Brésil : Dans l’ombre de Jair Bolsonaro, les militaires en embuscade

Claire Gatinois, Le Monde, 26 octobre 2018

 

Les uniformes sont restés au vestiaire, mais l’armée est partout dans l’entourage de Jair Bolsonaro. Présente et pesante. Le général Hamilton Mourao, 65 ans, colistier du candidat, en est l’élément le plus visible. Sorti de l’ombre lors de l’attaque au couteau le 6 septembre qui a éloigné Jair Bolsonaro des meetings de campagne, le sexagénaire, à la retraite depuis février, s’est illustré par ses dérapages répétés. Suggérant un « autocoup d’Etat » en cas d’anarchie, il a qualifié les enfants de mères célibataires d’« inadaptés » et fait étalage de son mépris envers les indigènes et les afrodescendants, à l’origine, selon lui, de l’« indolence » et de la « ruse » des Brésiliens.

« Groupe de Brasilia »

Ces sorties ont semé le malaise lors de réunions militaires qui se tiennent depuis des mois dans les sous-sols de l’Hôtel Brasilia Imperial, dans la capitale. Un véritable « bunker », où s’articule la stratégie de campagne du capitaine. Là, un noyau dur formé de gradés surnommé « le Groupe de Brasilia » se réunit sous la direction de généraux.

Parmi eux, Augusto Heleno, général quatre étoiles qui fut commandant de la mission des Nations unies pour la paix en Haïti de 2004 à 2005, où les troupes ont été suspectées d’agressions sexuelles. Sans doute le plus respecté de ses pairs, l’homme est pressenti pour occuper le ministère de la défense d’un éventuel gouvernement Bolsonaro et défend le recours à des « snipers » pour en finir avec les gangs de la drogue.

Oswaldo Ferreira, « cerveau » de Bolsonaro pour la partie logistique et l’infrastructure, fait, lui, valoir son expérience de construction de la route transamazonienne BR-163 pour occuper le futur ministère des transports. La BR-163 est une bande d’asphalte reliant le pays du sud au nord, dont les premiers kilomètres ont été tracés il y a près de quarante ans. Un temps béni, a rappelé le général, où l’Ibama, l’institut de protection de l’environnement, « n’était pas là pour nous enquiquiner ».

Enseigner le créationnisme

Autre homme fort du président, Aléssio Ribeiro Souto, formé à l’académie militaire des Aiguilles noires, est le potentiel ministre de l’éducation. Sa vision de l’enseignement, singulière, vise à « rétablir la vérité sur le régime de 1964 », période ouverte par un coup d’Etat et marquée jusqu’en 1985 par la censure, les tortures et les arrestations arbitraires, mais qu’il refuse de qualifier de dictature. Déterminé à « revoir en profondeur la bibliographie des écoles », il est aussi viscéralement attaché à supprimer l’« idéologie de gauche » qui polluerait, dit-il, les collèges. Il a, enfin, affirmé au quotidien Estado de Sao Paulo, le 15 octobre, qu’enseigner le créationnisme n’« était pas une erreur ».

Ces réunions militaires à Brasilia, aujourd’hui pivot de la campagne de Jair Bolsonaro, ont en réalité précédé la candidature de l’ancien parachutiste. Les membres de l’armée souhaitaient peser dans la présidentielle. Jair Bolsonaro, d’abord méprisé, fut peu à peu considéré comme l’homme ad hoc pour incarner leurs ambitions, mettre en exergue les forces armées et faire valoir la « défense de la famille » face aux revendications LGBT. Trente ans après la fin de la dictature, le pays assiste au « retour de la tutelle des militaires » au Brésil, s’est alarmé lors d’un entretien accordé à la chaîne Cultura, lundi 22 octobre, le candidat de gauche Fernando Haddad.

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