Lettre ouverte à Justin Trudeau, 5 mai 2021
En tant qu’organisations de défense des droits de la personne au Canada, nous demandons au premier ministre du Canada, Monsieur Justin Trudeau, de faire une déclaration concernant les violations à grande échelle des droits de la personne contre les civils qui sont perpétrées par le gouvernement colombien (police et armée) depuis le 28 avril 2021. En raison des liens étroits entre la Colombie et le Canada, ainsi que de l’existence d’un accord de libre-échange entre les deux pays et de l’appartenance du Canada au Groupe de Lima, il est crucial que M. Trudeau soutienne la vie et les droits de l’homme en Colombie pour mettre fin à la crise humanitaire actuelle. Nous demandons également une mission canadienne des droits de l’homme en Colombie.
Selon les données de Temblores, entre le 28 avril 2021 et le 5 mai 2021, il y a eu 10 victimes d’agressions sexuelles par la police, 1443 cas de brutalités policières, 226 de violences physiques par la police, 31 victimes d’homicides par la police, 814 arrestations arbitraires, 239 interventions violentes, 21 victimes de blessures aux yeux, et 77 victimes de tirs par la police.
- Le président Iván Duque a ordonné la militarisation des villes colombiennes suite aux manifestations massives de la population contre la réforme fiscale et compte tenu de la grave situation sociale, économique et sanitaire du pays;
- Les violations des droits de l’homme contre la population par la police sont une constante depuis le 28 avril, jour du début du Chômage national;
- La situation des droits de l’homme en Colombie est critique, il n’y a aucune garantie pour la vie, l’intégrité ou le respect pour exercer librement le droit de protestation et de mobilisation sociale.
En tant que citoyens-nes défenseurs du processus de construction de la PAIX en Colombie, nous exprimons notre profonde préoccupation face aux graves développements dans le pays lorsque, en utilisant le droit légitime de protester. Les citoyens-nes se sont mobilisés sur tout le territoire national en rejetant la réforme fiscale imposée par le gouvernement du président Duque, et finalement retirée grâce à la vigoureuse protestation sociale qui a laissé jusqu’à présent un bilan regrettable en vies humaines et de graves violations des droits de l’homme par les forces répressives de l’État.
Des personnes participantes aux marches, d’autres de défense des droits de l’homme, des membres du Congrès et des personnes conseillères de l’opposition ont dénoncé la présence d’agitateurs en marge des mobilisations, face à l’indifférence des autorités. Outre l’agression de la force publique contre les manifestants-es, les descentes dans les logements collectifs à l’aide de gaz lacrymogènes, les détentions arbitraires et irrégulières, les tirs sur la population civile désarmée, les viols de femmes perpétrés par les forces de l’ordre, la présence de policiers en uniformes sans noms ni badges, la militarisation des villes sur ordre du gouvernement national, ce qui dépasse le mandat des maires locaux, sont parmi de nombreux autres excès graves de la violence d’État.
Les défenseurs-es des droits humains, les organisations sociales, les mouvements étudiants, les médias alternatifs, les syndicats, les guildes de travailleurs-euses, les paysans-nes, les transporteurs, les mouvements afros, les femmes et les indigènes se battent dans les rues et ont utilisé les médias sociaux pour sensibiliser à l’utilisation excessive de la force publique. Le nombre exact de morts et de blessés est actuellement inconnu, car les chiffres proposés par les organisations diffèrent de ceux donnés par le gouvernement.
Ces chiffres révèlent la grave violation des droits de l’homme par la force publique colombienne, principalement la violation du droit fondamental à la vie, en plus de la violation du droit légitime à la mobilisation sociale face à la gravité de la situation sociale, économique et sanitaire de millions de Colombiens, ainsi que les mesures fiscales injustes imposées inconsidérément par le gouvernement national et retirées le 2 mai devant la pression citoyenne.
Le président Ivan Duque a donné l’ordre de militariser les villes, en utilisant la clause de «l’assistance aux maires et aux gouverneurs», ce qui représente un risque élevé pour les citoyens-nes. Avec un discours démagogique sur la nécessité de protéger la population, Ivan Duque entendait imposer la réforme fiscale dans le sang et le feu, au-dessus de la protestation du peuple.