Cette semaine en Haïti (13 septembre) : encore plus loin dans la crise

Compilation effectuée par Herold Constant

Remontée des actes de criminalité

Après la trêve volontaire observée par les gangs armés en faveur des victimes du séisme 14 août 2021, Haïti enregistre une importante remontée de actes de criminalités (kidnapping, assassinats, vols à main armés). Du lundi 6 au dimanche 12 septembre, outre un accident de circulation ayant coûté la vie à huit personnes le 10 septembre passé, au moins sept personnes ont été enlevées et deux autres ont été assassinées. Parmi ces enlèvements, le cas de la belle-fille du Premier Ministre de facto Ariel Henry et celui de la femme du directeur départemental de l’Ouest du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) ont fait un plus grand écho dans les médias. La terreur collective est donc rétablie dans les grandes régions métropolitaines, notamment à Port-au-Prince. Ainsi, des organisations de la diaspora haïtienne exige le rétablissement de la paix et de la sécurité dans le pays ou la démission d’Ariel Henry.

Cette situation paralyse les activités socio-économiques du pays, dont, selon The Washington Post (6 septembre 2021), 60% du territoire serait contrôlé par les gangs. Le G-9 et les « 400 mawozo » sont les principaux occupants. Déjà en pénurie, les activités criminelles ont des impacts négatifs sur l’approvisionnement en produits pétroliers. Car, ces individus ont attaqué des terminaux pétroliers et des camions d’approvisionnement. Le 09 septembre passée, l’Association des Professionnels du Pétrole (APPE)  a adressé une correspondance adressée au ministre de la Justice et de la Sécurité Publique pour déplorer cette situation.

Sources :

Accord politique avec le premier Ministre de facto Ariel Henry

Bien qu’un rapport du Réseau National de Défense des Droits de l’Homme (RNDDH) révèle qu’Ariel Henry a eu deux appels téléphoniques avec celui qui est considéré comme le principal auteur intellectuel de l’assassinat de Jovenel Moise (Joseph Badio) quelques heures après l’acte, les principaux partis politiques de l’opposition ont signé le samedi 11 septembre 2021 un « accord politique pour une gouvernance apaisée et efficace » avec ce dernier. Le Secteur démocratique et populaire (SDP), la Fusion, INITE, INIFOS, Ansanm nou fò, Force Louverturienne Réformiste, sont entre autres les organisations politiques qui ont signé cet accord.

Cet accord survient dans un contexte crise interne où le commissaire de gouvernement de Port-au-Prince (Me Bed-Ford Claude) convoque Ariel Henry par devant la justice en vue de faire la lumière sur ses deux conversations avec le suspect recherché Joseph F. Badio. Dans la foulée, Vant Bèf Info (11 septembre 2021) écrit que : « L’Office de la Protection du Citoyen (OPC), une institution étatique mais indépendante de défense des droits humains, se dit choqué par les informations relatives aux discussions entre le premier ministre Ariel Henry et Joseph Félix Badio […]. Consterné, le protecteur du citoyen Me Renan Hédouville, invite le premier ministre Ariel Henry à démissionner et à se mettre à la disposition de la justice. […]. Par ailleurs, l’Office de la Protection du Citoyen demande à l’organisation des Etats Américains (OEA), au Core Group, aux pays amis d’Haïti et la représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies en Haïti, de ne plus supporter le premier Ministre Ariel Henry ». Mais selon Ariel Henry, il s’agit de manœuvres de diversion ayant pour but de semer la confusion et d’empêcher la justice de faire son travail (Vant Bèf Info, 11 septembre 2021).

Toutefois, il est important de noter que l’enlèvement suivi de séquestration de la belle-fille d’Ariel Henry et sa convocation par devant la justice le mardi 14 septembre 2021 sont inscrits dans une logique de réponse à ce dernier qui est en train de faire des alliances avec des fervents ennemis de Jovenel Moise. Ces alliances devraient déboucher sur un grand remaniement dans le gouvernement en place dans les jours à venir. Le gouvernement de facto en place est donc déchiré par des luttes intestines et mesquines.

Cette dynamique ne fait que donner plus de pouvoir aux gangs armés et détruire le socle des institutions encore debout en Haïti. « L’accord » risque encore d’envenimer la crise.

Sources :

Face à une grave insécurité alimentaire

Pendant que les partis politiques se séparent des butins et que gangs armés tuent et rançonnent, la situation économique et humanitaire du pays s’aggrave de plus en plus. Le 11 septembre 2021, il fallait 96,77 gourdes pour 1 $ US. En Haïti, la hausse du dollar entraine toujours la hausse des prix des produits pétroliers et de premières nécessités. On peut se demander comment la population haïtienne (notamment les sinistrés du séisme) qui enregistre un taux de chômage de 40,60 % (Le National, 27 octobre 2020), parvient à survivre dans cette situation.

Récemment, une évaluation réalisée par les Fonds des Nations Unies pour l’Alimentation (FAO) a révélé une forte augmentation de la faim dans les zones affectées par le séisme du 14 août 2021. Selon cette étude, « 980.000 personnes dans les quatre départements du pays qui ont subi le choc du séisme de magnitude 7,2 sur l’échelle de Richter – Grand’Anse, Nippes, Sud et Sud-Est – vivent désormais dans une insécurité alimentaire aiguë » (FAO, 9 septembre 2021). D’un autre côté, UNICEF alerte que « plus d’un demi-million d’enfants risquent de contracter des maladies d’origine hydrique. […]. La vie de milliers d’enfants et de familles touchés par le tremblement de terre est maintenant en danger, simplement parce qu’ils n’ont pas accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène », a déclaré Bruno Maes, Représentant de l’UNICEF en Haïti » (Extrait du journal Le National, 10 septembre 2021). La FAO en a profité pour faire un appel à l’aide afin de soutenir les familles les plus vulnérables, se trouvant majoritairement dans les milieux ruraux.

            Face à la terreur des gangs, au chômage, aux catastrophes naturelles récurrentes alimentant l’insécurité alimentaire, la population continue à fuir le pays, ne serait-ce qu’irrégulièrement. Alors que le 26 août passé, la marine de la République Dominicaine avait intercepté un « autre groupe de 97 ressortissants haïtiens à bord d’une petite embarcation prenant la direction de Porto-Rico […], le 8 septembre, les autorités de Turk and Caicos ont refoulé une cohorte de 93 ressortissants qui tentaient d’émigrer de façon irrégulière », explique Le National (10 septembre 2021). L’inquiétude est à son paroxisme. 

Sources :