Par David Penchyna Grub – Traduction par Robin Bonneau-Patry

2023 sera une année qui restera dans les mémoires comme une année record pour la crise alimentaire mondiale sans précédent de notre ère moderne.

Cette crise mondiale est due à plusieurs causes, dont le changement climatique et la guerre en Ukraine, qui a exacerbé les difficultés d’accès à la nourriture et à l’eau potable. La fourniture de biens publics, condition vitale du développement et indispensable à la réduction de la pauvreté et des inégalités entre pays, subit aujourd’hui les ravages des rivalités géopolitiques, d’une nouvelle confrontation autour des ressources naturelles, ainsi que les effets d’un affaiblissement de la gouvernance mondiale et de la coopération internationale.

L’impact de la Russie et de l’Ukraine sur les exportations mondiales de produits agricoles, de semences et d’engrais a aggravé la crise alimentaire mondiale par la convergence des chocs climatiques, des conflits et des pressions économiques. Cette situation a entraîné une augmentation spectaculaire du nombre de personnes souffrant d’une faim extrême. Nous sommes donc confrontés à une crise alimentaire sans précédent qui, malheureusement, ne semble pas près de s’arrêter. Selon les Nations unies, quelque 345 millions de personnes dans 82 pays étaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë ou à haut risque l’année dernière, soit 200 millions de plus qu’avant la pandémie.

En Amérique latine, quatre personnes sur dix (267 millions) sont en situation d’insécurité alimentaire, soit 70 millions de plus qu’en 2019, ce qui représente la plus forte augmentation par rapport aux autres régions du monde.

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, deux régions qui importent plus de 50 % du blé qu’elles achètent de Russie et d’Ukraine, la hausse du coût de la vie et l’indisponibilité des produits de base ont déclenché des manifestations de masse. Si la crise alimentaire de cette année est principalement due à une logistique mondiale gravement perturbée par le blocage des exportations de céréales et d’engrais, les approvisionnements alimentaires pourraient être menacés d’ici 2023 en raison de l’effet de ces perturbations sur les cultures, ainsi que de la possibilité de phénomènes météorologiques extrêmes. Les pénuries alimentaires sont si graves que même les organisations internationales d’aide humanitaire voient leurs ressources diminuer pour faire face à l’augmentation des chiffres de la famine.

En Ukraine, au moins 15,7 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence et six millions manquent d’eau. En Afghanistan, huit millions de personnes sont menacées de famine et, dans le sud de l’Éthiopie, une grave sécheresse, associée à une crise politique marquée par divers affrontements armés, a déjà entraîné le déplacement de quatre millions de personnes, et plus de deux millions de personnes se trouvent dans un processus qui débouchera inévitablement sur la famine.

La privation d’un droit fondamental, tel que l’accès à la nourriture, a un impact direct sur d’autres droits humains, tels que le droit à la santé, à l’eau et à un niveau de vie adéquat à l’abri de la violence. Ces crises interdépendantes, aggravées par les guerres, ont un impact dévastateur sur les femmes et les filles du monde entier. Les Nations unies ont dénoncé l’augmentation alarmante de la violence sexiste et de la traite des êtres humains en raison du manque d’accès à la nourriture et à la survie, ce qui met encore plus en péril la santé physique et mentale des femmes et, de façon dramatique, la santé des enfants.

Face à tant de chiffres dramatiques, qui ne font que décrire la douleur humaine, la société au niveau mondial est confrontée à un défi aux proportions énormes, qui rend nécessaire et urgent de se concentrer sur l’élaboration de solutions concrètes sans plus tarder. Ce défi humanitaire exige une action rapide pour alléger les souffrances, grâce à des actions conjointes qui doivent commencer par fournir des fonds aux pays qui en ont besoin et mettre en place une assistance sociale d’urgence, en effectuant des transferts monétaires aux populations les plus pauvres.

Le programme alimentaire mondial (PAM) doit agir rapidement pour promouvoir des mesures fiscales urgentes visant à stopper les processus inflationnistes afin d’arrêter et d’alléger le fardeau du coût de la vie.

Aujourd’hui, plus que jamais, le libre-échange doit être maintenu et renforcé afin de permettre aux denrées alimentaires de circuler des régions ayant une production excédentaire vers celles qui en ont besoin ; cela nécessite d’augmenter la production alimentaire et d’améliorer sa distribution, tandis que l’accès aux engrais et une diversification efficace des cultures doivent être envisagés de toute urgence.

Sans aucun doute, nous sommes face à un défi majeur et sans attendre que tous les pays fassent leur part, il est essentiel que chaque nation individuelle fasse de même avec les mêmes mesures entre les régions de chaque territoire.

Au-delà des slogans, l’heure est à la solidarité face à ce phénomène dramatique qui nous fait voir aujourd’hui non seulement un monde plus inégal qu’auparavant, mais aussi un monde dans lequel l’humanité, grâce aux progrès surprenants de la science et de la technologie, se trouve confrontée à la honteuse réalité que le nombre de personnes qui désespèrent de la chose la plus élémentaire c’est-à-dire de se nourrir se compte en centaines de millions. Quel paradoxe !