Venezuela : un appel à la solidarité internationale

Supporters of President Nicolas Maduro wave Venezuelan national flags during a rally in Caracas, Venezuela, Saturday, Feb. 2, 2019. Maduro called the rally to celebrate the 20th anniversary of the late President Hugo Chavez's rise to power. (AP Photo/Ariana Cubillos)

Oly Millán, Héctor Navarro, Esteban Emilio Mosonyi, Gustavo Márquez Marín, Ana Elisa Osorio, Juan García Viloria, Santiago Arconada Rodríguez, Roberto López Sánchez, Edgardo Lander, au nom de la Plateforme citoyenne pour la défense de la Constitution du Venezuela [1]

Caracas, janvier 2021

Depuis le début du processus bolivarien qui a commencé avec l’élection d’Hugo Chávez Frías à la présidence en 1998, de ses moments les plus démocratiques et participatifs jusqu’aux dérives autoritaires et répressives de ces dernières années, les États-Unis sont intervenus au Venezuela, soutenant politiquement et financièrement l’opposition d’extrême droite et menaçant le pays économiquement et militairement. Pendant des décennies, cette politique a été consensuelle au sein de l’élite politique états-unienne bien que, de manière générale, on a connu des niveaux plus élevés d’agressivité sous les administrations républicaines. Ainsi en 2002, le gouvernement de George W. Bush avait ouvertement soutenu le coup d’État raté et par la suite, la grève pétrolière de 2003. Avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, l’offensive contre le Venezuela s’est intensifiée. La politique dite du « regime change » affichait sa volonté de renverser le régime par tous les moyens, dont les menaces d’intervention militaire, l’imposition de sanctions économiques sévères et un soutien accru aux secteurs de l’extrême droite au Venezuela.

Aujourd’hui, les démocrates sont revenus au premier plan tant à la présidence que dans les deux chambres du Congrès. Certes, les démocrates sont divisés entre une droite traditionnelle et une aile progressiste renouvelée et en phase avec la montée extraordinaire de mouvements populaires progressistes tels que Black Lives Matter et toute une galaxie d’initiatives pour les droits des immigrants, des autochtones et des femmes. Ave cela, on peut être un peu optimistes quand aux possibilités de changement de la politique du gouvernement américain. L’espoir est également de voir un changement dans la politique états-unienne à l’égard du Venezuela. C’est dans ce contexte que nous appelons les forces progressistes, internationalistes et de gauche à relancer l’action de solidarité avec le peuple du Venezuela autour de revendications qui sont essentielles pour aider notre pays.

Mettre fin aux sanctions

Il faut immédiatement mettre fin aux sanctions économiques imposées depuis 2017. Bien que ces sanctions ne soient pas la seule cause de la grave crise économique et humanitaire que traverse le pays, elles ont joué un rôle majeur dans la création et l’aggravation de cette crise. Ces sanctions contribuent à la paralysie pratique de l’industrie pétrolière, qui pendant un siècle a été la principale source de revenus du pays et dont l’économie vénézuélienne est fortement dépendante. [2] L’accès au crédit international et les possibilités de renégociation de la dette extérieure ont été bloqués. De graves obstacles limitent l’importation de produits alimentaires et de médicaments de base, ainsi que de l’équipement et des pièces de rechange nécessaires à la revitalisation de l’appareil productif et à l’entretien des services essentiels du pays.

En raison de ces sanctions et de l’inefficacité et de la corruption du gouvernement vénézuélien, l’économie du pays est en déclin depuis sept ans. Aujourd’hui, le produit intérieur brut représente environ 30% de ce qu’il était il y a sept ans, d’où une grave crise alimentaire au Venezuela aujourd’hui [3] qui produit un niveau de malnutrition infantile aux dimensions dramatiques. Les services de santé et d’éducation, ainsi que la plupart des services publics, sont dans un état d’effondrement. Les peuples autochtones du Venezuela et l’environnement ont gravement souffert des politiques extractivistes, notamment dans la région de l’Arche minière de l’Orénoque. Dans ces conditions et en l’absence de perspectives de changement, plus de cinq millions de personnes (sur une population totale de 28 millions) ont quitté le pays ces dernières années.

Ces sanctions économiques constituent une violation flagrante du droit international, des droits de l’homme et des Conventions de Genève. Elles ne sont pas une alternative à la guerre, mais une forme de guerre. L’objectif des blocus et des sanctions économiques est de causer le plus de tort et de souffrance possible à la population du pays. Malheureusement, les sanctions ont été extrêmement efficaces. Devant cette situation, les sondages d’opinion indiquent systématiquement qu’une grande majorité de la population vénézuélienne (95%) rejette les sanctions contre l’économie du pays (qui n’ont pas les mêmes objectifs et finalités que les sanctions personnelles contre les représentants du gouvernement). [4]

En réalité, l’expérience accumulée partout dans le monde démontre l’inefficacité des sanctions économiques en termes de changement politique. Au contraire, elles permettent aux gouvernements soumis à ces sanctions de se soustraire à la responsabilité de leurs échecs en leur attribuant l’ensemble des problèmes vécus par la population.

