Climat : 40 ans d’alertes des scientifiques et d’immobilisme de nos dirigeants

RACHEL KNAEBEL, Basta,

Le dernier rapport du Giec sur le climat est encore plus alarmant que les précédents. Cela fait des décennies que les chercheurs avertissent sur le réchauffement dû aux gaz à effet de serre, et que les États ne réagissent presque pas. Chronologie.

Le dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), rendu public cet été, le répète : les effets du dérèglement climatique sont déjà là, ils sont graves, et sans une réduction rapide et drastique des émissions de gaz à effet de serre, la situation va devenir catastrophique. « L’ampleur des changements récents dans l’ensemble du système climatique est sans précédent depuis des siècles. Il est incontestable que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres », constate le Giec. Ce nouveau rapport est un « code rouge pour l’humanité » a réagi Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU . Entre les mégafeux qui ont ravagé des zones entières de pays méditerranéens, les inondations qui ont tué des centaines de personnes en Belgique, en Allemagne, et en Chine, et des températures à 50 degrés dans le nord des États-Unis, au Canada, en Europe… les événements climatiques de l’été sont venus confirmer en temps réel l’état des lieux dressé par les scientifiques.

« Le rapport prévoit qu’au cours des prochaines décennies, les changements climatiques s’accentueront dans toutes les régions. Pour 1,5°C de réchauffement planétaire, les vagues de chaleur, les saisons chaudes plus longues et les saisons froides plus courtes seront de plus en plus nombreuses. Mais il ne s’agit pas seulement de température », dit encore le Giec. À quoi doit-on s’attendre en plus ? À « des précipitations plus fortes et des inondations associées, ainsi qu’une sécheresse plus intense dans de nombreuses régions », et à « une élévation continue du niveau de la mer tout au long du 21ème siècle, contribuant à des inondations côtières plus fréquentes et plus graves dans les zones de faible altitude et à l’érosion côtière. » Certaines de ces transformations sont, déjà, irréversibles : « De nombreux changements dus aux émissions passées et futures de gaz à effet de serre sont irréversibles pendant des siècles, voire des millénaires, en particulier les changements dans les océans, les calottes glaciaires et le niveau global des mers. »

Cette alerte du Giec est-elle inédite ? Non. Cela fait trois décennies qu’il tire la sonnette d’alarme sur l’arrivée et la réalité du changement climatique, dû aux émissions de gaz à effet de serre. Des scientifiques l’avaient même précédé, et ce dès les années… 1950. Ces alertes ont-elles été suivies jusqu’ici d’actions concrètes de nos dirigeants ? Non plus, ou si peu.

Chronologie

1956 : « La température à la surface de la terre augmenterait de 3,6°C »

Au milieu des années 1950, le chercheur canadien Gilbert Plass publie plusieurs articles sur une possible augmentation de la température terrestre due aux émission humaines de gaz à effet de serre. « Les derniers calculs montrent que si la teneur en dioxyde de carbone dans l’atmosphère doublait, la température à la surface de la terre augmenterait de 3,6°C », écrit-il dans « Le dioxyde de carbone et le climat », en 1956 [1].

1965 : La Maison Blanche s’inquiète

Le président des États-Unis, Lyndon Johnson, commande à son comité consultatif scientifique un rapport sur le sujet. Le document met en garde le gouvernement contre la fonte rapide de l’Antarctique, l’élévation du niveau des mers, et des changement de températures que pourrait causer la hausse des émissions de CO2 [2].

1971 : « Urgence croissante à agir avant que certaines forces dévastatrices ne soient mises en mouvement »

Dans un livre coordonné par le Massachusetts Institute of Technology, Rapport de l’étude de l’impact de l’homme sur le climat [3], 30 spécialistes mondiaux du cycle du carbone et du climat affirme que : « Nous connaissons suffisamment le fonctionnement du climat et la construction des modèles climatiques pour reconnaître la possibilité d’un changement climatique d’origine humaine. » L’étude conclut qu’une « course contre la montre climatique » s’est engagée : « Nous sommes convaincus que l’homme peut influencer le climat et nous espérons que le rythme des progrès de notre compréhension pourra suivre l’urgence croissante à agir avant que certaines forces dévastatrices ne soient mises en mouvement – des forces que nous pourrions être impuissants à inverser. » Suite à cette synthèse, deux recommandations appelant à la vigilance sur les évolutions de l’atmosphère et à plus de recherches sur le climat sont émises lors du premier sommet mondial sur l’environnement organisé par les Nations unies à Stockholm en 1972 [4].

