Adam Baltner, Jacobin, traduction Johan Wallengren pour JdA-PA

Pendant des années, les sociaux-démocrates autrichiens ont souscrit aux dogmes du marché libre et perdu de plus en plus de voix au sein de la classe ouvrière. Or, Andreas Babler, candidat de l’aile gauche du parti social-démocrate autrichien (SPÖ), vient de devenir le chef de ce parti – et promet de changer la donne politique de son pays.

La candidature d’Andreas Babler à la présidence du Parti social-démocrate autrichien a pu faire penser à une rengaine familière où l’espoir de départ se transforme en inévitable déception. C’est sûr que pendant les dix semaines de sa campagne pleine de fougue et de défiance, l’homme campé à gauche a définitivement su raviver la flamme de son côté de l’échiquier. Reste qu’au congrès du parti à Linz, le samedi 3 juin, ces efforts ont semblé ne pas avoir été couronnés de succès. Une fois que les 600 délégués et quelques eurent voté, il a été annoncé que Babler avait récolté 47 % des voix, passant à deux doigts de la victoire. C’est son opposant, Hans Peter Doskozil, figure de proue de l’aile droite du parti, qui a été déclaré gagnant.

Ensuite, coup de théâtre, peu après la publication des résultats, le présentateur de la télévision publique Martin Thür a signalé sur Twitter que la somme des votes valides et non valides ne correspondait pas au nombre total de voix exprimées. Le lundi après-midi, la directrice de la commission électorale du SPÖ, Michaela Grubesa, a annoncé qu’un recomptage avait mis au jour une erreur encore plus consternante: les totaux des voix des candidats avaient été intervertis lors de leur saisie dans un fichier Excel.

Le lendemain, Madame Grubesa – membre du parlement de Styrie et compagne de Max Lercher, le directeur de campagne de Doskozil, l’adversaire de Babler – a annoncé qu’elle quittait son poste de directrice de la commission électorale. Un troisième recomptage a ensuite été effectué et, finalement, la confirmation officielle est arrivée : Babler avait en fait obtenu 53 % des voix, accédant de fait à la présidence de son parti.

Un chef du SPÖ socialiste

Cette histoire peut paraître incroyable, mais elle l’est moins que le simple fait qu’un homme politique avec le profil de Babler soit aujourd’hui à la tête du SPÖ.

Âgé de cinquante ans et maire de Traiskirchen, une banlieue de Vienne d’un peu moins de 19 000 habitants, Babler peut être considéré comme le Bernie Sanders ou le Jeremy Corbyn autrichien. Ancien secrétaire de la Jeunesse socialiste autrichienne et vice-président de l’Union internationale de la jeunesse socialiste, il s’est converti au socialisme, embrassant la pensée marxiste, à la fin de son adolescence et au début de la vingtaine. Pourtant, contrairement à de nombreux dirigeants sociaux-démocrates d’aujourd’hui, qui ont commencé par être de jeunes radicaux pour ensuite mettre de l’eau dans leur vin, Babler est resté fidèle à ses engagements idéologiques.

Contrairement à de nombreux dirigeants sociaux-démocrates d’aujourd’hui, qui ont commencé par être de jeunes radicaux pour ensuite mettre de l’eau dans leur vin, Babler est resté fidèle à ses engagements idéologiques de jeunesse.

Au moins depuis les années 1990, le SPÖ a suivi une voie néolibérale n’offrant aucune perspective de transformation sociale fondamentale. Or, Babler se décrit encore comme un socialiste et a, ici et là, eu quelques mots pour le marxisme, qu’il a lors d’une apparition récente à la télévision décrit comme « une bonne lorgnette pour observer le monde ». Dans ses discours et entrevues, il met également l’accent sur la riche histoire du SPÖ en tant que parti ouvrier ainsi que sur son propre parcours, son enfance dans une famille ouvrière et son expérience d’ancien machiniste travaillant dans une usine. Un tel vécu contextualise l’approche politique qu’il a fait sienne et qu’il présente comme un retour aux racines radicales de la social-démocratie.

