Par Gabriel Ichenwiyen, Révolution Permanente, publié le 20 avril 2020
Depuis le début de l’épidémie qui s’accélère au Mexique (8261 cas, 686 morts), les activités de nombreuses usines de mexicaines continuent de tourner au mépris de la vie de dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs mexicains.
Depuis le 30 mars, le gouvernement mexicain a décrété l’état d’urgence sanitaire et a annoncé l’arrêt de la production dans les secteurs non-essentiels à la gestion de la crise sanitaire. Cependant les patrons de nombreuses entreprises refusent toujours d’arrêter la production et continuent d’envoyer à la mort des dizaines de milliers de travailleurs. Les usines mexicaines représentent ainsi d’importants foyers de contamination où les ouvrières et ouvriers s’exposent quotidiennement. C’est notamment le cas pour les maquiladoras au nord du pays, ces usines mexicaines qui exploitent des millions de travailleurs le long de toute la frontière avec les États-Unis. Ainsi dans la région frontalière de Chihuahua, 13 des 16 décès dû au Covid-19 sont des travailleurs de maquiladoras.
Or, en plus de continuer la production au péril de la vie de milliers de travailleurs, les patrons de ces usines n’ont pratiquement mis en place aucune mesure d’hygiène. Pas de gants, ni de masques, ni de mesures de distanciation sociale. Pire, les services médicaux présents dans les infirmeries des usines ont à plusieurs reprises affirmés que des salariés pouvaient continuer de travailler malgré le fait qu’ils présentaient différents symptômes du Covid-19. Le sous-secrétaire d’Etat à la Santé, Lopez Gatell avait d’ailleurs annoncé récemment que les Etats du Nord du pays allaient être les plus touchés par l’épidémie du fait de la continuité des activités productives dans ces régions.
Cependant le décret fixant l’arrêt de la production dans certains secteurs a publié une liste très ambiguë des activités considérées comme essentielles et pouvant continuer à tourner pendant la crise sanitaire. Ambiguë, car de nombreux secteurs ont été inclus dans la liste des activités non-essentielles quand bien même leur activité réelle n’est en aucun cas utile à la gestion de la crise sanitaire. Par exemple, au moment du décret, l’industrie brassicole – production de bière – n’a pas été considérée comme non-essentielle et a continué à tourner avant d’être arrêté suite à de nombreuses réactions (notons que les fils du président AMLO détiennent une entreprise qui produit… de la bière). Les directions patronales des maquiladoras ont ainsi profité de la souplesse du décret pour continuer leurs activités productives. De plus, en complicité totale avec les directions patronales des usines, les autorités mexicaines se montrent très laxistes dans le respect et l’application du décret sur la définition des activités essentielles.
Rappelons que la production des usines du nord du Mexique, représente un secteur hautement stratégique pour l’impérialisme américain et le capitalisme mondial. Notamment pour la chaîne de valeur du secteur automobile. Ainsi, de nombreuses maquiladoras sont des usines d’assemblage automobile. La localisation de ce secteur du côté mexicain de la frontière américano-mexicaine, s’explique donc en grande partie pour l’intérêt qu’y trouvent les constructeurs automobiles américains comme Ford ou Chrysler : la grande proximité géographique avec le marché américain et la très faible réglementation en matière de droit du travail et de normes environnementales du Mexique, qui permet de produire à de faibles coûts sur le dos des travailleuses et travailleurs mexicains. Un cadre favorisé par les accords de libre-échange nord-américain entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Cet aspect stratégique pour les capitalistes nord-américains explique pourquoi l’activité continue de tourner quel qu’en soit le prix.
Face à l’attitude criminelle des directions des usines, les travailleuses et travailleurs de différentes maquiladoras ont commencé à s’organiser. Des épisodes de grèves et de rébellion ont eu lieu dans différentes usines de la frontière. Notamment dans les villes frontalières de Ciudad Juarez ou Mexicali.
Tout comme en France, la gestion de la crise sanitaire opérée par les autorités des pays touchés par la pandémie si elle révèle l’incompétence des Etats capitalistes à contenir l’épidémie, elle révèle surtout la véritable nature de classe des gouvernements du monde entier. De Lopez Obrador, le président mexicain, à Macron, le refus assumé ou non d’arrêter la production dans les secteurs non-essentiels confirme donc la fonction première des dirigeants mondiaux : gérer les affaires des capitalistes pour leur permettre de continuer à réaliser du profit, moyennant la vie de millions de travailleuses et travailleurs.