Tours de refroidissement d'une centrale nucléaire.

Alexis Legault et Rouvenn Mikaya, participants à la délégation jeune à l’UÉMSS

Cet article est tiré de l’atelier Non, le nucléaire ne sauvera pas le climat présenté par Global chance, le GSIEN et le Réseau sortir du nucléaire dans le cadre de l’Université des mouvements sociaux et des solidarités à Bobigny.


Dix ans seulement après la fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly-2, Hydro-Québec évalue depuis lors une éventuelle réouverture de cette centrale nucléaire située à Bécancour en plein centre du Québec, ce qui divise certains scientifiques et environnementalistes. Il apparaît donc essentiel de s’interroger sur les enjeux que soulèverait la poursuite d’un tel revirement de position pour le Québec.

Lors de cet atelier sur le nucléaire, les échanges ont porté autour des centrales et réacteurs nucléaires dans le monde en général et en France en particulier. Il en ressort toute une série de risques socio-environnementaux liés à ces exploitations nucléaires. Le fonctionnement des centrales nucléaires françaises consomme d’ailleurs de plus en plus d’uranium depuis le début de la guerre en Ukraine, cette dernière ayant entrainé un retour forcé à cette énergie dont la France s’était progressivement séparée.

En guise d’exemple, on prévoit la mise en service du projet CGIEO (Centre industriel de stockage géologique) pour l’année 2035. Ce sont donc des galeries qui seront nécessaires à l’enfouissement des déchets nucléaires dont l’activité à vie longue est considérée comme moyenne ou haute. La longueur de ses galeries atteindra les 270 km, dépassant ainsi la longueur totale du métro parisien (230 km).

De plus, l’usage d’énergie nucléaire implique certains enjeux liés à l’eau. En effet, le seuil de surveillance européen permet un niveau de radioactivité de l’eau 1 000 fois supérieur au taux normal de radioactivité retrouvé dans l’eau potable. Celui fixé par les normes sanitaires de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) permet quant à lui jusqu’à 100 000 fois plus de radioactivités.

Outre les infimes taux de « recyclage » des combustibles usés, l’enjeu colonial associé à l’extraction de l’uranium en est un qui ne peut être occulté. À ce chapitre, la France extrait actuellement 100% de l’uranium qui alimente son parc nucléaire, cette ressource provenant aux trois quarts du Kazakhstan, de l’Australie, du Niger et de l’Ouzbékistan1. Le Canada fait aussi partie de cette liste de pays dont le territoire alimente en uranium l’industrie française. La déstabilisation politique vécue actuellement au Niger ne peut qu’interroger l’influence sur le positionnement du gouvernement français des enjeux sociopolitiques au Niger d’une telle dépendance de la France vis-à-vis des ressources de ce pays.

En 2022, c’est près de la moitié de la cinquantaine de réacteurs français qui a dû être arrêtée pour des travaux de maintenance ou de réparation durant plusieurs mois2. Les inondations et les sécheresses qui s’accroissent représenteront, elles aussi, des défis additionnels pour l’industrie nucléaire, déjà en proie avec de nombreuses embuches.

Les émissions de gaz à effets de serre (GES) issus de l’extraction de l’uranium, qu’elles soient au Niger ou au Kazakhstan, sont visiblement « considérables », mais surtout « mal connues ». Plusieurs étapes du fonctionnement des centrales requièrent d’importantes productions d’énergie, et donc d’émissions de GES. Comparativement à l’industrie fossile, l’industrie nucléaire n’en demeure pas moins une industrie à faibles émissions, même si ces dernières ne peuvent être considérées comme négligeables. De plus, ces émissions se trouvent actuellement délocalisées dans des pays généralement plus pauvres, comme c’est le cas de la production de biens de consommation en Asie, laquelle est aussi fortement destinée à l’Occident.

Indépendamment du débat sur la place du nucléaire, il semble utile de rappeler que, dans l’optique d’une transition énergétique juste, seule une réduction massive de la consommation occidentale permettra de répondre véritablement aux besoins énergétiques de tous.

RÉFÉRENCES

  1. Breteau, P. (2022, 24 janvier). L’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire : un tour de passe-passe statistique. Le Monde. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/01/24/l-independance-energetique-de-la-france-grace-au-nucleaire-un-tour-de-passe-passe-statistique-et-100-d-importation_6110781_4355770.html []
  2. Fournasson, L. (2022, 26 novembre). Combien de réacteurs nucléaires du parc français sont actuellement à l’arrêt? Futurahttps://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/energie-nucleaire-reacteurs-nucleaires-parc-francais-sont-actuellement-arret-98669/ []