France: vers une crise du logement encouragée par l’État

"Face à la crise du logement: squattons" Paris, rue du Chemin-Vert, Juin 2013 Crédit : Ittmust via Flickr CC BY-SA 2.0 https://www.flickr.com/photos/66944824@N05/9026392051

Alexis Legault et Rouvenn Mikaya, participants à la délégation jeune à l’UÉMSS 


Cet article présente le contenu de l’atelier Les locataires s’organisent contre les hausses de charges, de loyers et les expulsions présenté à l’initiative d’Alliance Citoyenne, Comités Droit au logement (DAL); Plateforme Logement des mouvements sociaux dans le cadre de l’Université des mouvements sociaux et des solidarités (UÉMSS).


Dans une France où le déséquilibre entre l’offre et la demande de logements ne fait que s’accentuer depuis la pandémie de COVID 19, les personnes vulnérables, vivant pour la plupart en banlieue, ne cessent de voir leur situation se détériorer du fait notamment des nouvelles réglementations que mettent en place les pouvoirs publics. Depuis des mois, les loyers et les charges explosent. La récente annonce d’une nouvelle augmentation de 3,5 % de l’indice des loyers et la loi Kasbarian-Bergé laissent craindre une vague massive d’expulsion. Le nombre de 17 000 expulsions manu militari en 2022 était déjà en hausse constante depuis des décennies. C’est dans ce cadre que plusieurs acteurs sociaux se lèvent pour dénoncer le rôle de l’État, entre autres par l’organisation de manifestations, dans l’accroissement des iniquités d’accès au logement.

En effet, les organisations françaises engagées dans les luttes contre les inégalités liées au logement, comme les Comités DAL, l’Alliance Citoyenne et la Plateforme Logement des mouvements sociaux, dénoncent les mesures prises par le gouvernement avec l’adoption de la loi Kasbarian-Bergé. Ces groupes affirment que celles-ci favorisent globalement une augmentation des loyers tout en encourageant les procédures d’expulsions.

Adoptée le 27 juillet 2022, cette loi, dont l’objet est décrit comme la protection des logements contre l’occupation illicite, facilite les mécanismes d’expulsion. Plus précisément, la suspension d’une expulsion par un juge devient impossible et les fragiles mécanismes de prévention des expulsions se trouvent désamorcés. La loi s’est ainsi retrouvée au cœur de houleux débats et contestations.

Des dizaines d’associations, de syndicats et de collectifs ont publiquement fait connaître leur opposition à cette loi, laquelle prévoit notamment des amendes pouvant aller jusqu’à des dizaines de milliers d’euros, voire des peines de prison pour les personnes sans domicile fixe qui trouveraient refuge dans des bâtiments inoccupés1. De plus, la loi vient criminaliser de la même manière l’occupation d’un lieu de travail qui surviendrait dans le cadre d’un mouvement de protestation sociale. Les amendes prévues pour les personnes qui, faute d’alternative sécuritaire, demeureraient dans un appartement après avoir reçu une décision d’expulsion ont été augmentées jusqu’à un lourd 7 500 € (près de 12 000 $ CAN).

Les groupes de défense des droits des personnes locataires décrient également une entrave à leur rôle d’accompagnement et d’information des personnes qui ne disposent pas d’un domicile permanent, puisque la loi introduit de nouveaux délits de publicité pouvant faciliter le squat. Pour ces groupes, c’est le pacte social même qui est mis en péril par la mise en application de telles mesures de répression vis-à-vis des personnes sans domicile fixe ou mal-logé, déjà précarisées et soumises à des rapports de force particulièrement inégaux avec les propriétaires.

De telles dispositions prévues à l’encontre des locataires laissent planer peu de doute sur les intentions du gouvernement en place. Dans un contexte socioéconomique difficile, l’État français a choisi de venir en aide aux propriétaires plutôt qu’aux locataires. Une levée de boucliers de la sorte chez les groupes de défense des locataires fait clairement écho à ce constat. Le droit au logement est un droit fondamental qui tend trop souvent à être balayé du revers de la main par les gouvernements.

Le manque de moyens financiers ne devrait en aucun cas être un motif justifiable pour pousser une personne à la rue, et mettre des bâtons dans les roues des groupes qui ont pour mission d’accompagner les personnes les plus vulnérables de nos sociétés est un acte inadmissible. La priorité de tout gouvernement devrait être non pas d’accourir au secours de ceux qui possèdent suffisamment de toits pour en faire payer la location à autrui, mais de ceux qui n’en ont aucun.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. https://www.droitaulogement.org/2023/05/la-loi-kasbarian-berge-cest-la-repression/ []