Cinzia Arruzza et Felice Mometti Viewpoint Magazine, 12 avril 2020
Lundi 29 Mars, des ouvriers de l’usine General Electric ont manifesté contre des centaines de licenciements annoncés par le management, pour demander une reconversion de la production et poser une question simple ; « Si General Electric nous fait confiance quand il s’agit de construire, d’entretenir, et de tester des appareils qui vont sur toute une série d’avions où des millions de vies sont en jeu, pourquoi ne nous feraient-ils pas confiance quand il s’agit de construire des respirateurs ? »
C’était une grève parmi de nombreuses autres, dont la légalité varie de l’une à l’autre, que des travailleur.se.s ont organisé à travers le monde. Une vague de grèves en mars qui a forcé le gouvernement italien à arrêter la production non-essentielle, bien que le combat soit loin d’être gagné. Les travailleur.se.s d’Amazon et d’autres entreprises de la logistique ont organisé des manifestations et des grèves en France, en Italie, aux États-Unis et ailleurs pour protester contre des conditions insalubres et un manque d’équipement personnel de protection, alors que les travailleur.se.s dans la production non-essentielle sont parti.e.s, sont tombé.e.s malades ou ne se sont tout simplement pas présenté.e.s au travail, refusant de risquer la mort afin d’augmenter les profits des entreprises. Comme un des organisateurs de la manifestation de Amazon Staten Island, qui a par la suite été licencié en représailles, l’a écrit dans une lettre ouverte à Jeff Bezos « À cause du Covid-19, on nous dit que les travailleur.se.s d’Amazon sont la ‘nouvelle Croix Rouge’. Mais les travailleur.se.s ne veulent pas être des héros. Nous sommes des gens normaux. Nous n’avons pas de diplômes médicaux. Je n’ai pas été formé pour faire du premier secours. On ne devrait pas nous demander de risquer notre vie pour venir travailler. Mais c’est ce que nous faisons. Et quelqu’un doit être tenu responsable de cela, et cette personne, c’est vous ». Les travailleur.se.s de la santé, de l’alimentation, de l’assainissement, du commerce de détail et des transports publics résistent de plus en plus à l’idée d’être envoyé.e.s à l’abattoir et organisent divers types de manifestations pour rappeler au reste du monde que les célébrations des nouveaux héros de la classe ouvrière ne suffisent pas : ils ne sont pas des martyrs à sanctifier, ils veulent des protections et de meilleures conditions de travail et de salaire.
Les lieux de travail ne sont pas les seuls lieux de lutte en ces temps de pandémie. Les locataires, dont beaucoup ont perdu leur revenu et leur emploi et vivent dans des zones où il existe différents types d’ordonnances de logement sur place, s’organisent pour arrêter le paiement des loyers et résister aux expulsions. Les détenu.e.s font des émeutes et protestent de l’Iran à l’Italie en passant par les États-Unis, de peur que le prisons ne se muent rapidement en camps de la mort à cause du virus. Les efforts et les organisations d’aide mutuelle se multiplient, utilisant intensivement les médias sociaux pour coordonner leurs efforts et s’occuper des personnes dans le besoin. Si certaines de ces luttes et grèves ont été montées ou coordonnées par des organisations politiques et sociales préexistantes, beaucoup dépassent l’infrastructure organisationnelle précédente et sont plutôt ancrées dans des comportements spontanés de refus, de résistance et de solidarité, et dans l’émergence d’une auto-organisation par la base en réponse à une crise sans précédent.
Dans l’atmosphère irréelle et suspendue qui caractérise notre situation actuelle, il serait facile de se focaliser uniquement sur la catastrophe qui se déploie devant nous, sur le hurlement ininterrompu des sirènes qui brise le silence de nos villes vidées, sur le comptage des morts et des contaminations, et sur la dépression économique imminente. Mais ce temps étrange et anxiogène que nous vivons, est aussi plein de luttes, d’actes de solidarité et de processus de composition de classe et d’auto-organisation.
Ce que toutes ces luttes ont en commun, c’est le simple refus de se laisser mourir et de laisser mourir les autres pour le capitalisme, un refus qui met à nu ce que le Collectif féministe marxiste, dans une déclaration sur la pandémie, a qualifié de contradiction entre le profit et la vie ou la reproduction sociale au cœur même du capitalisme.