1979 : Première conférence internationale sur le climat

Dans les deux décennies qui suivent, d’autres scientifiques travaillent sur la question de l’effet des gaz à effet de serre sur le climat. « À peu près tout ce que nous comprenons du réchauffement climatique à l’heure actuelle était déjà compris en 1979. Et peut-être même mieux compris », écrit le journaliste Nathaniel Rich dans son livre Perdre la terre [5].

Un rapport de l’Académie nationale des sciences des États-Unis, publié en 1979 estime déjà qu’il est hautement crédible qu’une augmentation du CO2 dans l’atmosphère entraînera un réchauffement planétaire [6]. En cas de doublement du niveau de CO2, « les modélisation les plus réalistes prévoient un réchauffement global de la surface de la terre compris entre 2°C et 3,5°C », dit le rapport conduit par le météorologue Jule Charney. Les experts envisagent, compte tenu du rythme de l’époque d’augmentation des émissions, un doublement du niveau de CO2 d’ici à 2030. Le chercheur prévient aussi qu’une politique d’attentisme sur le sujet reviendrait à attendre « jusqu’à ce qu’il soit trop tard ». Rétrospectivement, même si elle avait un peu surestimé la croissance exponentielle des émissions, cette mise en garde de 1979 n’était pas loin de la réalité, puisque le seuil de +1,5°C sera franchi bien avant 2030 en l’état des émissions.

La même année a lieu la première conférence internationale sur le climat, à Genève. Les scientifiques de 50 nations tombent d’accord sur le fait qu’il est nécessaire et urgent d’agir. Quatre mois plus tard, à l’occasion d’une réunion du G7 à Tokyo, les dirigeants des pays les plus riches signent une déclaration dans laquelle ils s’engageaient à réduire leurs émissions de carbone. L’action internationale pour réduire les émission semble sur la bonne voie…

1982 : Exxon modélise le changement climatique (qu’elle contribue à provoquer)

La multinationale pétrolière états-unienne Exxon se penche sur la question du changement climatique déjà depuis les années 1970 [7]. En 1982, l’entreprise produit en interne une modélisation du changement climatique, indiquant qu’une augmentation des émission de CO2 causerait irrémédiablement un réchauffement de la planète [8]. Exxon, comme d’autres compagnies exploitant des énergies fossiles, savaient déjà que leur activité contribue au changement climatique, comme l’ont accusé dans une pétition en 2015 plusieurs centaines de milliers d’activistes et de citoyens états-uniens.

1984 : « Danger : la terre se réchauffe »

« Climat. Danger : la terre se réchauffe », titre le magazine français Géo« L’été de 2023 s’annonce encore plus torride que les précédents, prédit l’article. La planète chauffe et mijote comme un vulgaire casserole de potage oubliée sur le feu. Les climatologiques dénoncent un coupable : l’augmentation en teneur en gaz carbonique de l’atmosphère. »

1986 : Shell crée un « groupe de travail sur l’effet de serre »

L’entreprise pétrolière anglo-néerlandaise Shell a elle aussi bien conscience du problème. Le groupe de travail sur l’effet de serre qu’elle a créé en 1986 publie deux ans plus tard un rapport qui considère, au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre, un changement climatique important comme certain, pouvant conduire à une hausse de plusieurs mètres du niveau de la mer au 21ème siècle [9].

1988 : Premier objectif de réduction des émissions

En juin 1988, lors d’une conférence sur le climat organisée à Toronto (Canada), des centaines d’experts venus de dizaine de pays adoptent une déclaration commune qui fixe un objectif de réduction de 20 % des émissions de gaz en effet de serre d’ici à 2005. En décembre, l’ONU crée le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

1989 : Les pétroliers s’organisent contre toute régulation

Shell, Exxon Mobil et l’American Petroleum Institute, organisation qui regroupe les industriels états-uniens du gaz et du pétrole, participent à la création de la Global Climate Coalition (GCC), groupe d’entreprises qui luttent contre la régulation climatique. Les sept principales compagnies pétrolières occidentales (Chevron, Exxon, Shell, BP, Total…) sont, à elles seules, responsables de 15 % des émissions de CO2 (dans nos archives : 90 entreprises sont responsables de deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre).

