Crise climatique : les enjeux de la COP25

Alexandre-Reza Kokabi (Reporterre), 2 décembre 2019

La COP25 débute ce lundi 2 décembre en Espagne. Alors que les États ne respectent pas leurs engagements et que les pays en développement pâtissent déjà des dégâts irréversibles dus au changement climatique, Reporterre détaille les enjeux de ce sommet international.

1. La COP25 amorcera-t-elle une dynamique ambitieuse, poussant les États à respecter leurs engagements ?

Les gouvernements du monde sont quasiment tous en retard sur leurs engagements pris dans l’Accord de Paris. Cet accord, adopté en 2015, fixait un objectif commun : contenir le réchauffement climatique « bien en-dessous » de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, afin de limiter les perturbations du système Terre. Or, les promesses actuelles des États suivent une trajectoire conduisant à un réchauffement supérieur à 3 °C. Et elles ne sont même pas tenues.

« Cette COP25 est la dernière marche avant l’année 2020, qui sera décisive pour le climat, dit Lucile Dufour, du Réseau action climatIl ne faudra surtout pas la rater, il faut à tout prix poser les bons jalons et notamment de la part des pays les plus émetteurs : les pays du G20 représentent 80 % des émissions de gaz à effet serre mondiales et, pourtant, aucun ne respecte les objectifs qu’il s’est fixé en 2015. Nous avons besoin que ces pays prennent leurs responsabilités, respectent leurs engagements et les renforcent. »

La présidence de la COP25 a initié une alliance internationale visant à rassembler les acteurs, étatiques ou non, ayant annoncé leur engagement pour atteindre la neutralité carbone en 2050 : l’Alliance pour l’ambition climatique. 67 pays ont adhéré à l’Alliance mais ils représentent seulement 10 % des émissions de CO2 du monde. Et, pour le moment, seules les îles Marshall — en voie de submersion à cause de la montée du niveau des océans — ont réellement relevé leur ambition.

2. Sans les États-Unis et loin du Chili, l’Union européenne comme élément moteur ?

Les enjeux sont énormes, mais le contexte géopolitique n’augure pas une COP facile. « Elle a vraiment du plomb dans l’aile » l’historienne Amy Dahan au lendemain de l’annonce du retrait officiel des États-Unis de l’Accord de Paris, début novembre. Une semaine plus tôt le Chili, théâtre de mobilisations populaires pour plus de justice sociale, avait renoncé à accueillir la COP, qui sera finalement organisée à Madrid. Le président chilien Sebastián Piñera a annoncé qu’il ne s’y rendrait même pas, tout comme Emmanuel Macron, alors que la France s’apprête a entrer dans un mouvement social massif.

En l’absence des États-Unis, l’attitude de la Chine et de l’Inde sera attentivement observée. L’Union européenne devra les convaincre d’agir. Le Vieux continent est attendu comme un élément moteur des négociations, d’autant que la Commission européenne s’est donnée cent jours pour mettre en place un nouveau Green Deal, attendu pour mars 2020. Le Parlement européen et la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen — elle sera présente lors la COP —, ont proposé une augmentation de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 de 40 % à 55 % par rapport à 1990. Tous les États membres ne sont pas encore sur cette ligne, mais l’idée fait son chemin. L’Allemagne a notamment dévoilé un plan pour y parvenir sur son territoire.

3. La solidarité entre pays développés et pays en développement se renforcera-t-elle ?

« Le contexte géopolitique autour de ce sommet rappelle la nécessité de lier la justice sociale et la justice climatique, y compris à l’échelle internationale », dit Sarah Lickel, chargée de plaidoyer au Secours catholique.

Les pays en développement considèrent, à juste titre, que les pays développés ont une responsabilité historique dans le dérèglement climatique. Dès 1992 et l’adoption de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le principe des « responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives » avait été adopté dans l’idée que tout le monde doit agir sur le climat mais que le niveau d’engagement dépend du niveau de responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre et des capacités économiques.

Au nom de l’équité, les pays les plus exposés aux effets du dérèglement climatique demandent des indemnités aux pays historiquement responsables du réchauffement de la planète. En 2009, durant la Conférence de Copenhague, les pays développés s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an, jusqu’en 2020, pour l’adaptation des pays en développement au changement climatique.

Or, cette promesse n’est pour le moment pas tenue. Le dernier rapport de l’OCDE révèle que les financements accordés et mobilisés par les pays développés en faveur des pays en développement ont atteint 71,2 milliards de dollars en 2017, contre 58,6 milliards en 2016. Les nouvelles contributions annoncées en septembre pour le Fonds vert pour le climat ont totalisé 9,8 milliards de dollars.

4. Les pays en développement, premiers touchés par le changement climatique, seront-ils aidés ?

À l’initiative des pays en développement, la COP25 devrait également porter sur les conséquences causées par le changement climatique.

« Ce sont les conséquences désormais irréversibles des dérèglements climatiques : par exemple l’élévation du niveau des mers qui engloutit des terres cultivables, des habitations, qui in fine oblige les populations à partir, dit Armelle Le Comte, d’Oxfam. Les pays en développement sont les premiers touchés et veulent que cette spécificité leur soit reconnue, que des financements plus importants soient mobilisés pour les aider à faire face à ces dégâts irréversibles. »

Or, pour le moment, « les pays développés ferment les yeux à ce sujet », déplore-t-elle. On estime que pour répondre à ces dégâts, les besoins se situent entre 300 et 700 milliards de dollars d’ici à 2030. D’où le manque de volonté politique… »

5. Les marchés du carbone seront-ils fermement réglementés ?

Parmi les points chauds des négociations : les conditions de mise en œuvre de l’article 6 de l’Accord de Paris, portant sur les marchés du carbone. Ces marchés du carbone sont des systèmes d’échange de droits d’émissions de gaz à effet de serre entre des pays qui en émettent trop, et des pays qui en émettent moins.

« Concrètement, l’article 6 de l’Accord de Paris prévoit que des réductions d’émissions faites par un État puissent être rachetées par un autre État, explique Sarah Lickel. Mais il faut sortir des jeux comptables, vu la situation il est grave de perdre autant de temps sur ce type de jeux de dupes. Ce n’est pas en achetant une réduction d’émissions que l’on agit réellement contre le changement climatique ! Les États se dédouanent. Ces marchés carbone doivent être strictement réglementés. »

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