Les tours de refroidissement d'une centrale nucléaire. Crédit : Frédéric Paulussen sur Unsplash - https://unsplash.com/fr/photos/LWnD8U2OReU

Édouard de Guise et Robin Bonneau-Patry, participants à la délégation jeune à l’UÉMSS

Cet article est tiré des ateliers présentés par Global Chance, le Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN) et le Réseau Sortir du Nucléaire dans le cadre de l’Université des mouvements sociaux et des solidarités à Bobigny. Deux ateliers étaient présentés : «Non, le nucléaire ne sauvera pas le climat» et «Théatre-forum : comment répondre à son cousin jancovisiste».


Les liens étroits entre le nucléaire civil et militaire soulèvent des questions quant aux risques de prolifération et de détournement des usages militaires que pourrait entraîner le développement civil de cette forme d’énergie.

Le développement de l’énergie nucléaire à des fins d’alimentation énergétique civile implique nécessairement l’augmentation du nombre d’États qui ont accès à cette forme d’énergie potentiellement dangereuse. En effet, les liens entre les théories et connaissances scientifiques derrière ses usages civils et militaires sont trop ténus pour affirmer que l’accès de certains pays au matériel nucléaire tel des réacteurs ou de l’uranium peu enrichi ne puisse pas aboutir à un développement de l’arme nucléaire.

Historiquement, la vente de matériel nucléaire de la France vers l’étranger est un exemple probant de cette transition de l’énergie civile vers les usages militaires. Ainsi, après la construction d’un réacteur de recherche par la France en Israël en 1956 à Dimona1, les autorités israéliennes ont fait construire une usine d’extraction du plutonium – infrastructure pouvant également servir à la fabrication d’armes. Outre Israël, la France a vendu du nucléaire à des fins soi-disant civiles à l’Iran, l’Irak, le Pakistan, l’Inde et l’Afrique du Sud sous l’apartheid2. Ces États ont tous en commun de posséder, d’avoir possédé ou de chercher activement à développer l’arme nucléaire. Cette collaboration directe de la France n’est qu’un exemple parmi d’autres de la passerelle dangereuse qui existe entre les méthodes civiles et le développement militaire.

L’augmentation de la disponibilité de l’énergie nucléaire présente également un fort risque de détournement par des entités privées et/ou malveillantes des formes civiles. Des multinationales américaines, françaises, russes et chinoises se sont lancées récemment dans la course pour le développement de petits réacteurs modulaires nucléaires3. Ces derniers seraient perçus comme une solution électrique facile pour l’alimentation locale d’usines ou pour le remplacement de centrales thermiques. Or, la prolifération des petits réacteurs nucléaires démocratise dangereusement l’accès à cette technologie à haut risque. Elle rend également beaucoup plus difficiles la surveillance et le contrôle des installations nucléaires par l’État, augmentant considérablement les risques de mauvais entretien, de dommages et d’accidents. La démocratisation des réacteurs nucléaires augmenterait également les chances d’espionnage industriel, permettant à des entités malveillantes de soutirer des informations sensibles et de développer des technologies nucléaires à des fins de menace ou de violence.

Le débat entourant l’énergie nucléaire ne peut pas se limiter à la question environnementale qui en découle. Évidemment, c’est une source d’énergie dite « à émissions faibles ». Pour cette raison, certains croient que le nucléaire serait la panacée des problèmes environnementaux engendrés par les industries énergétiques. Or, il existe une dimension sécuritaire capitale, puisque le nucléaire est une technologie qui comporte un grand potentiel destructeur et qui requiert une maîtrise complète de son matériel.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrale_nucl%C3%A9aire_de_Dimona []
  2. https://www.monde-diplomatique.fr/1978/09/SCHISSEL/16853 []
  3. https://www.iaea.org/fr/themes/petits-reacteurs-modulaires []