1990 : Premier rapport du Giec

« Le réchauffement de la planète est inéluctable » titre Le Monde le 7 novembre 1990 au sujet du premier rapport du Giec. « Tous les scientifiques sérieux sont d’accord : pour la première fois de son histoire, l’humanité met en danger grave sa propre survie. »

Dans leur premier rapport, le groupe de scientifiques « s’inquiète du fait que les activités humaines puissent modifier le climat de la planète par le biais de la production de gaz à effet de serre, par les émissions passées et continues de dioxyde de carbone et d’autres gaz qui entraîneront une augmentation de la température de la surface de la Terre, ce que l’on appelle communément le « réchauffement de la planète » » Le Giec prévoit alors une augmentation probable de la température moyenne mondiale d’environ 1°C au-dessus de la valeur de 1990 d’ici 2025, et de 3°C avant la fin du 21ème siècle, ainsi qu’une augmentation du niveau moyen mondial de la mer de 20 cm d’ici 2025 et de 65 cm d’ici 2100. 31 ans plus tard, la montée du niveau des océans approche les 10 cm.

1992 : Sommet de la terre de Rio

Le Sommet de la terre à Rio en 1992 aboutit à l’adoption de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique. Celle-ci reconnaît explicitement la responsabilité humaine dans ce phénomène. Elle fixe aussi l’objectif de la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui ne mettrait pas en danger le climat mondial. Mais aucune décision concrète n’est prise pour réduire ces émissions de gaz à effet de serre. L’objectif de réduction de 20 % d’ici 2005 proposé à Toronto quatre ans plus tôt n’a pas été repris dans la Convention Climat adoptée à Rio. Treize années ont passé depuis la réunion du G7 à Tokyo sur le sujet…

1995 : Deuxième rapport du Giec et première Conférence des parties sur le climat (Cop)

Depuis leur premier rapport, « les concentrations de gaz à effet de serre ont continué à augmenter »note le Giec en 1995. « On s’attend à ce qu’un réchauffement général conduise à une augmentation des jours extrêmement chauds et une diminution du nombre de jours extrêmement froids. (…) Plusieurs modèles indiquent une augmentation de l’intensité des précipitations, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’événements pluvieux plus extrêmes. » Le groupe de scientifiques ajoute qu’« un changement climatique rapide et durable pourrait modifier l’équilibre entre les espèces, voire entraîner le dépérissement des forêts, ce qui modifierait l’absorption et la libération du carbone sur la terre. »

1997 : Protocole de Kyoto

Avec le protocole de Kyoto, 37 pays s’engagent sur des objectifs contraignants de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, pour atteindre une réduction globale de ces émissions d’au moins 5 % entre 2008 et 2012 par rapport au niveau de 1990. Le protocole est entré en vigueur en 2005, le temps qu’un nombre significatif de pays le ratifient. Les États-Unis ne l’ont jamais ratifié, le Canada s’en est retiré. L’objectif de réduction, pourtant limité, n’a pas été tenu.

1998 : Plan de lobbying à 6 millions de dollars des industriels des fossiles

L’American Petroleum Institute met au point en 1998 un plan global de communication et d’action sur le climat (« Global Climate Science Communications Action Plan »). C’est un vaste projet de lobbying. Dans un mémo rendu public par le New York Times, l’organisation propose une stratégie à 6 millions de dollars pour peser sur le Congrès des États-Unis, les médias et autres arènes pour nier l’évidence du changement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre [10].

2001 : Troisième rapport du Giec

Le troisième rapport du Giec prédit une hausse des températures jusqu’à + 5,8°C d’ici 2100 à défaut d’action résolue. « Les émissions de gaz à effet de serre et d’aérosols dues aux activités humaines continuent de modifier l’atmosphère d’une manière qui devrait affecter le climat », constatent les scientifiques en 2001. Les effets du dérèglement climatique sont déjà là. « À l’échelle mondiale, il est très probable que les années 1990 aient été la décennie la plus chaude et que 1998 ait été l’année la plus chaude depuis 1861. (…) Dans certaines régions, comme certaines parties de l’Asie et de l’Afrique, la fréquence et l’intensité des sécheresses ont augmenté au cours des dernières décennies. »

2005 : Année la plus chaude depuis un siècle

Un rapport de la NASA constate que 2005 a été la plus chaude depuis la fin du 19ème siècle [11].

