Algérie : la société civile tient bon

Mustapha Benfodil, El Watan, 12 mai 2019

A l’instant rencontre de travail du collectif des dynamiques de la société civile pour la transition démocratique. Cap sur la préparation de la conférence nationale de la société civile pour le changement», postait, hier matin, l’infatigable Saïd Salhi, vice-président de la LADDH sur sa page Facebook.

Depuis plusieurs semaines, le Collectif de la société civile pour une transition pacifique poursuit ses réunions hebdomadaires du samedi en vue de réaliser le consensus le plus large possible autour de cette idée de conférence citoyenne. Hier, le Collectif s’est réuni au siège de l’association SOS Disparus, à Alger, avec encore plus de participants.

C’est ce qu’affirme Hakim Addad, joint par téléphone. L’ancien président de RAJ et l’un des acteurs les plus en vue de ce collectif, où il siège au nom du Comité soutien et vigilance du mouvement 22 du Février (CSVM-22 FEV), nous confie : «A chaque samedi, il y a de nouveaux acteurs et de nouvelles actrices qui nous rejoignent. Aujourd’hui (hier, ndlr), la salle était pleine.

Il y a eu encore plus de monde que d’habitude. Il y a d’autres dynamiques qui sont pour la conférence nationale, mais nous sommes les seuls à avoir une feuille de route. Il y a celle du pouvoir et il y a la nôtre.

Et puis il y a des solutions qui sont proposées par des politiques mais sans feuille de route en tant que telle.» Malgré les attaques répétées contre les partisans de la transition de la part d’AGS et ses organes de propagande, le Collectif de la société civile est plus que jamais déterminé à défendre son initiative.

«On maintient la conférence nationale pour une sortie de crise et une transition démocratique», assure Hakim Addad, avant d’ajouter : «Pour le moment, on n’a pas fixé de date précise. Notre but est de continuer à engranger de nouvelles adhésions, de nouvelles dynamiques, qui pourraient rejoindre le Collectif, des associations notamment de l’intérieur du pays, Est, ouest et sud. On se donne le temps pour qu’il y ait le plus de dynamiques possibles qui rallieraient cette initiative avant d’aller à la conférence.»

Une trentaine d’associations représentées

Des discussions ont également été engagées avec les syndicats autonomes à travers la Confédération des syndicats algériens (CSA) qui compte 13 organisations syndicales. «Nous sommes en dialogue pour le rapprochement des points de vue avec d’autres partenaires comme la Confédération syndicale (CSA, ndlr) ainsi que d’autres collectifs qui eux aussi sont dans l’idée d’aller vers une conférence nationale.

Il y a donc plusieurs dynamiques qui veulent aller vers une conférence nationale.» «Ce qui nous importe, c’est d’enclencher une transition hors élection du 4 juillet», résume Hakim Addad.

Force est de le constater : le Collectif des dynamiques de la société civile s’impose comme le cadre organisationnel le plus abouti et le plus probant à avoir émergé depuis le début du hirak. Il compte une trentaine d’associations et d’organisations citoyennes, dont RAJ, la LADDH, CSVM-22 FEV, Mouwatana, Tharwa Fadhma n’Soumer, SOS Disparus, Djazairouna, Réseau Wassila, SOS Culture Bab El Oued, la CNDDC (Comité national pour la défense des droits des chômeurs), le Collectif des jeunes engagés, l’ACDA, le CNES ou encore le Snapap.

Dans un document daté du 18 mars 2019, le Collectif avait explicité sa vision de la transition en militant, notamment pour la mise en place d’un «Haut comité de transition» (HCT) qui aura à «incarner l’Etat» et un «gouvernement national de transition». Dès la mise en route de ce processus, le collectif préconise «la levée immédiate de toutes les entraves liées à l’exercice des libertés civiles, politiques et démocratiques, dont la liberté d’association et de manifestation, d’expression et de la presse, syndicale et de création des partis politiques».

