Immanuel Wallerstein : le capitalisme en « crise structurelle »

L’Humanité, Mardi, 24 Mars, 2015

L’auteur états-unien démontre dans l’ouvrage collectif « Le capitalisme a-t-il un avenir ? » que le « système-monde-moderne » se trouve dans « une crise structurel ».

Dans l’ouvrage collectif Le capitalisme a-t-il un avenir ? (Éditions La Découverte), vous démontrez que le «système-monde moderne» se trouve dans «une crise structurelle». Quels éléments accréditent cette thèse ?

Immanuel Wallerstein Il faut se méfier du mot « crise ». On l’utilise chaque fois qu’il y a un infléchissement d’une courbe. Pour moi, il ne peut être qu’une seule crise dans la vie d’un système-monde, qui marque la transition à un autre système. Nous y sommes arrivés.

La droite sous de nouvelles formes y est hégémonique, n’est-ce pas contradictoire avec une issue post-capitaliste ?

Immanuel Wallerstein La droite globale est très forte, bien sûr. Mais j’ai essayé de montrer les raisons pour lesquelles elle aussi trouve que le capitalisme ne sert plus ses intérêts, parce qu’il n’est plus possible d’accumuler les capitaux.

Selon vous, une période historique s’est ouverte, celle du chaos. Qu’entendez-vous par là ?

Immanuel Wallerstein Le chaos est une situation où il n’y a que des fluctuations sauvages et imprévisibles, la peur desquelles gèle les gens et leur rend difficile d’agir positivement. Les technologies de la communication augmentent énormément le chômage, ce qui empire la situation et amplifie la crise.

Dans ce contexte, des formes politiques inédites apparaissent. Sont-elles porteuses d’alternatives sociales et politiques ?

Immanuel Wallerstein Si vous parlez des constructions comme le califat de l’« État Islamique » ou des forces ultradroitiers comme le FN, je les considère comme des réactions précisément à la crise structurelle. Elles ne sont pas du tout des structures stables qui vont perdurer.

Avec la multiplication des fondamentalismes les plus inégalitaires, sources de conflits et de guerres, ne risque-t-on pas d’entrer dans une phase d’un super-capitalisme primitif ?

Immanuel Wallerstein C’est un reflet typique capitaliste. On ne cesse pas de faire ce qu’on a toujours fait. Mais encore une fois, dans une situation chaotique, ces conflits n’offrent pas de remède au problème de base, l’impossibilité d’accumuler les capitaux.

Quels sont alors les leviers qui permettent d’envisager un scénario d’avenir progressiste ?

Immanuel Wallerstein Il y en a trois : l’analyse intellectuelle des réalités de cette crise structurelle, le choix moral de la lutte pour une issue progressiste, et enfin, formuler une politique qui a des chances de gagner. Si ces trois sont banales, il faut constater qu’une large partie de la gauche globale ne les réunit pas encore.

Entre enjeux de classe et questions identitaires, comment et à partir de quels acteurs sociaux, la gauche peut-elle jouer un nouveau rôle historique ?

Immanuel Wallerstein Le problème politique est justement cela – comment combiner les enjeux de classe et les questions identitaires dans un regroupement large et ouvert à toutes les sensibilités de la gauche globale ?

Entretien réalisé par 
Pierre Chaillan

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