2007 : Quatrième rapport du Giec

« Le réchauffement du système climatique est sans équivoque », dit le Giec dans son quatrième rapport« comme le montrent aujourd’hui les observations de l’augmentation des températures moyennes mondiales de l’air et des océans, la fonte généralisée de la neige et de la glace et l’élévation du niveau moyen mondial de la mer. (…) Une augmentation significative des précipitations a été observée dans les parties orientales de l’Amérique du Nord et du Sud, en Europe du Nord et en Asie centrale et septentrionale. Un assèchement a été observé au Sahel, en Méditerranée, en Afrique du Sud et dans certaines parties de l’Asie du Sud. »

2008 : Nouvelle négociation pour rien en Pologne

Lors de la quatorzième conférence internationale sur le climat de Poznan, en Pologne, les 27 pays de l’Union européenne s’entendent sur les moyens de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 20 % en 2020 par rapport à 1990, mais d’autres pays riches,comme le Canada ou le Japon rechignent à s’engager. « Les conclusions de la 14ème conférence internationale sur le climat sont largement en deçà de ce qu’exige l’urgence de la situationconcluait alors notre journaliste Sophie Chapelle. Les pays du Nord se sont illustrés par leur absence de solidarité envers les pays du Sud. »

2009 : Accord de Copenhague

En 2009, lors de la quinzième conférence sur le climat (COP15), à Copenhague au Danemark, où associations et mouvements internationaux sont particulièrement mobilisés, les pays du monde entier se mettent enfin d’accord pour limiter la hausse des températures sous 2°C d’ici à la fin du 21ème siècle (par rapport aux températures préindustrielles, en 1850). L’accord de de Copenhague prévoit aussi un effort financier des pays développés de 30 milliards de dollars sur 2010-2012. Mais le texte est critiqué : pour la faiblesses des objectifs de réduction d’émissions, et l’absence de contraintes pesant sur les pays signataires, donc d’obligation d’actions concrètes [12].

2010 : Un « Fonds vert pour le climat »

Les accords de Cancún (Mexique) actent notamment le lancement d’un « Fonds vert pour le climat » et d’un système de compensation pour lutter contre la déforestation. Mais dans le texte final de l’accord, « les populations autochtones et les communautés locales vivant des forêts ont été évincées »pointions-nous dans basta ! en 2010. En Afrique et en Amérique du Sud, la déforestation va continuer dans la décennie qui suit [13]

2011 : Le protocole de Kyoto prolongé

Le paquet de décisions de Durban (Afrique du Sud) allonge la validité du Protocole de Kyoto jusqu’en 2020. Les grands pays émetteurs de gaz à effet de serre acceptent de s’inscrire dans un accord global de réduction de leurs émissions, qui devra être précisé au plus tard d’ici à 2015 et entrer en vigueur en 2020.

2012 : Sommet de la Terre « Rio+20 »

Trois ans après le sommet de Copenhague, l’accord sorti de Rio table sur une limitation de la hausse de la température mondiale moyenne à 1,5°C. Pourtant, « c’est la planète qui est perdante dans cet accord a minima  »concluait-on sur basta ! après avoir suivi les négociations sur place. Car « aucun objectif collectif pour restreindre les subventions aux énergies fossiles ou davantage taxer les carburants n’a été fixé ».

2013 : Cinquième rapport du Giec

« Le réchauffement du système climatique est sans équivoque et, depuis les années 1950, bon nombre des changements observés sont sans précédent sur des décennies, voire des millénairesécrit le Giec en 2013. L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, les quantités de neige et de glace ont diminué, le niveau de la mer s’est élevé et les concentrations de gaz à effet de serre ont augmenté. » Dans l’hémisphère Nord, la période 1983-2012 a « probablement été la période de 30 ans la plus chaude des 1400 dernières années, y pointent les scientifiques. L’influence humaine sur le système climatique est évidente, y rappellent-ils aussi. La poursuite des émissions de gaz à effet de serre entraînera un réchauffement supplémentaire et des changements dans toutes les composantes du système climatique. » Comment l’éviter ? « Pour limiter le changement climatique, il faut réduire considérablement et durablement les émissions de gaz à effet de serre », conclut le Giec sans détour.

À la Cop19, à Varsovie, les mouvements sociaux et ONG présents, constatant l’absence d’avancées, quittent la conférence. L’accord finalement trouvé « in extremis » permet tout juste de poursuivre les négociations (voir le bilan que nous en faisions sur basta !).