Du jamais vu

La victoire de Babler est d’autant plus extraordinaire que les présidences du SPÖ ne sont normalement pas élues à un congrès du parti. En fait, tout se passe habituellement à huis clos, le choix étant fait sur la base d’une sélection préalable par d’autres initiés, après quoi des élections de façade sont organisées au congrès, sans confrontation entre les candidats. Or, après que le SPÖ a subi de lourdes pertes aux élections régionales en Basse-Autriche et en Carinthie au début de l’année, le parti a pris une décision sans précédent à l’approche de son congrès du 3 juin à Linz, statuant que les membres pourraient cette fois voter pour désigner celui ou celle qui, selon eux, devrait diriger le parti.

Dans des circonstances normales, il aurait été difficile d’imaginer qu’une personnalité telle que Babler devienne un jour président des sociaux-démocrates.

Cette mise au vote par les membres a été conçue comme un moyen de mettre fin aux guerres de factions s’étalant sur des années et débordant sur la place publique telle que celle ayant opposé la présidente du parti, Pamela Rendi-Wagner, au gouverneur du Burgenland, Doskozil. Or, Babler a saisi cette occasion pour lancer sa propre campagne. Soudain, le duel tant attendu s’est transformé en une compétition à trois, et le candidat de l’ombre a semblé avoir une chance décente de l’emporter. Le « différend directionnel » qui minait les relations entre le professeur en épidémiologie Rendi-Wagner et l’ancien chef de la police du Burgenland Doskozil se résumait essentiellement à des mésententes concernant la stratégie électorale, mais ne remettait pas en cause le programme politique. L’ancien ouvrier d’usine Babler, en revanche, paraissait pouvoir offrir aux membres insatisfaits une option faisant une réelle différence.

Pendant des années, Rendi-Wagner a fait corps avec la tentative du SPÖ de séduire davantage les classes moyennes urbaines et éduquées d’Autriche en jouant la carte libérale technocratique. Quant à Doskozil, il a cherché à se démarquer par un discours axé sur la loi et l’ordre émaillé de remarques acerbes sur les migrations en espérant gagner à sa cause les troupes de la classe ouvrière de souche ayant rejeté le SPÖ en faveur du Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ), situé à l’extrême droite.

Ces deux candidats ne se sont toutefois pas opposés à l’orientation néolibérale du parti. En fait, tant sur le plan de la politique économique que sur celui des migrations, il n’y avait guère de différence substantielle entre les deux projets. Par contre, Babler se démarquait nettement du « néolibéralisme de gauche » de Rendi-Wagner et du « néolibéralisme de droite » de Doskozil, de par ses revendications et son insistance sur le besoin d’un changement de système économique. « Il est grand temps de remettre en question le système. Nous avons besoin de nouvelles règles pour notre économie et notre société », pouvait-on lire sur son site web de campagne.

Pendant des années, la cheffe sortante Pamela Rendi-Wagner a fait corps avec la tentative du parti de séduire davantage les classes moyennes urbaines et éduquées d’Autriche en jouant la carte libérale technocratique.

Axée sur cette vision de la « politique devant remonter par les racines », la campagne de Babler s’est concentrée sur la mobilisation du noyau dur du SPÖ. Dans les quelques jours qui se sont écoulés entre le début de la course à la chefferie et la date limite de participation de nouveaux membres, près de dix mille personnes ont adhéré au SPÖ – et il y a lieu de penser que l’arrivée d’un candidat qu’on n’avait pas vu venir a été déterminante. Pendant la campagne, à la fin d’avril et au début de mai, Babler a sillonné l’Autriche, prononçant devant des milliers de partisans enthousiastes des discours sur ses objectifs d’élimination de la pauvreté infantile, de réduction de la semaine de travail avec maintien de l’intégralité du salaire et de satisfaction des besoins élémentaires – tels que ceux du logement et de l’énergie – à l’abri des pressions du marché. Sa campagne a fait souffler un vent d’optimisme au sein de la gauche autrichienne (à l’intérieur comme à l’extérieur du SPÖ).

Étonnamment, lorsque les résultats ont été annoncés le 22 mai, les trois candidats se sont vu attribuer presque exactement un tiers des voix chacun. Babler est arrivé en deuxième position avec un score de 31,51 %, inférieur de deux points à celui de Doskozil (33,68 %) et à peine supérieur à celui de Rendi-Wagner (31,35 %). Cette dernière, qui a clairement perdu son hégémonie au sein de la base du parti malgré un soutien d’une partie importante de sa bureaucratie, est la seule qui soit ressortie clairement perdante de ce mouchoir de poche – et elle a jeté l’éponge. Babler a quant à lui annoncé qu’il poursuivait sa campagne, se présentant contre Doskozil devant le congrès du parti.

