Orient XXl, 5 septembre 2020
Les mouvements de protestation au Maroc suscitent, et ce depuis toujours, des ripostes policières répressives et violentes. La plus marquante de ces dernières années est la répression du Hirak dans le Rif, un mouvement contestataire qui a agité le Maroc à partir de 2016. S’en sont suivies plus de 1500 arrestations, dont plus de 700 condamnations. Parmi ces dernières, cinq personnes ont écopé de 20 ans de prison ferme.
Omar Radi, journaliste indépendant, qui a assuré depuis le début la couverture de ce mouvement sur la scène internationale, a exprimé son indignation face à cette condamnation dans un post sur Twitter le 5 avril 2019. Ce Tweet lui a valu une première convocation le 18 avril 2019, par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Il y avait défendu son droit à l’expression libre et sa liberté d’opinion, garanti par la Constitution marocaine et les conventions internationales ratifiées par le royaume, notamment le pacte international relatif aux droits civils et politiques. Mais à l’occasion de sa seconde convocation, le 26 décembre 2019, Omar Radi a été déféré devant le procureur d’Aïn Sebaa et le juge a ordonné alors sa poursuite sur la base de l’article 265 du code pénal pour outrage à magistrat, refusant par ailleurs sa demande de liberté provisoire alors même qu’elle était justifiée par son état de santé. Il a d’abord été poursuivi en détention, puis en liberté provisoire (grâce au mouvement de solidarité nationale et internationale) avant d’être condamné à 4 mois de prison avec sursis pour outrage à magistrat.
Cette condamnation n’a pas mis fin à la machine répressive visant Omar Radi. Le 22 Juin, Amnesty International a rendu public un rapport concernant la surveillance illégale d’Omar Radi via Pegasus, un logiciel espion du NSO group, introduit dans son téléphone à son insu par les autorités marocaines.
Suite à cela, et depuis le 25 juin, Omar Radi a reçu de la part de la BNPJ plusieurs convocations pour interrogatoires (au nombre 10 du 25 Juin au 29 Juillet) qui ont duré jusqu’à 10 heures et durant lesquelles il a été suspecté d’espionnage. Suite à quoi il a été déféré le 29 Juillet devant le procureur du roi. Il est poursuivi en détention pour quatre motifs : réception de fonds étrangers dans le dessein de porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État, établissement de contacts avec des agents de pays étrangers en vue de nuire à la situation diplomatique du Maroc, attentat à la pudeur avec violence, et viol – ces deux derniers motifs, effarants, ont été ajoutés au dossier sur le tard.
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En parallèle, quelques médias à la botte des autorités marocaines (dont principalement Chouf TV), ont lancé des campagnes de diffamation contre lui. En plus de tous ces harcèlements « virtuels » pesants, Omar Radi subit aussi des harcèlements dans sa vie quotidienne : il est suivi à longueur de journée, et est intimidé par les journalistes de Chouf TV aux portes de la BNPJ. À ceci s’ajoute son arrestation avec son confrère Imad Stitou, la nuit du 5 au 6 juillet, suite à une « altercation » avec un caméraman de Chouf TV montée de toute pièce. Ils sont à ce jour poursuivis en liberté pour ivresse sur la voie publique, insultes et enregistrement vidéo d’une personne sans son consentement, en plus de faits de violences pour Omar Radi.
Enfin, comble de l’ignominie et à défaut de présenter un dossier quelque peu crédible à la justice, les services de la police marocaine ont finalement dégainé une de leurs armes favorites : les accusations fallacieuses en lien avec la sexualité. Omar Radi est donc accusé de viol, attentat à la pudeur et violences. La disqualification par les mœurs est une stratégie bien connue du régime [2] comme l’ont prouvé cette dernière année les affaires de Hajar Raïssouni accusée de relations sexuelles hors mariage ou encore Taoufik Bouachrine, condamné à quinze ans de prison sans preuves et en toute violation de la présomption d’innocence . Rien de moins crédible que l’État se soit mis à s’intéresser aux conditions générales des femmes et en particulier aux violences sexistes et sexuelles ! Encore faut-il rappeler que nombreuses sont les femmes qui, en portant plainte après un viol, se voient poursuivies au titre de l’Article 490 interdisant les relations sexuelles hors mariage. Comme pour le reste des accusations, celle-ci semble être montée de toutes pièces et fait partie de la stratégie de neutralisation et de répression de toute voix journalistique indépendante au Maroc.
En parallèle, Amnesty International fait l’objet elle aussi de plusieurs campagnes virulentes de diffamation de la part de l’État marocain, de ses hommes politiques et de sa presse.
L’acharnement qui apparaît dans cette affaire n’est pas le fruit d’une guerre personnelle entre l’État marocain et un journaliste – Omar Radi –, mais d’une guerre que le régime mène contre « la parole libre et publique » au Maroc, et particulièrement contre les journalistes. De décembre 2019 à aujourd’hui, 16 personnes (dont deux lycéens) ont été emprisonnées pour avoir partagé du contenu sur Facebook, Instagram, YouTube, et encourent des peines allant d’un mois à 4 ans de prison ferme (voir le tableau plus bas).
Nous, Marocaines et Marocains résidant en France, ainsi que nombre d’activistes et des forces démocratiques en France et ailleurs, suivons avec inquiétude cette surenchère menée par l’État marocain contre la liberté d’expression et précisément contre le libre exercice de la profession de journalisme indépendant. Nous exigeons l’arrêt de toutes ces poursuites iniques que subissent au Maroc les défenseurs des droits et des libertés dont fait partie Omar Radi et la libération immédiate de tous les détenus politiques au Maroc.
Nous alertons les instances internationales quant à cette situation et appelons toutes les forces vives démocratiques en France et partout dans le monde à exprimer leur soutien à la cause de la liberté d’expression qu’incarne en ce moment le journaliste Omar Radi.
Vous pouvez répondre à l’appel à signatures en écrivant :
solidariteomarradi@gmail.com