Ousmane Sonko 19 juin 2023 à Dakar @Sidymguey, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons

Sérigne Saar

En vue de l’élection présidentielle du 25 février 2024 au Sénégal, 93 dossiers furent reçus par le Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé sur la valeur juridique des dossiers fournis par les candidatures. Or une vingtaine de candidatures seulement furent validées. Parmi celles écartées, il y a Karim Wade, fils et ministre de l’ex-président Abdoulaye Wade, et Ousmane Sonko, qui fut emprisonné l’an dernier et son parti le PASTEF dissous, pour son opposition à l’actuel président Macky Sall, 1, Rappelons que l’actuel président Macky Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019, a déclaré en juillet qu’il ne se représentera pas en février 2024, après avoir songé à modifier le constitution pour se prévaloir d’une troisième mandat. 

M. Sonko, le leader emblématique et populaire de l’opposition et de la jeunesse, a été débouté de son appel de la décision du Conseil constitutionnel, à cause de son emprisonnement l’an dernier, qui le disqualifierait pour cinq ans. La candidature du vice-président du parti de M. Sonko, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a quant à lui été validé, même s’il fut aussi emprisonné, car il n’aurait pas été encore jugé! Malgré la candidature de substitution, les chances d’Amadou Ba, le candidat du pouvoir, sont très importantes, si M. Sonko est définitivement écarté,

Le parrainage citoyen a servi à éliminer des dizaines d’autres candidats sur des bases aussi arbitraires qu’obscures. Ça en dit beaucoup sur les intentions réelles du régime du président Macky Sall, qui a la ferme intention de confisquer les suffrages des Sénégalais.es lors de l’élection présidentielle du mois prochain. Au-delà des légitimes ambitions présidentielles individuelles, qui relèvent de l’appréciation souveraine de chaque formation politique et de son équipe dirigeante, il ne faut pas perdre de vue que la résolution de la grave crise politique, que notre pays est en train de traverser, ne peut être qu’une œuvre collective impliquant les larges masses populaires.

Ce serait également une erreur que d’attendre l’entre-deux-tours pour nouer une alliance, non pas programmatique, mais simplement électorale, qui ne pourra déboucher que sur un énième gouvernement de partage du gâteau. Tous ces faits nous amènent à conclure que la probabilité d’une régression majeure de notre système électoral est très grande. Le risque d’un régime encore plus opaque et inéquitable a été favorisé avec l’introduction en 2021 d’une loi sur le parrainage citoyen. Rappelons que la Cour de Justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait pourtant demandé sa suppression le 21 avril 2021, considérant qu’elle « viole le droit de libre participation aux élections » !

En outre, on a observé durant les deux mandats du président Macky Sall des atteintes graves aux libertés, un nombre record de détenu.es politiques et des scandales récurrents, symptômes d’une mal-gouvernance endémique doublée d’une impunité garantie aux auteurs de crimes économiques et financiers.

  1. Pour en savoir plus sur les alternatives au Sénégal et sur Ousmane Sonko, voir Serigne Sarr 2023, Jamais la politique n’a causé autant de tort au Sénégal []