Bien qu’une victoire de Babler fût loin d’être acquise, celui-ci espérait pouvoir bénéficier de l’enthousiasme généré par sa campagne, mais comptait aussi convaincre les délégués « pragmatiques » du camp de Rendi-Wagner de voter contre leur ennemi juré, Doskozil – et ce calcul s’est avéré payant.

Bablers et l’assise du pouvoir

Si Babler veut vraiment ramener le SPÖ à ses racines, à ses sources de parti ouvrier, son élection à la présidence du parti ne marquera que le début d’une lutte beaucoup plus longue susceptible de s’étaler sur des années.

Le SPÖ est un parti très bureaucratique comprenant des politiciens élus à divers niveaux et des fonctionnaires professionnels. Ceux qui critiquent ouvertement la ligne (néolibérale) du parti ne progressent généralement pas beaucoup au sein de ses structures tentaculaires. De nombreuses personnalités de haut rang du SPÖ sont avant tout soucieuses du maintien de leur propre pouvoir et ne partagent ni la conception de la social-démocratie de Babler, ni sa vision pour le parti. La victoire extrêmement serrée de Babler lors du congrès du parti en dit long : il ne se serait jamais autant approché de la proportion de 50 % des délégués si son adversaire n’avait pas été carrément méprisé par certains cercles de la bureaucratie du parti, pour des raisons interpersonnelles.

Babler a sillonné l’Autriche, prononçant des discours sur ses objectifs devant des milliers de partisans enthousiastes.

Mais le plus grand obstacle à la tentative de Babler de transformer le SPÖ pourrait bien venir de la base du parti. Babler a certes rallié un tiers des membres, mais les représentants des deux variantes du néolibéralisme se présentant contre lui ont au final cumulé les deux tiers des voix. Cela ne signifie certainement pas que le gros de la base du parti est en faveur du néolibéralisme; le fait que les voix se soient réparties en trois blocs presque parfaitement égaux est plutôt le signe d’une désorientation idéologique générale. Cette désorientation, la direction du parti s’en est bien accommodée pendant des décennies, s’abstenant d’offrir une vision politique cohérente.

À l’heure actuelle, la dépolitisation de la base du parti représente un danger pour le projet de Babler. Le manque de cohésion facilitera en effet la tâche à ses adversaires au sein du parti qui chercheront à ouvrir des brèches dans cette base en manipulant des questions sensibles avec l’aide de la presse bourgeoise – c’est exactement ainsi que le dilemme du Brexit a été instrumentalisé pour déstabiliser Jeremy Corbyn. Cette stratégie a déjà été déployée la semaine précédant le congrès du parti, lorsque divers médias ont soudainement fait état d’une entrevue en balado datant de 2020 dans laquelle Babler critiquait l’Union européenne (UE) en la qualifiant d’ « alliance militaire la plus agressive qui ait jamais existé » et de « pire que l’OTAN ».

Bien que ces remarques puissent être considérées quelque peu corsées, il est essentiel de comprendre que l’objectif de telles attaques médiatiques est de nier toute légitimité à des personnalités telles que Babler, qui osent contredire le consensus néolibéral. On en a d’ailleurs eu une illustration patente, puisque celui-ci a été visé par une salve d’éditoriaux dont les auteurs, vindicatifs, se préoccupaient moins de la validité de ses déclarations que de savoir si ses propos pouvaient lui barrer la route de la présidence du SPÖ.

La dépolitisation de la base du parti représente un danger pour le projet de Babler. Le manque de cohésion facilitera en effet la tâche à ses adversaires au sein du parti qui chercheront à ouvrir des brèches dans cette base en manipulant des questions sensibles avec l’aide de la presse bourgeoise.

