phénomène nous expose en permanence à des contenus politiques, amenant de plus en plus de personnes non politisées à adopter des opinions plus marquées.

« Avoir raison » est désormais une victoire dans l’arène publique. La quête d’une validation médiatique alimente des discours de plus en plus polarisés, où l’objectif est de consolider un soutien fidèle et de conquérir l’opinion publique peu importe le discours. Les médias deviennent ainsi de réels catalyseurs de la mobilisation et de l’action politique.

L’émergence des « bulles médiatiques »

Au cœur de cette polarisation politique américaine se trouvent des « bulles idéologiques » ou médiatiques, dans lesquelles chacun·e façonne un récit des événements en accord avec ses convictions personnelles. Ces bulles renforcent les préjugés et, souvent, éloignent des faits, alimentant ainsi des perceptions divergentes de la réalité.

Ce concept, introduit par Eli Pariser, explique comment les algorithmes des réseaux sociaux façonnent des environnements numériques uniformes. Ce phénomène est amplifié par le « biais de confirmation », qui décrit notre propension à privilégier les informations qui renforcent nos croyances tout en négligeant celles qui les contredisent.

Le  graphique ci-contre présente les opinions des électeurs républicains et démocrates sur les partis respectifs au fil du temps, de 1994 à 2022. On observe une augmentation significative du pourcentage de républicains ayant une opinion défavorable (62 %) ou très défavorable (21 %) à l’égard du Parti démocrate. De même, les démocrates affichent une tendance similaire, avec 54 % ayant une opinion défavorable et 17 % très défavorable envers le Parti républicain. Ces chiffres soulignent l’intensification de la polarisation politique aux États-Unis, où les membres de chaque parti sont de plus en plus enclins à avoir des vues négatives sur l’autre.

L’influence des algorithmes et des réseaux sociaux

L’influence des algorithmes s’est manifestée de manière particulièrement flagrante lors de l’élection présidentielle de 2016, marquée par l’émergence de fausses nouvelles et de théories du complot, amplifiées par des communautés polarisées. L’élection de Donald Trump a été un choc pour tout le monde, y compris pour lui.

Ces élections ont illustré comment l’usage des réseaux sociaux par un candidat peut bouleverser les médias traditionnels et accroître son influence, comme l’a démontré Donald Trump avec Twitter. Bien qu’il ait su utiliser ces plateformes pour contourner les circuits classiques de diffusion, son succès oblige à relativiser l’idée d’un « petit candidat » triomphant grâce au numérique. En effet, avec ses ressources et son réseau, il a redéfini les règles de la communication politique, donnant naissance à une nouvelle manière de raconter et de contrôler son récit public.

Que faire pour s’en sortir ?

C’est simple : favoriser la lecture et le visionnement de médias qui présentent des opinions et des inclinaisons différentes des nôtres. Cela permet d’élargir les perspectives et de mieux comprendre les enjeux sous différents angles. On doit éviter les bulles médiatiques ne pas s’exposer exclusivement aux groupes ou réseaux sociaux qui renforcent vos croyances existantes !!

Il est important de diversifier les sources d’information, en consultant une variété de médias traditionnels et informels, tels que des blogs, des podcasts et des chaînes de télévision qui offrent des points de vue divergents, afin d’enrichir votre compréhension des sujets abordés.

Référence :

  • https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/les-effets-des-reseaux-sociaux-dans-les-campagnes-electorales-americaines#ref-note-30
  • https://www.ted.com/talks/eli_pariser_beware_online_filter_bubbles?subtitle=en&lng=fr
  • https://www.technologyreview.com/2018/08/22/140661/this-is-what-filter-bubbles-actually-look-like/
  • https://www.lexpress.fr/monde/video-trump-je-pourrais-tirer-sur-quelqu-un-je-ne-perdrais-pas-d-electeurs_1756740.html
  • https://www.youtube.com/watch?v=o21fXqguD7U
  • https://www.letemps.ch/opinions/revues-de-presse/porto-rico-cette-ile-flottante-d-ordures-qui-pourrait-couter-cher-a-donald-trump
  • https://www.pewresearch.org/politics/2022/08/09/as-partisan-hostility-grows-signs-of-frustration-with-the-two-party-system/