D’autres mesures urgentes sont également nécessaires sur le plan économique :

  • Il faut Libérer les milliards de dollars et les avoirs appartenant à l’État vénézuélien qui ont été confisqués ou bloqués par le gouvernement des États-Unis. Des mécanismes peuvent être créés pour que, au moins dans un premier temps, ces fonds soient gérés conjointement avec les Nations Unies pour être consacrés à la réponse à la crise humanitaire. Dans le contexte de cette crise grave, aggravée par le COVID-19, la rétention de ces ressources constitue un acte ouvertement criminel.
  • Il faut supprimer le blocus de l’accès aux fonds provenant des organisations internationales telles que le FMI et d’autres organisations multilatérales, fonds auxquels l’accès de l’État vénézuélien est un droit légitime.

Mettre fin aux politiques de « regime change »

Il est nécessaire de retirer la reconnaissance de Juan Guaidó en tant que président légitime du Venezuela. Celui-ci manque à la fois de légitimité institutionnelle et de soutien populaire. Le mandat de l’Assemblée nationale dont il était président a pris fin en janvier 2020. Actuellement, il n’exerce aucun poste électif. Selon la dernière enquête de Datanálisis, 67,4% de la population a une opinion négative de la contribution de Guaidó au bien-être du pays.

Ce n’est pas au gouvernement des États-Unis de décider qui doit gouverner le Venezuela. C’est une décision souveraine qui n’appartient qu’aux Vénézuéliens. Au-delà des discours, l’histoire de la politique américaine envers l’Amérique latine peut être caractérisée par tout sauf des objectifs démocratiques. À maintes reprises, des gouvernements démocratiques aux orientations populaires comme celui de Jacobo Árbenz au Guatemala ou de Salvador Allende au Chili ont été renversés avec l’intervention directe des États-Unis. Parallèlement, des gouvernements autoritaires et génocidaires comme celui de Pinochet au Chili et de la junte militaire argentine avaient leur plein appui. La politique de changement de régime n’est pas guidée par des motivations démocratiques, mais par l’objectif d’écraser, tant dans la population vénézuélienne que dans l’ensemble de l’Amérique latine, toute idée de changements possibles qui iraient à l’encontre des intérêts des groupes hégémoniques aux États-Unis. L’idée de changement de régime ne cherche pas seulement la substitution d’un président, mais la défaite de tout imaginaire de transformation possible.

Nous demandons donc au gouvernement américain de renoncer à ses politiques envers l’Amérique latine, notamment celles qui visent à instrumentaliser les communautés immigrantes vénézuéliennes et cubaines en Floride.

C’est aux Vénézuéliens de décider

Le peuple vénézuélien a le droit de décider souverainement de son destin. En 2020, le gouvernement américain est systématiquement intervenu, faisant pression sur l’opposition radicale de droite pour qu’elle rejette toute solution négociée. Cela a conduit l’opposition à refuser de participer aux élections, dans l’espoir de précipiter la chute du gouvernement. Le refus bloquait systématiquement toute possibilité de négociation.

Aujourd’hui, la majorité de la population vénézuélienne souhaite un changement de gouvernement. 92% de la population a une perception négative de la situation dans le pays, et 82% ont une évaluation négative de Nicolás Maduro en tant que président. Comme mentionné ci-dessus, plus des deux tiers de la population ont également une opinion négative de Juan Guaidó. La population veut du changement, mais pas n’importe comment. Les alternatives violentes à la situation actuelle sont très majoritairement rejetées, que ce soit via une guerre civile ou une intervention militaire extérieure. Les gens ne sont pas dupes, ils savent ce qui est arrivé en Irak, en Syrie, en Libye et en Afghanistan. Tous les sondages d’opinion indiquent que la majorité de la population vénézuélienne aspire à parvenir à un accord politique, à une solution démocratique, constitutionnelle et électorale à la crise vénézuélienne actuelle. Chaque fois que cette possibilité est apparue à l’horizon (comme ce fut le cas dans les négociations parrainées par le gouvernement norvégien), elle a été bloquée par le gouvernement des États-Unis.

Nous pensons que la solidarité de la gauche américaine et internationale est fondamentale pour que cette politique change et qu’on remettre de l’avant des solutions visant à aider le Venezuela à sortir de la crise.

NOTES

[1]  La Plate-forme citoyenne pour la défense de la Constitution est un collectif politique de gauche qui lutte depuis 5 ans pour la récupération de la Constitution de 1999 qui est ignorée et systématiquement violée, à la fois par le gouvernement de Nicolás Maduro et par secteurs de l’opposition de droite, avec le soutien du gouvernement des États-Unis.

[2]https://www.wola.org/2020/10/new-report-us-sanctions-aggravated-venezuelas-economic-crisis/

https://www.wola.org/wp-content/uploads/2020/10/Oliveros-Resumen-FINAL.pdf

https://cepr.net/images/stories/reports/venezuela-sanctions-2019-04.pdf

[3]http://www.fao.org/3/cb1907en/CB1907EN.pdf

[4] Analyse de données.  Enquête nationale omnibus , Caracas, octobre 2020.  https://p7adpx5pkjd6.cdn.shift8web.com/wp-content/uploads/2020/11/Informe-Oe%CC%8Cmnibus-Octubre-2020-PROFIT_compressed.pdf