En refusant de mettre les profits au-dessus de la vie, ces luttes ouvrent au moins, deux lignes de front. La première implique la gestion immédiate de la pandémie et de sa dimension de classe, de race et de genre ; la seconde, implique une gestion des transformations sociales à plus long terme. Au moment où un certain nombre de pays mettent en place des mesures keynésiennes sous diverses déclinaisons afin d’éviter l’effondrement économique et des troubles sociaux, la question brûlante à laquelle nous sommes confronté.e.s est de savoir si ces mesures marqueront ou non la fin définitive de l’ère néolibérale et de l’austérité : une issue qui dépendra largement de la lutte politique et sociale.
Sur la gouvernance de la pandémie
La pandémie est en train de créer une conjoncture globale en réponse à diverses formes de luttes qui sont en train d’émerger et de proliférer. En même temps, sa gestion est loin d’être homogène à travers les contextes nationaux : les dynamiques politiques nationales ont leur propres spécificités et génèrent des contextes significativement différents pour les processus de luttes et de subjectivation, mais dans le contexte d’une conjoncture mondiale qui nous relie tous.
De ce point de vue, une des limites majeures au discours sur ‘l’État d’exception‘, qui se focalise sur les dangers d’un tournant politique autoritaire lié à la suspension des libertés qu’entraîne le confinement, c’est qu’il simplifie la très grande complexité de la situation actuelle : la nuit, toutes les vaches sont grises. Elle identifie également de manière erronée le véritable terrain de lutte dans de nombreux pays aujourd’hui.
Tout d’abord, il n’est pas vrai de dire que les gouvernements se sont hâtés d’adopter des mesures d’urgence dures et de suspension des libertés. C’est plutôt le contraire qui est vrai : dans de nombreux cas, les gouvernements ont hésité et ont même à l’origine refusé de suspendre ce qui passe pour la normalité capitaliste. Ce retard a eu de lourdes conséquences en Italie, en Espagne, aux États-Unis, au Royaume-Unis et en Suède pour ne citer que ces pays. Lorsque les exécutifs nationaux ont finalement décidé le confinement, ils l’ont fait sous la pression des experts de la santé, à cause de la peur du risque d’un effondrement du secteur de la santé ( largement dû à l’épuisement du secteur de la santé causé par des décennies de coupes austéritaires et de privatisations) et en raison des protestations de la base, notamment des travailleur.se.s qui refusent d’aller travailler. En fait, l’idée que les États capitalistes auraient un intérêt primordial à garder les gens à la maison est plutôt bizarre et contredite par les nombreuses tentatives d’envisager un retour rapide à une certaine forme de « normalité » qui permettrait aux gens de retourner au travail (et de consommer).
Dans ce contexte, la pandémie a en fait été une occasion pour certains gouvernements à tendance autoritaire à concentrer davantage les pouvoirs au sein de l’exécutif, comme c’est le cas dans des pays comme Israël, la Hongrie ou l’Inde. Mais cela même n’est pas un processus linéaire et automatique, qui s’applique à tous les pays gouvernés par un gouvernement d’extrême-droite. Au Brésil, Bolsonaro s’en tient à une position de déni, alors même qu’il est de plus en plus isolé politiquement en conséquence et qu’il stimule l’appropriation régionale des pouvoirs d’urgence. Aux États-Unis, Trump a refusé de déclarer un confinement et insiste pour accorder l’autonomie et la flexibilité du gouverneur pour décider des mesures à adopter. La Chine est un cas à part, car la gestion de la pandémie s’est appuyée sur la mobilisation d’un appareil de pouvoir autoritaire déjà existant.