2014 : Premières marches pour le climat

En septembre, des marches pour le climat sont organisées à travers le monde. 100 000 personnes y participent à New-York, 15 000 à Paris. En décembre, la conférence climatique de Lima au Pérou doit préparer celle de Paris, l’année suivante. Elle a aussi créé l’« Agenda de l’action », qui associe les acteurs non étatiques, notamment les entreprises, aux efforts mondiaux pour lutter contre le changement climatique. Mais c’est, encore une fois, l’inaction qui l’emporte, comme nous l’expliquions sur basta ! : « Si le texte validé à Lima “note avec une vive préoccupation” l’écart entre ce qu’il faudrait faire d’ici 2020 et ce qui est actuellement sur les rails, aucune réponse concrète n’est apportée. »

2015 : Accord de Paris

L’accord adopté à la 21ème conférence internationale sur le climat (COP21) au Bourget, à Paris, le 12 décembre 2015, vise à limiter la hausse de la température en deçà de 2°C, en faisant tous les efforts pour la maintenir en deçà de 1,5°C. Ce sont les objectifs qui doivent prendre la suite du protocole de Kyoto. Là encore, l’accord, entré en vigueur l’année suivante, ne prévoit aucune contrainte. Sa mise en œuvre est soumise à la bonne volonté des États. « Sans feuille de route clairement établie, sans mention des points de passage en 2020 et 2050 fixés par le Giec pour revenir sur une trajectoire inférieure à 2 °C, l’accord de Paris met en danger le simple droit à vivre de nombreuses populations à travers la planète » réagissait Attac France, membre de la Coalition climat créée pour l’occasion.

Dans le même temps, la campagne de désinvestissement des énergies fossile, lancée par le mouvement 350.org, prend de l’ampleur. Des centaines de collectivités, investisseurs, universités ou organisations retirent leurs capitaux des banques et fonds investissant dans le secteur pétrolier, gazier ou le charbon (voir notre article de 2015 sur cette campagne).

2017 : Trump rejette l’accord de Paris

Le président des États-Unis Donald Trump décide de sortir son pays de l’Accord de Paris.

2018 : Grève des jeunes pour le climat

En 2018 et 2019, en Europe et dans le monde entier, des jeunes, lycéens, collégiens, étudiants, se mobilisent pour le climat à la suite de la grève scolaire lancée par l’activiste suédoise Greta Thunberg (voir nos articles ici et ici).

2021 : Mégafeux, inondations, températures extrêmes, Cop26

En janvier 2021, Le nouveau président des États-Unis Joe Biden annonce le retour de son pays dans l’Accord de Paris. En France, le Parlement adopte définitivement en juillet une « Loi climat » déjà « obsolète aux regards des objectifs à atteindre »analyse l’économiste Maxime Combes sur basta ! . Le 9 août, le Giec publie son sixième rapport. Après la Cop24 en 2018 à Katowice et a Cop25 en 2019 à Madrid, la prochaine conférence des parties sur le climat aura lieu du 31 octobre au 12 novembre 2021 à Glasgow.

Ces nouvelles négociations ne pourront pas ignorer les dernières alertes du Giec. « Le mandat du Giec n’est pas de faire des recommandations politiques ni de prescrire des mesures. Mais le constat sans appel qu’il vient de détailler, basé sur des connaissances et des données scientifiques rigoureuses, devrait faire réagir l’ensemble des responsables politiques. Il est absolument vital que les gouvernements s’alignent sur un objectif à 1,5°C et revoient leurs plans en conséquence »demande Greenpace.

Car tout n’est pas perdu. Le Giec le dit lui-même : réduire les émissions de gaz à effet de serre immédiatement réduira le changement climatique. Mais pour y arriver, il faut atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. « Le réchauffement planétaire de 1,5°C et 2°C sera dépassé au cours du 21ème siècle, à moins que des réductions importantes des émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre n’interviennent dans les prochaines décennies », détaillent les scientifiques dans leur dernier rapport.

Le seul moyen d’y arriver serait de ne pas exploiter de nouveaux gisement de fossiles. C’est ce qu’établit notamment un article publié le 8 septembre de la revue scientifiques Nature [14] : « Pour garder une chance de limiter le réchauffement à 1,5°C, et ainsi éviter les pires catastrophes climatiques, il faudrait laisser dans le sol près de 60 % des réserves de pétrole et de gaz, et 90 % de celles de charbon d’ici à 2050. » Arrêter d’exploiter les énergies fossiles, c’est ce que demande depuis des années de nombreuses organisations actives pour le climat. Jusqu’ici, dans les négociations climatiques, il n’a jamais été vraiment question de mécanismes visant à laisser tout ou partie des réserves fossiles dans le sol. Il n’est pas trop tard pour le faire.

Rachel Knaebel