Owen Schalk, Canadian Dimension, 28 juillet 2021
Au cours des dernières décennies, le Canada a joué un rôle démesuré dans le processus de sous-développement du Sud global par ses investissements exploiteurs dans des pays qui sont dominés par des puissances plus ouvertement impérialistes.
Le Burkina Faso est l’un des principaux producteurs d’or d’Afrique – le métal précieux représente environ 60 % de ses exportations mondiales – et selon l’ambassade du Canada au Burkina Faso et au Bénin, le Canada est le plus grand investisseur minier du pays. En 2014, le Canada est devenu la plus grande source d’investissement étranger direct du Burkina Faso. Les entreprises canadiennes possèdent la moitié des mines d’or du pays et des actifs miniers d’une valeur de plus de 3 milliards de dollars (environ 2,5 milliards de dollars américains). À titre de perspective, l’Africa Improved Foods (AIF), basée au Rwanda, estime qu’il ne coûterait que 5 milliards de dollars américains pour rendre le continent africain autosuffisant en matière de production alimentaire et éliminer la faim. Une estimation plus élevée, donnée par l’Institut international du développement durable(IISD), soutient qu’une aide supplémentaire d’un milliard de dollars chaque année jusqu’en 2030 mettrait fin à la faim au Ghana, au Malawi, au Nigeria, au Sénégal, en Tanzanie, en Ouganda et en Zambie. Selon ce dernier chiffre, la valeur des participations des entreprises canadiennes au Burkina Faso équivaut à deux ans et demi d’élimination de la faim dans les sept pays.
L’industrie minière canadienne provoque généralement des ravages sociaux et écologiques partout où elle choisit de s’installer, comme dans le cas de la mine Tarpako (propriété de la société torontoise High River Gold), dont l’établissement est bien connue pour l’expropriation des terres paysannes, la destruction de l’exploitation aurifère traditionnelle (principale activité des villageois), l’émergence d’une crise de l’eau, la hausse du coût de la vie ; et une surveillance intense par des agents de sécurité privés. Ces mines alimentent également l’insécurité alimentaire en raison du retrait des paysans de leur propriété et de la destruction subséquente de leurs terres, ainsi que du trafic et de la prostitution forcée des femmes.
Les entreprises canadiennes les plus importantes ayant investi dans l’extraction d’or au Burkina Faso sont High River Gold (Toronto), Barrick Gold (Toronto), Iamgold Corporation (Toronto), Tajiri (Vancouver), Roxgold (Toronto) et Semafo (Montréal). Semafo en particulier estconnu pour ses pratiques flagrantes à travers l’Afrique de l’Ouest. En 2020, la société en proie au scandale a été rachetée par Endeavour Mining, une multinationale basée aux îles Caïmans. La société True Gold Mining Inc., basée à Vancouver, qui exploitait une mine d’or au Burkina Faso, a également été achetée par Endeavour en 2016.
En partie à cause du fait que les sociétés minières canadiennes possèdent 2,5 milliards de dollars des ressources aurifères du Burkina Faso, le pays reste l’un des pays les plus sous-développés d’Afrique. Plus de 40 pour cent de la population vit en dessous du seuil de pauvreté national. En 2020, le Programme alimentaire mondial a signalé que des dizaines de millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë au Burkina Faso. Le développement n’est évidemment pas une priorité de l’État : depuis le renversement du gouvernement révolutionnaire de Sankara, le pays se classe systématiquement au bas de l’ indice de développement humain des Nations Unies.(IDH). En 2019, le Burkina Faso se classait au 182e rang sur 189 pays inclus dans l’Indice, trois places après le Yémen, dont la famine est communément citée comme la pire crise humanitaire au monde.
Selon l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) basée à Oslo, le gouvernement burkinabé a reçu 407 millions de dollars grâce à la taxation de l’industrie aurifère. Or au cours de la dernière décennie, le prix d’une tonne métrique d’or a oscillé autour de 60 millions de dollars US. Par conséquent, grosso modo, le programme de taxation du gouvernement ne récupère que cinq pour cent de la valeur de son industrie aurifère. Lorsque l’on prend en compte les revenus d’exportation, cela monte à environ 10 pour cent. Sur les 46 tonnes produites dans le pays durant les dernières années, 41,4 ont été envoyées à l’étranger par des multinationales et des contrebandiers. En d’autres termes, 2,5 milliards de dollars sur les 2,8 milliards de dollars produits par l’industrie aurifère en 2017, soit plus de 90 %, ont été arrachés au peuple burkinabé.