Plutôt que d’imposer des formules abstraites sur une réalité complexe, il semble plus utile de faire attention à l’expérimentation de diverses formes de gouvernance, à la fois anciennes et nouvelles, dans la gestion de la pandémie. Par exemple, la concentration de pouvoir de l’exécutif indéniable qui est en train de s’opérer en Italie et en Allemagne est en train de causer des tensions avec les exécutifs régionaux et les Länder, et ils sont tous eux-mêmes en tension avec les institutions européennes. Aux États-Unis, non seulement il n’y a pas de transformation significative dans la distribution des pouvoirs au sein des institutions fédérales, mais les politiques des administrations des états diffèrent les unes des autres et sont parfois en tension avec les approches incohérentes de l’administration fédérale. Un exemple notable de cela, ce sont les nombreuses dissensions entre Trump et Andrew Cuomo, le gouverneur de New York qui s’est hissé au rang d’homologue de Trump, bien qu’il ne soit pas le candidat démocrate à la présidence. Plusieurs États européens et les États-Unis adoptent des formes de gouvernance qui incluent des acteurs spécifiques dans les processus de prise de décision : secteurs de la communauté scientifique nationale, grandes entreprises, institutions financières et conseils nationaux des entreprises. La pandémie a également été l’occasion pour les États-Unis et la Chine de poursuivre et de redéfinir leurs stratégies géopolitiques. Elle est devenue l’occasion pour l’administration Trump de faire pression pour un changement de régime au Venezuela et d’intensifier les sanctions déjà abominables en Iran. Pendant ce temps, la Chine adopte une stratégie de puissance douce qui vise à étendre son hégémonie internationale, en envoyant des fournitures médicales et des experts dont ils ont grand besoin dans des dizaines de pays, une initiative que les États-Unis sont maintenant désireux d’imiter : Trump s’est vanté d’envoyer à l’Italie des fournitures médicales d’une valeur de 100 millions de dollars, alors même que les États-Unis s’efforcent de trouver des masques de base pour leurs travailleur.se.s de la santé en première ligne.
Cependant, ces expériences mêmes de gouvernance ne se déroulent pas sans accrocs, en tant qu’elles sont défiées de façon permanentes par l’antinomie entre normalité et exception : la normalité du fonctionnement d’un mode de production sociale et l’exception imposée par la pandémie sur la reproduction sociale de la vie ou la normalité de la circulation à travers les espaces publics – qui ne peut être entièrement éliminée – et l’exception de l’immobilité au sein des espaces privés. Ces expérimentations de gouvernance sont en mutation permanente, parce qu’elles doivent faire face aux limites des systèmes actuels de welfare, de santé en premier lieu, et doivent naviguer dans l’articulation entre les pouvoirs locaux, nationaux et transnationaux. Un exemple est la façon dont l’autonomie des gouverneurs des États américains se résume au fait qu’ils se disputent les ventilateurs. Des concours de ressources ont également lieu en Italie entre les gouverneurs régionaux. Il est impossible de prévoir dès à présent comment ces expériences vont évoluer, car les variables en jeu sont nombreuses, du conflit entre les différentes institutions étatiques au niveau d’intensité et de portée du conflit social par la base.
La hausse vertigineuse du chômage, la perturbation et le découplage des chaînes de valeur mondiales, et la nécessité de réorganiser la reproduction sociale ont obligé les institutions américaines et européennes à prendre des mesures économiques massives afin d’éviter non seulement l’effondrement économique, mais aussi l’explosion de l’agitation sociale en réponse à la dépression qui se profile. Les caractéristiques que ces mesures ont en commun peuvent être qualifiées comme une sorte de keynésianisme partiel et provisoire ou de ‘keynésianisme à date limite’. Comme Bue Rübner Hansen l’a écrit : « Ces politiques ad-hoc sont conçues pour être des mesures de court-terme, à la manière du médecin hippocratique dont la décision (Krino) agit sur le point critique (Krisis) de la santé du patient. Cependant, selon toute vraisemblance, Covid-19 n’est pas un choc exogène temporaire ».