Vu les fondements antidémocratiques de l’UE et l’orientation libérale et axée sur le marché de cette institution, une critique de celle-ci est une nécessité fondamentale pour tous les partis politiques européens qui s’efforcent réellement d’obtenir une transformation sociale progressiste – indépendamment des demandes concrètes que ces partis formulent sur la base de leurs critiques. S’il est vrai que l’UE est souvent la cible des forces d’extrême droite dans le débat contemporain, il ne s’ensuit pas que les partis progressistes doivent éviter de critiquer cette institution depuis le champ gauche. Au contraire, il serait désastreux de laisser cette question importante à la droite.

Lorsque des acteurs cyniques attaquent Babler en dénonçant ses opinions sur ces questions ainsi que sur d’autres dossiers sensibles, il ne s’agit pas simplement pour lui de faire marche arrière. Cela aurait pour effet d’enhardir ses adversaires au lieu de calmer leurs ardeurs. Au contraire, il doit être capable de se tenir debout et d’expliquer sa position d’une manière calme et posée à son véritable public : la majorité de la classe ouvrière de la société autrichienne. S’il y parvient, il pourrait réussir à repolitiser la base du SPÖ et à former une véritable assise susceptible de servir de contrepoids à la bureaucratie hostile du parti et au quatrième pouvoir.

Une opportunité de renverser la vapeur

L’élection de Babler à la présidence du SPÖ est intervenue à un moment à bien des égards unique dans l’histoire politique autrichienne. Premier fait à signaler, le parti d’extrême droite FPÖ s’envole ces derniers temps dans les sondages, qu’il domine depuis des mois, se maintenant juste sous la barre de 30 %. Cette situation n’est en soi pas inédite pour l’Autriche, mais l’arrivée au pouvoir d’un chancelier issu du FPÖ aux prochaines élections, qui doivent se tenir d’ici à l’automne de 2024, n’a jamais eu autant de chances de se réaliser.

La dernière fois que le FPÖ a été gratifié de chiffres similaires dans les sondages, c’était au printemps de 2017 – peu avant que le jeune et sémillant politicien radicalement anti-migrations Sebastian Kurz n’arrive à la tête du Parti populaire autrichien (ÖVP), historiquement de centre droit, avec phagocytions d’un bloc important de l’électorat du FPÖ à la clé. Rappelons cependant que Kurz a été relégué aux oubliettes après avoir été contraint de démissionner il y a deux ans à la suite d’une série de scandales de corruption. Ajoutons qu’il demeure peu probable que l’histoire se répète et qu’une autre personnalité exceptionnellement populaire se manifeste à son tour avant les élections pour sauver l’ÖVP de l’anémie.

Pendant des années, Herbert Kickl a été considéré comme l’idéologue dominant du FPÖ. Si celui-ci devait accéder au poste de chancelier autrichien, les retombées seraient catastrophiques pour la classe ouvrière, les droits des femmes et des migrants, et potentiellement aussi la démocratie autrichienne. Toutefois, Kickl et le FPÖ pourraient trouver en Babler un adversaire de taille qui se préoccupe de manière authentique et terre-à-terre des réalités précises qui sont à l’origine du ressentiment croissant à l’égard de la politique traditionnelle.

Certains pourront estimer que l’existence d’un tel ressentiment positionne un parti belliqueux tel que le FPÖ comme une solution de rechange viable, mais les extrémistes de droite n’ont rien à offrir à la grande majorité des Autrichiens, pas la moindre proposition concrète pour remédier à la crise actuelle du coût de la vie, entre autres problèmes. Ce constat est souvent scandé par des gens de gauche ostensiblement portés sur l’idéologie, mais l’évidence pourrait bien s’imposer aussi à un spectre beaucoup plus large de la population si Babler réoriente le débat public vers des questions telles que l’augmentation des loyers, des prix des aliments et des factures d’énergie.

Les extrémistes de droite n’ont rien à offrir à la grande majorité des Autrichiens, pas la moindre proposition concrète pour remédier à la crise actuelle du coût de la vie.

Propulsé à la tête de l’un des plus grands partis autrichiens, Babler se trouve dans une position optimale pour renouveler le débat dans tout le pays. Les médias importants se voient maintenant obligés de discuter de ses propositions de politiques visant à opérer une redistribution économique à grande échelle. On peut compter sur les commentateurs médiatiques habituels pour réduire ces propositions à des lubies que voudrait imposer un Rouge naïf. Mais si Babler résiste aux pressions pour édulcorer son programme, il pourrait élargir l’horizon politique de bien des gens. Et cela profiterait à la gauche dans son ensemble.

