Brésil : « Une sorte de dégagisme à la brésilienne »

Chirstophe Ventura, Figaro International, 8 octobre 2018

 

LE FIGARO. – Comment doit-on interpréter le bon score de Jair Bolsonaro?

Christophe VENTURA. – Le score du candidat d’extrême droite au premier tour de l’élection présidentielle (46,3% des voix) traduit la montée d’une vague conservatrice très forte. Jair Bolsonaro semble être parvenu à faire converger à lui plusieurs courants, en défendant une vision conservatrice sur la question de la famille, sur celle du droit des minorités, de la moralisation de la vie politique ou encore en matière de religion. Rappelons à ce titre que sa candidature est soutenue par les mouvements évangéliques, très puissants dans le pays. Enfin, sur le plan économique, son programme se traduit par une accélération de l’agenda ultralibéral. D’ailleurs, hier soir, la présence de son conseiller économique, Paulo Guedes, à ses côtés dans une vidéo sur Facebook était sans doute un message adressé aux opérateurs financiers.

Qualifié pour le second tour, le candidat du Parti des travailleurs (PT) peut-il refaire son retard?

Après l’annonce des résultats, Fernando Haddad a déjà enregistré plusieurs soutiens en sa faveur, notamment celle du candidat de centre gauche, Ciro Gomes, arrivé troisième de ce scrutin, et celle de l’écologiste Marina Silva, même si le score de cette dernière s’avère décevant. Mais la véritable clé de cet entre-deux-tours se trouve dans l’attitude que va observer le centre droit, convoité par les deux camps. Dans tous les cas, l’incertitude reste de mise. La campagne électorale a déjà connu plusieurs rebondissements entre le meurtre en mars dernier de Marielle Franco à Rio, la tentative d’assassinat visant Jair Bolsonaro, qui a depuis mené campagne sans sortir de chez lui, ou l’invalidation de la candidature de Lula. Ce scénario, qui sort de la normalité, traduit au passage une crise démocratique très profonde.

Qui est le grand perdant de cette élection?

La droite brésilienne, que ce soit le PSDB de Geraldo Alckmin ou le candidat soutenu par le président sortant, Henrique Mereilles, qui connaissent une véritable déroute. Leur électorat a été littéralement aspiré par Jair Bolsonaro. Le Parti des Travailleurs prend lui aussi une claque. Mais il reste le parti le mieux implanté sur le territoire notamment dans son fief du Nordeste. Plus généralement, ce premier tour traduit une forme de jacquerie électorale qui vient sanctionner les sortants de tous bords politiques. Une sorte de dégagisme à la brésilienne. Jair Bolsonaro a su capter cette vague anti-PT très puissante parmi la classe moyenne. Celle-ci nourrit un sentiment de déclassement avec la crise économique et considère que ses intérêts ont été reniés pendant 15 ans.

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