Par exemple, dans son briefing quotidien du 3 avril, Trump a déclaré que l’administration prévoyait d’utiliser l’argent du plan de relance pour payer les coûts d’hospitalisation des patients atteints de Covid-19 qui ne disposent pas d’assurance, plutôt que d’étendre ou de rouvrir l’inscription aux marchés Obamacare. Pendant ce temps, la grande majorité de l’establishement démocrate, y compris le candidat principal à la primaire, Joe Biden, a continué à rejeter l’assurance maladie pour tous, même face à l’épidémie. Les 2 trillions de dollars du plan de relance américain et les 750 milliards d’Euros alloués par l’Union européenne avec l’addition ultérieure de 100 milliards de dollars pour compléter les salaires des travailleur.se.s sont des mesures qui, malgré leur magnitude stupéfiante, ne défient absolument pas le cadre néo-libéral. En plus de cela, aucune disposition significative n’a été prise pour les victimes de violence domestique pour qui le confinement n’est pas synonyme de sécurité, pas plus que le fardeau accru du travail domestique pour les femmes n’est pris en compte de quelque manière que ce soit. De plus, ces interventions reposent souvent sur des politiques anti-immigrants et de fermeture des frontières, et rien n’est fait pour libérer les détenu.e.s dans les centres de détention des migrant.e.s et les camps de réfugié.e.s où l’accès aux soins de santé est proche de zéro et où le virus pourrait prendre des milliers de vies.
Le but clair de ces mesures est la reconstitution des conditions de la reproduction capitaliste des relations sociales, et certainement pas leur transformation radicale. Une intervention de Mario Draghi, l’ancien président de la Banque Centrale Européenne dans le Financial Times, peut être comprise comme l’illustration de la logique qui se trouve derrière ce flux massif d’argent liquide aux États-Unis et dans l’Union européenne. Selon Draghi, la crise actuelle n’est pas cyclique mais plutôt due à des facteurs exogènes. Ainsi, la recette qu’il préconise est d’augmenter la dette nationale, permettant aux grosses entreprises de faire face à l’urgence, pour ensuite revenir au business as usual. Et en réalité, la plus part des fonds iront à des entreprises privées, mais sans aucune politique sérieuse de sauvegarde des emplois et d’interdiction des licenciements car l’hypothèse erronée est à la fois que les entreprises éviteront les licenciements si elles obtiennent l’argent nécessaire et qu’elles recréeront les emplois perdus une fois l’urgence passée. C’est aussi la logique de la suspension temporaire du pacte de stabilité de l’Eurozone : le gouvernement allemand, parmi d’autres, ne veut pas créer un précédent qui justifierait une transformation structurelle des politiques économiques de l’Eurozone et mènerait à un abandon de l’austérité néo-libérale. La question de savoir si les conditions de reproduction du capital seront réunies ou pas dépend d’un grand nombre de facteurs, y compris des dynamiques politiques et des relations sociales de pouvoir.
Subjectivation et auto-organisation dans une période hors du commun
La conjoncture actuelle est pleine de tensions et de contradictions. Ce temps est hors du commun, à la fois dense en événements et suspendu. Contradictions et ambivalences caractérisent également les formes de socialité, combinant isolation sociale et surplus de connexion et de communication à travers tout une panoplie de réseaux sociaux. Nous ne pouvons pas prédire maintenant la manière dont la vie sociale va se transformer à cause de l’épidémie, mais il est complètement possible que ce que Foucault appellerait les « technologies du soi », de subjectivations, et de communication deviennent encore plus hybrides que ces derniers temps, dans une convergence plus grande encore entre rencontres et langages « réels » et « virtuels ».
Ces formes de sociabilité dans le contexte de macro-dynamiques en jeu et décrit plus haut pourrait aussi avoir des effets sur une nouvelle composition de classe potentielle. Pour ne nommer que quelques facteurs saillants : le chômage de masse, la peur de la contagion au travail et les comportements spontanés de refus, la visibilité croissante et la reconnaissance sociale des bas salaires, et des travailleur.se.s genré.e.s et racialisé.e.s, l’isolation sociale, et le brouillage des frontières entre production et reproduction pour celles et ceux qui travaillent à la maison et doivent se débattre entre fardeau domestique accru, exiguïté des espaces de vie, temps et contraintes du travail salarié.