Les initiateurs plaident en outre l’organisation des «Assises du consensus national regroupant toutes les sensibilités de la société» avec pour tâche de «dégager un consensus national sur les modalités pratiques de mise en place de la Constituante».

Cette étape sera immédiatement suivie de l’«élection d’une Assemblée constituante chargée d’élaborer la nouvelle Constitution». «Cette élection sera précédée par la mise en place d’une commission indépendante d’organisation des élections.» Dernière étape : «Retour à la légalité constitutionnelle, ouverture du champ politique et organisation des élections générales.» Hakim Addad s’empresse de préciser : «Cette feuille de route n’est pas une parole sacrée. Tout sera ouvert au débat et sujet à amendement lors de la conférence nationale. Ce n’est pas à prendre ou à laisser.»

«L’arrestation de Louisa Hanoune est honteuse et inadmissible»

Commentant les attaques formulées à l’encontre des partisans d’une transition pacifique, Hakim Addad lance : «Je fais partie d’une coalition qui a proposé une autre feuille de route que celle de Gaïd Salah, et dans l’un des ses discours, il a carrément proféré des menaces contre ceux qui sortiraient du cadre constitutionnel.

Donc, les menaces de Gaïd Salah à travers ses discours ou la revue El Djeich sont claires. Et elles se sont encore vérifiées avec l’emprisonnement de Louisa Hanoune. Les menaces sont perpétuelles, c’est une bataille. Cela ne fait que renforcer notre détermination.»

A propos justement de l’arrestation de la secrétaire générale du PT, le fougueux militant de la démocratie ne cache pas son inquiétude en rappelant tous les actes de répression qui ont touché plusieurs activistes, et que lui-même a subis à volonté : «Oui, on est inquiets, et ça ne date pas de l’arrestation honteuse et inadmissible de la camarade Louisa Hanoune.

On est inquiets depuis au minimum quatre semaines, quand nous avons subi un certain nombre de violences de la part des forces de la répression. Elles avaient commencé à réprimer les gens qui se rassemblaient les autres jours, en dehors du vendredi, sur la place Tahrir wa Somoud de la Grande Poste, comme nous l’avons surnommée.

Nous avons de l’inquiétude, parce que ce pouvoir est connu : il génère de la violence et régénère par la violence.» Hakim continue : «Donc la répression, comme celle qui est tombée sur Louisa Hanoune et les camarades du Parti des travailleurs, est inadmissible et à dénoncer. Tant qu’il n’y aura pas de démocratie, il n’y aura pas de justice. Et nous avions prévenu que le pouvoir allait réagir, d’une manière ou d’une autre. Les signaux étaient là depuis l’existence même de ce pouvoir. Il a toujours montré qu’il réagit par la répression, encore plus depuis ce qui s’est passé ce jeudi (avec Louisa Hanoune, ndlr).

C’est probablement un avertissement adressé aux partis politiques, aux militants, aux associations, aux syndicats, à la presse qui s’est libérée, pour leur signifier de se taire. Mais le message de Gaïd Salah ne sera pas entendu. Le message de la répression ne sera pas entendu. Au contraire, cela nous mobilisera encore plus. Donc, espoir, inquiétude et de nouveau espoir.» Hakim Addad continuera, nous dit-il avec conviction, à honorer le rendez-vous des rassemblements de 17h sur les marches de la Grande Poste. Il a tenu, au passage, à dénoncer l’empêchement, ce vendredi, d’un f’tour collectif au même endroit.

«Cela fait un mois qu’ils essaient de nous gratter des espaces publics de liberté, et on essaie avec les rendez-vous de 17h de les reprendre. Jusqu’ici, ils grattaient ces espaces du samedi au jeudi, mais là, ils ont empêché les gens de rompre le jeûne et de se rassembler dans la foulée (à la Grande Poste, ndlr). Ils ont touché à un symbole jusqu’ici inaliénable qui était d’occuper l’espace public le vendredi.

C’est inacceptable. Ils sont en train de nous faire revenir au 21 février. Mais nous tiendrons notre rassemblement coûte que coûte. Et pacifiquement. Toujours !»

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