Beaucoup d’encre a coulé depuis la démission d’Émilise Lessard-Therrien comme co-porte-parole à Québec solidaire et la sortie de Gabriel Nadeau-Dubois du 1er mai. QS doit viser à prendre le pouvoir et à gouverner, ça ne fait aucun doute. Toutefois, la prise du pouvoir, même électorale, sera d’autant plus possible qu’elle saura s’appuyer sur un mouvement social. Alors que les bruits de bottes se font entendre comme jamais sur la planète, QS ne peut faire l’économie d’une posture internationale sans équivoque dans une stratégie résiliente de prise du pouvoir, notamment en regard de l’OTAN !
Depuis, la tempête a commencé à s’apaiser, du moins devant les caméras, alors que des voix s’élèvent pour calmer le jeu et éviter les déchirements qui desserviraient la position du parti. Le consensus va probablement reconnaître qu’il y a toujours une double réalité à un parti comme Québec solidaire. Ça fait partie de la voix de passage vers l’unité souhaitée notamment par Françoise David et Amir Khadir.
Alliances occidentales et le parti de gouvernement
Dès sa fondation, Québec solidaire a affirmé qu’il était altermondialiste (voir Déclaration de principe de Québec solidaire, 2006). L’opposition des députés solidaires à l’ouverture du bureau du Québec à Tel Aviv est exemplaire. Toutefois, l’enjeu du débat sur le programme du parti en ce qui concerne les questions internationales ne concerne ni les grands principes, ni les positions circonstancielles. Elle concerne la posture à suivre devant une géopolitique guerrière, le déclin de l’empire américain, la montée des blocs dont celui entre la Russie et la Chine et l’accroissement des dépenses militaires partout sur la planète !
Parmi ces questions, sur le plan international, il y a celle des alliances. Un Québec indépendant doit-il se retirer de l’OTAN ? Devons-nous désavouer cette alliance occidentale et devenir un pays susceptible de ne pas voter avec les État-Unis et le Canada, et pas seulement sur la question d’Israël ? Devant les sirènes de la démocratie occidentale, la posture anti-impérialiste des solidaires peut être mise à rude épreuve.
La démocratie libérale et la politique internationaliste des solidaires
Le soutien au peuple ukrainien n’est pas un appui à l’OTAN, Il relève de la reconnaissance du droit à l’autodétermination. La démocratie occidentale n’est pas le terminus de l’histoire sur la liberté d’expression et la démocratie. Notre posture internationaliste exige de s’y opposer, non pas parce qu’elle est pire qu’en Russie, il est vrai que ce n’est pas le cas, mais parce qu’elle est incapable de résoudre les problèmes de notre temps : les guerres, les inégalités, le colonialisme, le racisme, la soumission des femmes ou l’environnement. Que pouvons-nous proposer comme démocratie supérieure à la démocratie libérale ?
La singularité de la question nationale québécoise dans l’État canadien est de proposer un parcours qui rompt avec l’impérialisme. Ce projet ne saurait se suffire d’une élection de solidaires qui gèrent les affaires quotidiennes du Québec, sans entreprendre une réelle épreuve de force avec l’État fédéral et du même coup avec le modèle occidental de démocratie libérale. Le projet à long terme des solidaires est donc de proposer plus de démocratie que celle que nous avons.
Nous savons que bon nombre de problèmes ne se régleront pas dans le cadre de la mondialisation capitaliste qui favorise une minorité de possédants au détriment des droits humains fondamentaux. Être altermondialistes, c’est aussi prêter main-forte aux mouvements de solidarité avec les peuples en lutte contre des situations d’oppression. Nos solidarités vont aux milliards de personnes vivant dans un état de pauvreté abject, aux femmes exploitées et opprimées à travers le monde, aux enfants esclaves ou soldats.Déclaration de principe de Québec solidaire, 2006
La participation électorale et la résilience
Depuis plus de cinquante ans, la gauche au Québec, y compris son aile radicale, n’a pas cessé de chercher à s’insérer dans le paysage politique institutionnel et à s’engager dans l’action politique électorale. Elle reconnaît que le champ politique pour la vaste majorité de la population est celui des partis politiques de l’Assemblée nationale. On doit reconnaître que la création de Québec solidaire constitue une avancée dans cette perspective.
Dès la naissance de QS, l’ambition était de proposer un projet audacieux qui ne peut trouver son énergie que dans la mobilisation sociale. Les avancées parlementaires ont mis dans l’ombre l’autre réalité du parti, celle de l’action sociale et politique des membres au sein de la société. Un tel projet exige une forte résilience et une vision sur le long terme. Toutefois, c’est une vision de courte vue affecte le parti.
La démission d’Émilise après 6 mois a eu l’intérêt de déclencher une prise de conscience, mais un parti ne pourra pas se renforcer par cette méthode. Par contre, la courte vue est d’abord le problème de la direction. Croire à l’imminence de la victoire du parti aux élections et le répéter depuis la campagne de 2018 n’est pas la manière de développer la résilience.
La vision à court terme est ancrée profondément dans le parti. Il s’agit d’une vision volontariste qui ne tient compte ni de la réalité de la conjoncture politique ni de celle du projet social ni de celle des mouvements sociaux. Quelle que soit la mise en place d’un passage vers l’unité, la périodisation de l’action politique des solidaires doit reprendre une foulée longue, pour durer, en s’associant aux mouvements pour s’ancrer comme option électorale.
Construire le parti, s’engager dans les mouvements
Lors du bilan du scrutin de 2022, le bilan présenté au conseil national affirmait que 10 000 personnes ont «levé la main» pour appuyer le parti dans sa campagne ! Peu de mouvements sociaux peuvent bénéficier d’un tel appui. Pour s’assurer qu’aux prochaines échéances électorales ça se reproduise, les membres du parti doivent aller sur le terrain, non pas seulement à la rencontre de l’électorat, mais surtout en s’engageant dans l’action politique des mouvements, en faisant bloc avec eux