Dans ce contexte, différents processus de lutte et de radicalisation politique commencent à avoir lieu. Cependant, il n’y a pas de recette facile toute prête pour exploiter les potentialités que la nouvelle conjoncture a ouvertes. Les mesures de confinement elles-mêmes imposent de nouveaux défis aux processus organisationnels et nécessitent une capacité de réinventer des manières de s’organiser, de manifester et d’être efficace : comment pouvons-nous rendre visible une lutte sociale à un moment où les modalités traditionnelles de le faire – les manifestations de masse, les rassemblements – sont inenvisageables ? Comment pouvons-nous connecter les nouvelles vagues de grèves légales et sauvages à d’autres formes de résistances et de conflits, telles que la grève des loyers, l’organisation de la solidarité et les formes alternatives de reproduction sociale ? Comment ces luttes sociales peuvent-elles se politiser de plus en plus, en étant à la hauteur des enjeux du moment, c’est-à-dire en affrontant le pouvoir d’État et des institutions transnationales ?
Enquêter au sein des nouveaux processus potentiels de subjectivation et de lutte serait un premier pas pour essayer de donner une réponse à ces questions brûlantes et éviter la re-proposition mécanique de vieux modèles d’organisation et de vieilles stratégies politiques qui ne prennent en compte ni les les discontinuités ni les variations. Enquêter signifierait ici non pas une investigation sociologique mais bien un procès de connaissance de soi, d’auto-organisation, de politisation, et de création commune d’une nouvelle compréhension de qui nous sommes, et de pourquoi et comment nous contre-attaquons.
Il s’agit d’une tâche urgente pour être en mesure d’aborder à la fois les luttes en première ligne mentionnées plus haut, liées à la gestion immédiate de la pandémie, et la transformation sur le long terme des relations sociales de production. Comme le disent Rob Wallace et d’autres, les modèles du virus et les prédictions concernant la durée des mesures de suppression, comme celles du rapport de l’Imperial College – qui est devenu le point de référence des États-Unis et du Royaume-Uni – sont fondées sur la présomption implicite que le cadre néo-libéral ne peut pas être remis en cause. Comme ils l’écrivent : « Les modèles tels que l’étude de l’Imperial College limitent explicitement la portée de l’analyse à des questions étroitement adaptées à et inscrites dans l’ordre social dominant. De par leurs conceptions, ils ne parviennent pas à saisir les forces du marché au sens large qui sont à l’origine des épidémies et les décisions politiques qui sous-tendent les interventions. Consciemment ou non, les projections qui en résultent placent la garantie de la santé pour tous en seconde position, y compris les milliers de personnes les plus vulnérables qui seraient tuées si un pays devait basculer du contrôle de la maladie vers le bien-être de l’économie. » Pourtant c’est précisément ce cadre qui doit être dépassé et ce avec deux objectifs : limiter autant que possible le nombre de vies qui seront prises par le virus, et s’opposer à la stratégie du « keynésianisme périssable », en combattant plutôt pour en finir avec l’austérité néo-libérale et pour transformer à la fois, les relation capitalistes entre production et reproduction qui subordonnent les vies à l’accumulation des profits.
L’un des mêmes qui circulait sur les réseaux sociaux italiens durant les longues semaines de confinement était : « Tout va bien se passer ». Il s’agit d’un vœu bien compréhensible, bien que ce ne soit rien d’autre que cela. De plus, cela prend implicitement le statu quo précédant la pandémie comme la normalité à laquelle nous devrions aspirer à retourner. Soyons honnêtes : nous ne sommes absolument pas sûr.e.s que tout va bien se passer, et la manière dont nous vivions avant la pandémie n’était en rien « bien », ou normale, en effet, cette crise est une conséquence du capitalisme comme forme d’organisation sociale et comme forme de vie.
Cela pourrait bien se passer. Mais cela dépendra de nous, de notre capacité à empêcher un retour au business as usual. Si cette tâche paraît décourageante, et elle l’est, nous pouvons aussi nous rappeler que nous ne sommes pas sans aucun pouvoir. Comme Chris Smalls le dit avec une clarté absolue ; « et pour M. Bezos, mon message est simple, je n’en ai rien à foutre de votre pouvoir. Vous pensez être puissants ? Nous sommes celles et ceux qui ont le pouvoir. Sans notre travail qu’allez-vous faire ? Vous n’aurez plus d’argent. Nous avons le pouvoir. Nous faisons de l’argent pour vous. Ne l’oubliez jamais. »