Cela a d’autant plus d’importance qu’il y a eu un autre nouveau développement : la renaissance du Parti communiste autrichien (KPÖ) au cours des dernières années. Après sa victoire-surprise aux élections municipales de Graz en 2021 et son entrée stupéfiante au Landtag de Salzbourg en avril de cette année, le KPÖ jouit d’une présence nationale pour la première fois depuis qu’il a quitté le parlement national en 1959. Plus en vue, il voit le nombre de ses membres augmenter, et on peut s’attendre à ce que les communistes réalisent des gains substantiels lors de diverses élections municipales et régionales en 2024. Notons par ailleurs que depuis les élections du Land de Salzbourg, le KPÖ obtient entre 3 et 7 % dans les sondages nationaux, ce qui lui donne réalistement une chance de dépasser la barre des 4 % et de revenir au parlement après soixante-cinq ans d’absence.

Si Babler remporte une victoire durable contre les adversaires de son parti et renouvelle le SPÖ en tant que parti ouvrier, le KPÖ pourra voir en lui un partenaire approprié au niveau national. Mais dans un avenir prévisible, la tâche du KPÖ reste de construire une force indépendante et idéologiquement résolue positionnée à la gauche du mouvement social-démocrate – une force qui ne se contente pas de critiquer le capitalisme sous sa forme néolibérale, mais qui plaide en faveur d’un système économique fondamentalement différent, fondé non pas sur la recherche du profit, mais sur la satisfaction des besoins humains.

Si le SPÖ de Babler devait arriver en tête aux élections et décidait ensuite, pour obtenir une majorité gouvernementale, de former une coalition soit avec les Verts, soit avec le parti libertaire NEOS, voire avec l’ÖVP – des scénarios qui ne sont pas totalement inimaginables, pour des raisons mathématiques – le KPÖ serait plus utile que jamais au parlement pour permettre à la gauche de constituer une opposition crédible. Et si les choses devaient se passer autrement, le FPÖ pourrait continuer de se présenter comme la seule voie autre que le statu quo et se renforcer davantage.

Selon l’analyse la plus largement partagée, il eût été préférable pour le KPÖ que ce soit Doskozil et non Babler qui soit élu à la tête du SPÖ : l’ex-policier aurait poussé les électeurs de l’aile gauche du SPÖ dans les bras du KPÖ et assuré le retour de ce dernier au parlement; en tout cas on pourrait poser l’hypothèse. Mais la réalité est plus nuancée. Bien que Doskozil soit impopulaire auprès des « gauchistes » du SPÖ, il est fort probable que nombre d’entre eux auraient de toute façon voté pour leur parti en ayant pour objectif d’empêcher la victoire du FPÖ.

Qui aurait pu imaginer, il y a quelques années, qu’en Autriche – un pays phare du populisme de droite en Europe – un tel renouveau de la gauche puisse même relever du possible ?

Même si Babler est attaché des priorités politiques en termes de classe qui peuvent en rejoindre certaines du KPÖ, ce dernier pourrait à long terme bénéficier d’une éventuelle polarisation de la population autour de ces questions politiques. On n’observe rien de comparable du côté droit de la scène politique, l’extrême droite n’ayant jamais souffert bien longtemps lorsque les conservateurs se sont approprié ses positions, comme le montrent les sondages actuels.

Lors de la prochaine campagne électorale nationale, le KPÖ devra faire valoir qu’il a représenté avec succès les intérêts des travailleuses et des travailleurs depuis déjà un certain temps et qu’il a remporté de nombreuses victoires tangibles, aussi bien en tant que parti de gouvernement au niveau municipal qu’en tant que force d’opposition. S’il procède ainsi, il pourrait être en mesure de rallier de nombreux électeurs n’étant pas, pour une raison ou une autre, prêts à faire confiance au SPÖ, et élargir ce faisant le camp de la gauche en Autriche.

Tant le KPÖ que l’aile gauche du SPÖ se trouvent aujourd’hui au seuil de luttes difficiles qui ne se décideront pas du jour au lendemain. Mais qui aurait pu imaginer, il y a quelques années, qu’en Autriche – un pays phare du populisme de droite en Europe – un tel renouveau de la gauche puisse même relever du possible ?