Lettre ouverte au premier ministre Justin Trudeau
16 octobre 2019
Ces derniers mois, les Haïtiens ont manifesté leur opposition généralisée au président Jovenel Moïse. Des manifestations monstres et des grèves générales se sont multipliées pour exiger le départ de Moïse. Nous considérons que leurs demandes sont légitimes et justifiées.
Dans un rapport récent de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif sur la corruption en Haïti, il a été trouvé que les entreprises de Moïse ont détourné deux millions de dollars (américains) du trésor public. En outre, environ deux milliards de dollars furent volés par le mentor de Moïse, Michel Martelly, qui pigea dans le fonds Petrocaribe, un programme de pétrole fourni au rabais par le Venezuela. Malgré tout, les appels à la justice de la population dans ce scandale de dilapidation de fonds publics se font violemment réprimer. La police a tué des dizaines de personnes manifestant contre la corruption depuis le début du soulèvement l’an dernier. Un rapport récent de l’ONU a confirmé la culpabilité du gouvernement haïtien dans la perpétration d’un massacre des plus sanguinaires dans le quartier La Saline à la mi-novembre 2018, un quartier malfamé de Port-au-Prince où 71 civils furent tués. Ceci n’est qu’un cas parmi d’autres qui furent également documentés.
Rappelons-nous que Moïse a pris ses fonctions en 2017 dans un contexte de fraude électorale et de suppression du vote. À peine un électeur sur cinq a pu voter. La population s’est clairement opposée à l’élection de Moïse depuis le début, mais il s’accroche au pouvoir, parce qu’il est soutenu par les États-Unis, le Canada et les membres du Core Group (France, Brésil, Allemagne, Espagne, UE et OEA). Le Canada a fourni du soutien financier, policier et diplomatique au gouvernement impopulaire. Les officiels canadiens ont, à plusieurs reprises, félicité et applaudi la police qui a pourtant commis d’innombrables abus. Des déclarations récentes du Core Group et du gouvernement canadien ignorent complètement l’illégitimité électorale de la présidence et minimisent l’ampleur de la corruption et de la violence envers les manifestants.
Nous, les signataires de la présente lettre, nous en appelons au gouvernement de Justin Trudeau et l’État canadien, membre du Core group – de cesser de soutenir un président corrompu, répressif et illégitime que le peuple rejette massivement en Haïti.
Veuillez noter que la situation est extrêmement urgente, car l’accès aux denrées de première nécessité est de plus en plus précaire de jour en jour, tandis que le pays est paralysé et dysfonctionnel en raison de la crise politique qui perdure.
Parmi les signataires : David Suzuki, Yann Martel, Will Prosper, Alain Deneault, Yves Engler, Marie Dimanche, Donald Cuccioletta, Andrea Levy, Renel Exentus et plusieurs autres